Académie française : duel en vue pour le secrétariat perpétuel

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L’Académie fait sa rentrée, ce jeudi 28 septembre. À l’ordre du jour, la première sélection des titres retenus pour le Grand Prix du roman et l’élection du nouveau secrétaire perpétuel. La sélection n’éveillera pas les passions, l’institution ayant couronné tant de rossignols ! L’élection du secrétaire perpétuel, elle, qui s’annonçait sans surprise tant que seul Amin Maalouf briguait le poste, prend de l’intérêt depuis que Jean-Christophe Rufin s’est déclaré candidat, il y a quelques jours.

Succéder à Hélène Carrère d'Encausse

L’un ou l’autre aura la responsabilité de succéder à Hélène Carrère d’Encausse, décédée début août dernier. Par sa stature, par son envergure intellectuelle, elle a marqué le quart de siècle qu’a duré son secrétariat. Son siège d’académicienne peut rester vide sans problème – l’Académie a l’habitude de laisser son mobilier prendre la poussière sans que son fonctionnement n’en soit perturbé – , le poste de secrétaire perpétuel ne peut rester vacant trop longtemps car celui-ci « représente l’institution dont le président de la République est le protecteur. Le secrétaire perpétuel occupe le 24e rang de l’État et le représente dans le monde », explique Mohammed Aïssaoui, dans Le Figaro. Loin d’être anodin, le poste, qui a vu passer d’Alembert, Genevoix ou Druon, peut aiguiser les appétits.

Or, Maalouf et Rufin sont de vieux amis. Deux enfants du Goncourt : le premier l’a eu en 1993 (Le Rocher de Tanios), le second en 1998 (L’Abyssin). Deux enfants de l’Académie : Rufin y a accueilli Maalouf en 2012. Sortiront-ils les épées sous la Coupole, ce 28 septembre ? Ce serait une première, car « aucune épée d’académicien ne semble jusqu’ici avoir servi pour un duel, un crime ou un suicide… » écrivait Jean Tulard, en rappelant cette anecdote : « C’est en s’asseyant involontairement sur elle que le Président Édouard Herriot, d’un poids respectable, cassa la sienne en deux lors d’une réception de l’Académie française. Rien à voir, donc, avec une arme de combat. » Si combat il y a, il se déroule en amont et de façon feutrée, chacune rassemblant ses soutiens et sondant les indécis.

Politique et francophonie

Vingt-quatrième personnage de l’État, le secrétaire perpétuel a nécessairement une dimension politique. Qu’en est-il de nos candidats ? Dans son discours de réception, Maalouf notait l’existence d’un « mur de la détestation » en Méditerranée, « entre Européens et Africains, entre Occident et islam, entre Juifs et Arabes », un mur qu’il souhaitait « saper », « démolir ». Il frôlait le lieu commun papal mais, franco-libanais, Amin Maalouf a une sensibilité particulière à ces questions, qui pourrait le faire élire. Quant à Rufin, on saluera son relatif courage d’avoir su écrire, dans le fameux « rapport Rufin » (2004), que « l’implication de l’extrême droite dans les actes antisémites est en baisse régulière depuis une dizaine d’années » – même s’il se devait d’ajouter : « Cette réalité statistique ne doit pas pour autant nous inciter à minimiser l’influence potentielle de ces idéologies. » Ancien diplomate, voilà qui pourrait peser en sa faveur. Pour ce qui est de la question cruciale de la défense de la francophonie, Rufin fut ambassadeur au Sénégal mais Maalouf a pour lui de vivre dans sa chair le bilinguisme français-arabe – « un facteur d'enrichissement humain ainsi qu'une école de civilité », écrivait-il.

Alors, ce duel déplacera-t-il les académiciens ? Un vainqueur sortira-t-il du bicorne dès lors que l’élection nécessite une majorité absolue des suffrages ? Voilà un suspense dramatique auquel l’institution ne nous avait pas habitués. Un suspense tout relatif, il est vrai.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

14 commentaires

  1. Au vu du saccage de la Langue Française, dans une indifférence générale honteuse, l’Académie sert-elle, encore, à quelque chose ?…

    • A quoi sert l’Académie Française ? c’est la question que beaucoup se pose, vu l’état pitoyable de l’enseignement, du théâtre, cinéma ….

  2. Il aurait été de bon ton que l’Académie se dresse fortement contre l’écriture inclusive. Or, 8l n’en n’a rien été.

    • Détrompez-vous, l’Académie Française a dénoncé dans un communiqué adopté à l’unanimité le « péril mortel pour la langue française » que représente l’écriture inclusive.
      « Devant cette aberration ‘inclusive’, la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures », a affirmé l’Académie dans une « solennelle mise en garde » adoptée jeudi à l’unanimité de ses membres

  3. « Un suspense tout relatif, il est vrai »… Serait-ce que l’affaire est déjà pliée ? La préférence étrangère, peut-être ?

  4. A ce sujet, je me suis demandé comment Mario Vargas Llosa était entré à l’Académie, lui qui parle à peine notre langue. Poliique, politique, quand tu nous tiens…

    • Et un certain Dany Laferrière ? J’ai tenté de lire un de ses livres. Je n’ai pas été très loin car il n’etait question que de sperme et d’éjaculations… sans doute l’a t-on élu pour sa couleur de peau.

      A contrario, l’académie Française, lorsqu’elle prend des décisions raisonnées, personne ne suit les règles adoptees. Il était logique de mettre au féminin l’ acronyme COVID. Qui sait ce qu’il veut dire ? Au début de l’épidémie, on parlait uniquement de coronavirus. Et puis, le terme COVID est arrivé. Hors, anglicisme, bien évidemment, le D signifie « maladie », mot qui en français est féminin), et dans des cas similaires (team=la team =l’équipe qui est un mot féminin). Peu nombreux sont ceux qui on suivi la règle. Je m’y obstine, considérant que ceux qui ne l’ont pas fait manquent de rigueur, ce qu’un academicien doit avoir.

  5. Je suis pour cette Académie. Certes ses membres ne twittent pas plus vite que leur ombre et sont donc plus discrets que Mme Rousseau et Cie , mais cette Institution crée par Richelieu a son rôle à jouer ( ses membres ne sont pas aimés par LFI, les écolos etc_ pourquoi ? ). M. Maalouf a ma préférence _ j’ai aimé certains de ses livres. M. Rufin est très bien aussi… (livre : Le Grand Coeur ).

  6. Et si un candidat se présentait pour « la défense et illustration de la Langue Française » ? Belle perspective !

    •  » Celles et ceux » qui composent actuellement l’Académie française résisteront-ils aux assauts des élucubrations progressistes, notre langue étant vivante? Certains précédents altèrent mon optimisme…

      • Lorsque l’on voit le degré de culture des instances ( présidence, assemblée etc… ) sensées guider et représenter la France il y a effectivement de quoi être très très inquiet.

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