Afrique du Sud : du désordre au chaos
Rien ne va plus, dans cette Afrique du Sud en proie, depuis quelques jours, à de violentes scènes de pillage dans deux grandes villes du pays, Johannesburg et Durban. Près de soixante-quinze morts sont à déplorer, depuis le milieu de la semaine dernière. Le prétexte de toute cette agitation violente est, officiellement, l’emprisonnement pour quinze mois de Jacob Zuma, l’ancien président sud-africain de 2009 à 2018, sous le chef d’accusation d’outrage à la cour (contempt of court).
Au commencement de toute cette affaire, il s’agissait, pour Zuma, de comparaître devant la cour pour répondre à au moins quinze chefs d’accusation, allant du racket au blanchiment d’argent en passant par des affaires de corruption, de fraude et d’évasion fiscale durant le temps de sa présidence. Alors qu'il était au pouvoir, les hommes d’affaires de la famille Gupta avaient fait main basse sur plusieurs secteurs d’activité de l’économie sud-africaine avec la complicité de plusieurs membres de l’ANC (Congrès national africain), dont Zuma lui-même. Ces procès-là seront entendus plus tard.
Dans la foulée de l’emprisonnement de Zuma, ses partisans ainsi que des membres de l’ANC ont déclenché des émeutes auxquelles se sont jointes des milliers de personnes qui se sont livrées à des scènes de pillage sans précédent, mettant à sac des grandes enseignes commerciales à Johannesburg et Durban, les deux plus grandes villes du pays.
Complètement débordée par ces manifestations violentes qui ont fait, jusqu’ici, près d’une dizaine de morts, la police a reçu l’aide de l’armée qui a largement perdu de son efficacité d’antan. Lui aussi dépassé par la tournure qu’ont prise ces événements, le président Cyril Ramaphosa paie, aujourd’hui, le laxisme dont il a fait preuve, notamment sur le plan de la défense des fermes violemment attaquées, au prix de plusieurs assassinats d’une rare sauvagerie, par une population noire encouragée à le faire par les extrémistes de l’EFF (Economic Freedom Fighters/Combattants pour la liberté économique) de Julius Malema, que le gouvernement a laissé faire.
Cyril Ramaphosa paie, aujourd’hui, une facture dont il ne pensait pas qu’elle lui serait présentée aussi vite. La violence qu’il a laissée grandir au sein de l’ANC se retourne, aujourd’hui, contre son propre gouvernement. Dépassée dans la rue, la police a aussi reçu l’aide de milices privées qui ont pris les choses en main pour essayer de rétablir l’ordre à Durban, notamment. Ce qui est un comble quand on sait que des sommes de plusieurs milliards de rands ont été allouées à la réorganisation et à la modernisation d’une police et d’une armée tombées en ruine depuis la fin du gouvernement blanc en 1994. Il n’est un secret pour personne que beaucoup de ces fonds ont fini dans les poches de certains ministres et de leurs petits copains.
En attendant, plusieurs observateurs prévoient des pénuries d’essence, de médicaments et de produits de première nécessité dans les semaines à venir…
« Pleure ô mon pays bien aimé », écrivait Alan Paton, dans les années cinquante, pour dénoncer le régime de séparation raciale. S'il revenait aujourd’hui, il constaterait que le pays pleure encore plus, mais pas pour les mêmes raisons…
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