Jean-Paul Brighelli : « Après avoir un peu tergiversé, Blanquer a montré, au moins pour le moment, sa volonté d’en finir avec le « pas de vagues »»

Jean-Paul Brighelli

Ce lundi matin a eu lieu l'hommage à Samuel Paty dans les établissements scolaires. « Un moment symbolique qui doit perdurer sur plusieurs années », selon Jean-Paul Brighelli, qui réagit au micro de Boulevard Voltaire.

 

 

Ce matin a eu lieu l’hommage à Samuel Paty. Cet hommage s’est multiplié dans tous les établissements. « L’exercice » a-t-il été réussi pour le ministre Blanquer ?

Le ministre avait fait une proposition a minima. Cet hommage s’est plutôt bien passé.
Il y a parfois eu des mouvements d’humeur pas forcément agréables, mais il a été bien géré par l’administration de l’Éducation nationale, par la plupart des recteurs, par tous les personnels intermédiaires et par les chefs d’établissements. Même si pendant le week-end, il y a eu de fausses nouvelles qui disaient que la lecture de la lettre de Jean-Jaurès à laquelle il manquait trois paragraphes était peut-être du truandage.
Il y a également eu un brouillage de communication entre la manifestation d’hommage à Samuel Paty et les stratégies de lutte anti-Covid. Certains syndicats en ont profité pour dire qu’il leur fallait absolument des postes supplémentaires. J’aimerais bien savoir de quel chapeau, ils les tireraient. Il est certain que des postes supplémentaires empêcheront les islamistes de frapper à nouveau…
Il y avait un certain absentéisme dû probablement au Covid. On a réactivé une circulaire sur les personnes à risques. Moi même, si j’étais un flemmard, j’aurais réfléchi à y aller. J’ai 67 ans donc plus de 65 ans, j’ai un indice de masse corporelle légèrement supérieur à 30. Je suis donc terriblement à risque, mais j’y suis allé. Globalement, il n’y a pas eu de manifestations marquées du côté des élèves.

Jean-Michel Blanquer adopte un discours d’extrême fermeté. Quand on l’écoute, on a l’impression que c’est les grandes heures « des hussards noirs de la République ». Et d’un autre côté, la réalité du terrain est plus tendue. On a peine à imaginer la jeunesse française avoir une appétence pour les caricatures.

Selon que l’on soit dans un grand lycée parisien ou dans un LP d’une banlieue innommable, ce n’est pas tout à fait le même système. Après avoir un peu tergiversé, Blanquer a marqué sa volonté d’en finir avec l’atmosphère « pas de vague » qui prévalait depuis plusieurs années. Depuis plusieurs années, à chaque fois qu’un prof était agressé même verbalement et qu’il allait en référer à l’administration, cette dernière lui disait « pas de vague, ce n’est pas la peine de faire un rapport ». Depuis Conflans, on sait ce qu’il en est des parents. Certains sont en contact avec des assassins. Il faut quand même le savoir.
Il est évident qu’il y a une très grande variété dans les salles de professeurs. Ce matin, on a entendu des choses du style « je suis perplexe, je ne saurais pas comment réagir, pourrait-on avoir une formation à la laïcité ? ». Ce n’est pas dans les INSPE que l’on va avoir une formation pratique à la laïcité.
Nous enseignants, nous arrivons avec des valeurs et des principes et en face, ils arrivent avec des certitudes. Ces deux mondes ne parlent pas la même langue. La langue de l’école est la langue de la raison. Elle ne peut pas se confronter à la langue de la charia. La langue de la charia est un projet non pas religieux, mais politique. Nous, nous sommes théoriquement en dehors du politique.

Jean-Michel Blanquer parle beaucoup de valeurs de la République comme si finalement il y avait des espèces de sections volantes mises en place pour être des référents en matière de laïcité et de valeurs de la République. Tout cela reste dans le domaine de la communication. Mais dans la réalité du terrain, il y a un décalage entre la volonté des ministères et la réalité dans les classes…

Honnêtement, un véritable travail a été fait au ministère par un de mes amis. Il gère et coordonne tout ce qui concerne la laïcité. C’est un vrai républicain, en tout point de vue. Le ministère ne fait pas tout lui-même. L’état profond de l’éducation et tous ceux qui ont été embauchés depuis les années 95, truffé de pédago qui se sont cooptés les uns les autres en fonction du principe de plus grande incompétence, n’ont aucune envie que l’on revienne sur la sacro-sainte co-éducation avec les parents. C’est une aberration folle et surtout le droit d’expression des élèves.

La parole du maître doit être à nouveau sacralisée. Nous avons des références, des savoirs et en face nous avons des gosses qui ont des croyances et qui sont bourrés d’approximations et de clichés. Notre boulot est justement de leur faire comprendre à quel point l’essentiel de ce qu’ils croient est tissé de clichés, d’approximations et dans certain cas, de contre-vérité. C’est un travail de très longue haleine. Ce matin, c’était symbolique. Il faut que ce moment perdure sur plusieurs années.

Jean-Paul Brighelli
Jean-Paul Brighelli
Enseignant et essayiste

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