2021, année de la gastronomie : l’affaire est mal engagée

restaurant

Tiens, au fait, on ne l’entend pas trop, ces derniers temps, le Premier ministre. Qui ça ? Le Premier ministre. C’est qui, déjà ? Jean Castex. Ah, je croyais que c’était Olivier Véran. Non, non, je vous confirme, le Premier ministre de la France, comme ils disent, c’est bien Jean Castex. Celui qui avait déclaré vouloir faire de 2021 l’année de la gastronomie française. Il avait annoncé ça en novembre 2020, un peu comme un pape annonce une année jubilaire, les indulgences plénières en moins.

Parlant des restaurateurs, il avait promis de « les aider par des marques de solidarité en recourant le plus possible à la vente de repas à emporter, en leur portant une attention individualisée territoire par territoire » [ces fameux « territoires » dont ils ont plein la bouche en cœur], juré de leur offrir « des perspectives d’abord en préparant avec eux les conditions de réouverture dès que ce virus sera maîtrisé et cela arrivera ». Moyennant quoi, neuf mois plus tard, le gouvernement a accouché de décisions qui transforment les restaurateurs, cafetiers, bistroquets et autres aubergistes en auxiliaires de police sanitaire. Remarquez, ils sont déjà collecteurs d’impôt à titre gratuit, en percevant la TVA, on peut bien leur en demander un peu plus. Un uniforme est-il à l’étude ? Au moins une médaille, vous verrez.

Certains restaurateurs doivent embaucher du personnel pour contrôler les passes sanitaires, comme au Florida, à Toulouse, rapporte La Dépêche. Quatre personnes, pas moins. « Une injustice pour la profession dont ce n’est pas le rôle », déclare un serveur. Le patron peut toujours essayer de se faire rembourser par l’État cette prestation dont seule la note risque d’être gastronomique. À Valence, dans la Drôme, raconte France Bleu, un restaurateur a embauché un vigile pour soulager les équipes de service. Vigile, un métier d’avenir dans la France uberisée et macronisée (les deux mots sont interchangeables, comme les gens d’ailleurs). Bilan de la fréquentation, toujours selon France Bleu : moins 40 % pour la première journée. On dira que c’est le rodage. On le souhaite de tout cœur pour cette profession qui maintient à bout de bras ce qu'il nous reste de civilisation, tout autant, souvent, que nos curés, quand ils se contentent de faire leur métier.

Quand j’étais gamin, lorsqu’on passait la frontière, on était pris d’une petite angoisse en voyant les douaniers à moustache. Allaient-ils trouver quelque chose qui cloche dans les valises en carton accrochées sur la galerie de l’auto, des papiers manquants ou pas à jour ? Bref, allait-on, au mieux être interdit de séjour dans ce pays étranger, au pire être embarqué par des policiers ne parlant pas français ? Tout cela a disparu avec l’ouverture des frontières, l’Europe et tout ça. Au fond, c’est ce qu'il y a de bon, dans le macronisme, outre le retour des petits boulots au coin de la rue (les cireurs de groles, pour l’instant, se cantonnent sur les plateaux télé), c’est la résurgence des vieilles peurs, des petits pincements de cœur qui font la saveur de la vie : aurai-je bon en présentant mon passe sanitaire au serveur transformé en douanier de la gastronomie française ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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