C’est à croire que ce gouvernement aime donner le bâton pour se faire battre. Quelle mouche a donc piqué le ministre de l’Éducation nationale, via le Conseil supérieur des programmes, d’effacer l’étude de la bataille de Verdun du programme des lycées pour l’année scolaire 2019-2020 ? La guerre de 1914-1918 n’abordera plus cette victoire française mais traitera de la bataille de la Somme, jugée "plus internationale". Est-ce pour compenser la probable sortie de nos amis grands-bretons de l’Union européenne ? En effet, la bataille de la Somme qui s’engage le 1er juillet 1916 voit disparaître plus de 10.000 soldats britanniques en seulement trois minutes, près de 60.000 dans la journée. C’est l’une des journées les plus sanglantes pour les Anglais, sinon la plus sanglante : près de 20.000 morts. Ironie de l’Histoire : cette offensive de la Somme visait à soulager le front de Verdun !

Supprimer Verdun des manuels scolaires, c’est s’attaquer à l’âme de la France. Comme le soulignent de grands historiens comme Antoine Prost et Paul Jankowski, "Verdun est le symbole et le sommet de la Grande Guerre". Dès le début des combats, cette bataille acquiert une renommée qui dépasse le champ de l’Europe. Son aura est mondiale. Verdun devient le symbole du courage et des souffrances du poilu. Rendons-nous compte : en février 1916, lors des premières offensives, les Allemands sont trois fois plus nombreux que les Français. La bataille de Verdun, c’est aussi le fort de Vaux, qui tombe le 29 mai 1916 entre les mains ennemies. Les 250 survivants français qui ont tenu devant des troupes allemandes en surnombre reçoivent les honneurs des vainqueurs. Verdun, c’est dix mois, 300 jours et 300 nuits de bataille, 2,3 millions de combattants, 700.000 victimes, 50 millions d’obus, six villages totalement rayés de la carte et jamais reconstruits.

Éradiquer Verdun des manuels scolaires, c’est non seulement insulter la mémoire des soldats français et, accessoirement, allemands, c’est aussi nier toute la symbolique de ce lieu qui garde encore les stigmates de cette effroyable bataille qui concentre à elle seule toutes les horreurs de la guerre. Verdun est une victoire 100 % française et c’est ce lieu qui forge la figure tutélaire du poilu. Le soldat inconnu qui repose sous l’Arc de Triomphe vient de ce champ de bataille. François Mitterrand et Helmut Kohl y ont scellé, le 22 septembre 1984, la réconciliation franco-allemande devant l’ossuaire de Douaumont. Les écrivains Maurice Genevoix, Maurice Barrès, Ernst Jünger et Erich Maria Remarque ont, à leur manière, sublimé cette mère bataille à laquelle ils ont participé et qui fait maintenant partie de notre patrimoine culturel.

Samuel Hazard, maire de Verdun et conseiller départemental a raison de déclarer que c’est "une deuxième mort pour ces soldats, sur ce territoire sacré et martyr !" Oui, c’est une faute contre l’Histoire, une faute contre l’esprit. Boris Vian, qui a écrit et chanté "Le Déserteur", vient de remporter une victoire posthume. Ne plus enseigner Verdun aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui sont en âge de percevoir les subtilités de la vie, c’est comme cracher sur les milliers de tombes des nécropoles françaises, alliées et allemandes.

Le pire, c’est que cette volonté de nier Verdun n’est pas un acte manqué. C’est un acte délibéré, comme si on voulait revisiter l’Histoire et ne plus se souvenir des heures glorieuses de l’Histoire de France. Oui, Verdun, à l’image de Gergovie, Bouvines, Azincourt, Marignan, Valmy, Marengo, Austerlitz, Trafalgar, Waterloo, Vrigne-Meuse, Bir Hakeim et bien d’autres batailles, mérite d’être étudiée et apprise par nos jeunes générations pour perpétuer le souvenir des soldats qui ont fait la France.

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24 mars 2019 à 9:14

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