La première semaine de janvier a été marquée par des émeutes à la violence inédite au Kazakhstan. L’élément déclencheur a été le relèvement du prix du GPL, qui a doublé en quelques jours à la suite de son déplafonnement.

La presque totalité du pays s’est embrasée, mais c’est à Almaty, la capitale économique, que les violences ont été particulièrement intenses. La plus grande confusion a régné dans les premiers jours. Des observateurs locaux faisaient état de comportements pour le moins erratiques des forces de l’ordre : très répressives à certains endroits, pactisant avec les émeutiers dans d’autres.

Finalement, le président Tokaïev a donné des consignes impitoyables, demandant d’ouvrir le feu « sans avertissement ». Dans le même temps, plusieurs responsables de la sécurité étaient arrêtés. Après un déchaînement de violence réciproque, les forces de l’ordre ont repris la main et les émeutes ont cessé. Plus de deux cents morts sont dénombrés, dont une vingtaine au sein des forces de l’ordre.

Les blindés quadrillent maintenant les villes qui se sont embrasées. Plus de 20.000 émeutiers, selon Tokaïev, ont participé à ce qui ressemble bien à une tentative de coup d’État. Qui est derrière ?

Le Kazakhstan étant un allié traditionnel de la Russie, certains y ont vu la main de l’Amérique, comme en Ukraine ou en Géorgie, il y a quelques années. Mais cette fois, il semble bien que la CIA, assez peu implantée au Kazakhstan, n’y soit pour rien.

La thèse qui se dessine est la tentative d’un coup de force du clan de l’ancien président Nazarbaïev, au pouvoir de 1991 à 2019. Ses proches ont acquis d’immenses fortunes au fil du temps, issues notamment de la manne pétrolière. Le Kazakhstan est un des cinq pays signataires de la Convention sur le statut de le mer Caspienne, qui règle notamment l’exploitation des gisements de pétrole considérables situés sous cette mer de 370.000 km2. Les autres pays sont la Russie, l’Iran, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan.

Parmi ces pays, l’immense Kazakhstan (2,7 millions de km2 et 7.000 km de frontière commune avec la Russie) a toujours été le pays le plus proche de Moscou, qui fermait volontiers les yeux sur le népotisme et la corruption du régime de Nazarbaïev. Ce dernier a tout de même dû passer la main, mais gardait un œil vigilant sur la politique de son successeur.

Selon certaines sources locales, relayées par les médias occidentaux, la cheville ouvrière de la tentative de déstabilisation serait un neveu de Nazarbaïev, Kairat Satybaldy, hommes d’affaires que l’on dit proche des pays du Golfe et… des islamistes kazakhs. Cette hypothèse est tout de même à prendre avec des précautions car les slogans des émeutiers n’ont jamais semblé pencher vers l’islamisme. Toutefois, l’implication du clan Nazarbaïev est avérée.

Dans un premier temps, c’est la Russie qui a apparemment tiré profit de la situation. En effet, dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OSTC) réunissant la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, le président Tokaïev a fait appel aux forces russes pour l’aider à rétablir l’ordre. Trois mille soldats ont été aussitôt envoyés et de nombreux blindés russes ont pris position dans plusieurs villes, notamment à Baïkonour, où se situent les pas de tir soviétiques puis russes d’engins spatiaux et de missiles. C’est dire l’importance du Kazakhstan pour la Russie.

Mais dans son discours de reprise en main du 11 janvier, Tokaïev a annoncé le départ des troupes russes, semblant prendre de court son allié. Parallèlement, il a mis en cause le clan Nazarbaïev et l’ancien président lui-même, ce qui est une première. Symboliquement, il a appelé la capitale du pays par son ancien nom, Astana, et non par le nouveau, Noursoultan, prénom de l’ancien président. De nombreux membres des services secrets ont été limogés ou arrêtés, dont leur chef qui avait appelé au départ de Tokaïev.

Celui qui semblait être un pâle successeur de Nazarbaïev a donc profité de cette crise pour s’affirmer. Va-t-il alors modifier les alliances traditionnelles du Kazakhstan, comme le craignent les Russes ? Il s’est en effet rapproché de la Turquie, ces derniers temps, à qui il a même acheté des drones, et Erdoğan rêve d’étendre son influence sur l’Asie centrale. Russes et Turcs vont à nouveau se croiser.

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16 janvier 2022 à 11:10

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11 commentaires

  1. L’occident ne serait elle pas concernée de près où de loin car beaucoup d’activistes de l’ouest rêvent de renverser , de déstabiliser les régimes pour imposer la démocratie occidentale , la belle démocratie que nous avons …!!!!!

  2. « . Mais cette fois, il semble bien que la CIA, assez peu implantée au Kazakhstan, n’y soit pour rien. »
    Eh, réveillez-vous. Le Kazakhstan est un pays PETROLIER. Depuis 200 ans, les UISA sont biberonnés au pétrole et ont toujours été impliqués dans les conflits pétroliers Et vous n’avez rien trouvé? Manifestement, vous n’avez pas assez cherché.

  3. Cette affaire ressemble curieusement à ce qu’il s’est passé en Ukraine, même si la forme est un peu différente. Or chacun sait que les événements de la place Maïdan à Kiev ont été provoqué par la CIA avec la bénédiction d’un certain Barack Obama. Pourquoi ne pas penser que les manifestations d’Almaty en Kazakhstan ont été organisées et mises sur pied par cette même CIA avec une bénédiction identique du vieillard démocrate Biden, dans le cadre de son bras de fer avec Moscou ?

    1. A moins que ce ne soit qu’une opération du FSB pour s’emparer des « laboratoires secrets américains » qui ont mis au point le fameux virus de la Covid19, qui a été « renvoyé » à Fort Derrick aux USA et qui a « fuité » juste avant que les athlètes militaires américains aillent aux Jeux Olympiques militaires en Chine. Voyant cela, les autorités du labo militaire américain, ont « fermé » le site de Fort Derrick, afin qu’il ne puisse pas y avoir d’enquête par la police scientifique internationale.

      1. certains pensent que le virus sort de l’Inserm de Lyon, apporté par la délégation française au laboratoire de Wuhan.

    1. Pourvu qu’il puisse prévenir les français des manipulations électorales des progressistes franco-américains pour garder le pouvoir en France.
      Et qu’il puisse arrêter de vendre son gaz venant du pipeline Nord Stream2 aux allemands afin que ceux ci changent de politique commerciale anti russes dictée par Washington via Bruxelles. La France peux se chauffer « au bois » cet hiver.

  4. Ces évènements se trouvent toujours autour des frontières de la Russie c’est curieux que la même chose ne se passe pas aux alentours des frontières américaines….

  5. Il se trouve que cela est encore un pays qui a frontière commune avec la Russie .Cela interpelle quand même . La révolte n’ a peut-être pas que des racines intérieures comme nombre de pays dans un passé récent.

  6. En meme temps, courant 2020 en Irak une vague de manifestations a étée reprimée par l´armée faisant plus de 600 morts.
    Sans élever la moindre indignation internationale, alors que les manifestants étaient des civils réclamant des services de base comme de l´eau potable ou l´accés a des soins médicaux basiques dans ce pays riche du pétrole et  » libéré » par les américains.

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