L'une des raisons qui doivent inciter à observer les sondages avec précaution est la difficulté, reconnue par les instituts eux-mêmes, de mesurer le taux d'abstention qui conditionne évidemment les scores des candidats. Le Figaro s'est fait l'écho, vendredi, de ce véritable « casse-tête ». Un directeur d'études à OpinionWay le confie au journal : « C’est un facteur aggravant pour la précision des intentions de vote. »

Or, un sondage Odoxa-Backbone Consulting réalisé pour Le Figaro, précisément consacré à l'abstention, révèle que celle-ci pourrait atteindre des niveaux inégalés pour une élection présidentielle : près de 3 Français sur 10 ne s’intéressent pas à cette élection présidentielle, et 2 sur 3 (65 %) anticipent une abstention plus importante à cette élection qu’aux précédentes. Pire : 69,5 % des inscrits se disent aujourd’hui « certains » d’aller voter, soit 15 points de moins que lors de la présidentielle de 2017. Une abstention de 30 % au premier tour d'une présidentielle serait véritablement historique.

Les raisons sont connues. Problème d'offre, d'abord, mais essentiellement à gauche. Et puis, bien sûr, la crise sanitaire qui a déjà conduit à des démissions civiques historiques, depuis deux ans, lors des élections municipales, des régionales et des européennes. Mais il faut rappeler qu'en 2017 déjà, au second tour, seuls 74,5 % des Français s'étaient déplacés pour départager Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Par ailleurs, tous les candidats ne sont pas à égalité face à l'abstention. Il y a des électorats partisans très déterminés : ceux d'Éric Zemmour comme ceux d'Emmanuel Macron. Inversement, Marine Le Pen, qui est forte dans les milieux populaires, peut légitimement s'inquiéter d'une moindre participation au premier tour. Tout comme la gauche, dont aucun candidat ne parvient à mobiliser ses abstentionnistes.

L'abstention constituera donc l'une des clefs du scrutin, mais elle risque aussi, avec la crise sanitaire et la sidération qu'elle génère, de devenir un sujet de campagne et de polémique. Très tôt accusé par Éric Zemmour d'instrumentaliser la crise à cet effet, Emmanuel Macron lui a donné raison avec son attaque vulgaire contre les non-vaccinés. Si ce procès lui était fait par l'ensemble des candidats, cela ne serait pas bon pour lui. De plus, s'il était réélu, comme l'indiquent les sondages, mais avec une abstention encore plus élevée qu'en 2017, un procès en illégitimité ne manquerait pas de peser sur ce second quinquennat. Emmanuel Macron aurait tort de céder à la tentation de jouer avec la crise et l'abstention. Interrogé par Le Figaro, un ministre pointe le danger : « Il y a collectivement intérêt à ce que les gens votent car ce serait un problème, qu’un candidat soit élu dans ces conditions. Il y aurait un sujet immédiat de légitimité, et les législatives pourraient être utilisées pour rectifier le tir. »

Néanmoins, l'incertitude demeure et plusieurs facteurs peuvent remobiliser l'électorat. D'abord à gauche : certes, elle est actuellement en apesanteur, faute d'incarnation crédible. Mais il existe aussi, à gauche, une forte tradition civique, et elle a aussi son électorat âgé et retraité, qui pèsera. On voit mal l'électorat de gauche faire l'impasse sur cette élection. Ensuite, l'état de la crise sanitaire dans les prochaines semaines : si la pression anxiogène se relâche, cela fera automatiquement plus de place à la campagne. C'est, d'ailleurs, lors d'une telle éclaircie qu'Éric Zemmour a pu effectuer sa percée automnale. Enfin, l'entrée en campagne d'Emmanuel Macron lui-même pourrait jouer en faveur d'une remobilisation des électorats de ses concurrents : il n'est actuellement si haut que par la grâce de cette abstention forte, mais il a certainement fait le plein de ses soutiens. De plus, si la chute de sa cote de popularité enregistrée en janvier se confirmait dans les autres enquêtes, cela rebattrait les cartes.

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16 janvier 2022 à 11:15

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51 commentaires

  1. Aucun quorum n’étant défini pour le scrutin présidentiel, 95% d’abstention n’empêcherait pas une élection légale et automatiquement validée par le CC.
    Quant à la légitimité du Président ainsi élu, c’est un détail de l’histoire, le célèbre fossé entre le pays légal et le pays réel.

  2. Plutôt que vouloir emmerder les non-vaccinés, Macron ferait mieux d’emmerder les abstentionnistes. Ce ne serait évidemment pas à son avantage au contraire car je crois plutôt qu’il envisagerait de barrer le chemin des urnes aux non-vaccinés.

  3. Les sondages, qui contrôle les instituts de sondage ? Vice-président de l’institut de sondage KANTAR , Sébastien Auzière est le beau-fils de Macron, KANTAR (Sofres) est fiscalement domicilié à Jersey, et détenu par des Arabes du Golfe. Les sondages réalisés par KANTAR seront favorables à Macron et aux musulmans….

  4. Il ne faut pas s’abstenir, mais voter Z ou X ou Y si votre candidat n’a pas obtenu ses parrainages et il faut exiger de connaitre la proportion de blavs et nuls.

  5. Il faut absolument voter : Un seul mot s’impose , Tout sauf Macron , peu importe qui, mais surtout pas lui , pas de nouveau cet incompétent pendant cinq ans .

  6. Je ne crois pas que ce soit un problème d’offre mais bien plutôt de demande, disproportionnée par rapport au possible. Exigence folle résultat de 40 ans de socialo ramenards. Est ce un mal pour un bien? Oui si les habitants du pays s’organisent pour exister en dehors du système, en clandestinité. C’est du boulot mais moins usant, plus imaginatif. Nous voilà revenus aux temps de l’occupe.

  7. Je pense, mais je me fais peut-être des illusions, qu’au premier tour, nous aurons un pourcentage de vote rarement atteint, mais au deuxième tour, tout dépend des candidats qui resteront en lice, évidemment si c’est Macron Pécresse…
    Et les non-vaccinés, quel sort leur sera réservé ??? d’autant plus qu’à mon avis, dans leur ensemble, ils votent très mal. De fortes têtes et le gouvernement déteste les résistants.

  8. Une vigilance extrême s’impose car il ne fait aucun doute que le pouvoir en place va imaginer toutes solutions pour tirer profit de l’abstentionnisme potentiel

  9. S’abstenir au premier tour n’est pas sérieux, ni admissible. On risque d’avoir une pléthore de candidats, et chacun pourra faire son choix. Par contre, au deuxième tour, c’est différent, selon moi. En ce qui me concerne, si on se retrouve avec Emmanuel Pécresse face à Valérie Macron, il n’y aura aucune chance que je me déplace. En 2007, on a vu ce que ça donnait de reporter ses voix patriotes sur le nom de Sarkozy: Traité de Lisbonne, par exemple… On n’est pas rancunier, mais on a de la mémoire.

    1. Pour compléter la mémoire il faut ajouter le Karcher l’ouverture aux socialistes pas tous rose et l’OTAN

    2. D’autant que le « traite » n’est toujours pas en prison et que ses anciens « supporters » sont encore aux affaires du pays.

  10. La masse abstentionniste s’est constituée sur l’inefficacité du vote à changer les choses. L’apparition d’une voix différente et d’une volonté politique forte –c’est ce qu’offre Z– à toutes les chances de sortir de l’abstention nombre d’électeurs. S’il devait remporter l’élection, ce serait grâce à ce mouvement qui conduit à nouveau à l’isoloir.

    1. Vous révez, ce n’est pas l’arrivée de Z qui va changer quelque chose. Ces idées sont présentes depuis longtemps, c’est la magouille du second tour qui fausse tout.

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