Affaire Litvinenko, Syrie : des preuves, vous avez dit des preuves ?
Lors de mes études de droit que des gauchistes déchaînés s’efforcèrent de perturber à la mode soixante-huitarde, mes professeurs m’ont inculqué qu’il ne saurait exister de Justice sans preuve. En droit romain, comme en droit français ou anglo-saxon, la preuve demeure la clef de voûte qui permet à une cour de justice d’entrer en voie de condamnation.
C’est pourquoi, avant de sanctionner un comportement juridiquement punissable, les dirigeants des nations dites « civilisées » (comprenez : plus et mieux armées que les autres !) étalent les « preuves » qui les autorisent à intervenir et sollicitent un mandat onusien.
Ces dernières semaines, les dirigeants de la Grand-Bretagne, des États-Unis et de la France ont pris, dans deux affaires différentes, des décisions extrêmes en arguant de « preuves » qu’ils disaient détenir.
Le MI6 britannique nous a d’abord ficelé un remake de l’affaire du FSB qui, en 2006, aurait empoisonné au polonium le malheureux espion russe Litvinenko. Cette fois, c’est Skipral, ex-espion agent double russe emprisonné il y a plusieurs années en Russie, puis libéré, vivant officiellement à Londres depuis 2011, qui aurait été « empoisonné » avec sa fille Youlia (pourquoi elle ?) par un produit qui, comme par hasard, serait d’origine russe : le novitchok. Mme May pleine d’une morgue thatchérienne, nous assena que c’était un coup de Poutine, qu’elle en détenait « les preuves » et qu’elle les dévoilerait pour ridiculiser les complotistes sceptiques. Et de dénoncer unanimement la fourberie du « tsar », sans toutefois nous expliquer les motifs qui l’auraient poussé à vouloir éliminer (sans succès, puisque les deux ont survécu !) un espion rangé des voitures depuis plus de dix ans et sa fille. Applaudissements américains ! Et motif suffisant pour expulser allègrement un contingent de diplomates russes, sans que nul pays occidental ne s’en offusque.
En point d’orgue, tel Colin Powell brandissant sa fiole remplie de je-ne-sais-quoi à la tribune des Nations unies, voici Trump hurlant à l’attaque chimique en Syrie et accusant les troupes de Bachar el-Assad, qui n’en avaient nul besoin stratégique, d’en être les auteurs. Lui aussi « avait des preuves », il allait nous les montrer, foi de Yankee ! Et les toutous occidentaux, faisant allégeance et foi au verbe trumpien (Élysée en tête), emboîtèrent le pas aux États-Unis. Les voilà donc partis, sans la moindre habilitation de l’ONU, pour s’en aller bombarder joyeusement, et aux grands frais du contribuable, le territoire de l’État souverain syrien, foulant aux pieds un droit international réputé devoir s’appliquer au monde entier... sauf, comme par hasard, aux États-Unis, à son bras armé l’OTAN et à leurs vassaux…
Mais non, tout cela ne relève pas d’un délire impérialiste galopant, d’un mépris total pour le droit international, auquel se substitue « le droit du plus fort » (immortalisé en son temps par Jules César) ! Ce seraient là de vilaines pensées complotistes. Impossible de douter de la parole de la perfide Albion, ou de celle des États-Unis vêtus de candide probité, ces hérauts de la vérité.
Les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein ont, bien entendu, été présentées à tous pour pleinement justifier l’anéantissement de l’Irak. Le « coup de la preuve qu’on détient mais qu’on ne montre pas » vous a comme un goût de réchauffé. Comment se fait-il que, deux mois après les faits, aucun gouvernement, aucun média mainstream ne s’étonne bruyamment en réclamant ces « preuves » qui jouent à l’arlésienne.
La crainte interdirait-elle désormais toute indépendance et tout contrôle des « preuves » ?
Liberté, Vérité, Indépendance appartiennent-elles désormais au passé de notre civilisation ?
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