« Aimer » un tweet traitant d’« abruti » un porte-parole de LMPT est-il digne d’un membre du gouvernement ?

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Nous sommes tous d’accord, les insultes et les noms d’oiseaus sur les réseaux sont un vrai fléau. Laetitia Avia a d’ailleurs fait une loi pour lutter contre ça.

Peut-on m'expliquer, dans ce cas, une toute petite chose, un tout petit geste, devrais-je dire, peut-être un détail pour vous mais qui, pour moi, veut dire beaucoup… Pourquoi donc notre secrétaire d’État Marlène Schiappa a-t-elle « aimé », sur Twitter, un message traitant d'« abruti » un porte-parole (Albéric Dumont) de la Manif pour tous ? Comment a-t-elle pu apposer sans scrupule un petit cœur rouge sur un commentaire injuriant un opposant à l’extension de la PMA ?

Qu’a donc osé dire Albéric Dumont sur LCI pour se faire insulter ? Ce qui, aux yeux de nos aïeuls, aurait fait figure de lapalissade. En 2019, enfoncer les portes ouvertes est devenu une activité hautement risquée : « Aujourd’hui, tout le monde sait bien qu’on n'a qu’une mère. Une mère, c’est unique. Et la mère, c’est celle qui a porté l’enfant pendant neuf mois, c’est celle qui a donné la vie. » Voilà donc ce qui vous vaut, aujourd’hui, de vous faire traiter - par ricochet - d’abruti par une secrétaire d’État.

Le tweet « liké » par Marlène Schiappa émane d’un certain Pierre Col, ingénieur en informatique et mathématiques appliquées spécialisé en intelligence artificielle, s’affichant, sur son profil, amateur de Ducati et de Porsche, ce qui en soi n’a rien de dérangeant, c’est son droit le plus strict, mais ne donne pas à ce monsieur CSP++ l’excuse de l’illettrisme ni du défaut d’éducation.

« Cet abruti fait semblant d’ignorer les femmes, qui, comme mon épouse, ont adopté des enfants ?!? Nos 3 enfants, aujourd’hui âgés, de 22, 20 et 17 ans, et adoptés à 2 mois, 18 mois et 30 mois, pourraient lui expliquer pourquoi elle est leur mère, et pourquoi je suis leur père… », ce sont ses propos.

S’il ne commençait pas par une injure - qui tue dans l’œuf tout débat -, on pourrait répondre posément que les femmes comme son épouse, qui ont adopté, ne font pas, elles, semblant d’ignorer que le mot matrice, synonyme d’utérus, organe du système reproducteur féminin dans lequel se développe le fœtus au cours de la grossesse, est dérivé du mot latin mater, et que leurs enfants adoptifs ont chacun une mère biologique, naturelle, à laquelle ils pensent beaucoup pour certains, très peu pour d’autres, avec une intensité variant en fonction des périodes de la vie, mais qui est une réalité tangible contre laquelle nul ne peut rien. Avec sensibilité et intelligence, elles laissent d’ailleurs à leurs petits, quand ils le souhaitent, le loisir d’en parler, même si cela peut parfois secrètement les faire souffrir, car elles les aiment et savent que le déni les détruirait.

On pourrait aussi lui faire remarquer que le père adoptif, sans doute excellent, qu’il revendique être n’est pas une deuxième mère. Et que si les deux rôles étaient parfaitement interchangeables, on n’aurait pas besoin de deux mots différents depuis la nuit des temps pour les désigner, il suffirait de parler simplement de parent.

Il arrive qu’un accident de la vie prive un enfant d’une main et il est merveilleux que la science parvienne, aujourd’hui, à poser à celui-ci une prothèse ou à lui faire une greffe. Mais aucun scientifique digne de ce nom n’envisagerait d’aider à concevoir sciemment des enfants sans main et à leur fixer, ensuite, indifféremment une deuxième main gauche à la place de la droite, ou inversement, en prétendant que tout ira bien et que, penses-tu, on n'y verra que du feu. C’est pourtant peu ou prou ce que le législateur s’apprête à faire en matière de parentalité.

Est-il encore possible de s’y opposer publiquement, posément, courtoisement comme l’a fait Albéric Dumont, sans se faire traiter d’abruti… avec, en sus, l’approbation d’un membre du gouvernement ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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