Si seulement Simone et Daniel avaient parlé…

Les attentats qui viennent d'ensanglanter la Catalogne auraient-ils pu être évités ? À écouter le couple de retraités français voisins de la maison qui a explosé à Alcanar - explosion qui a fait deux morts, le 16 août, la veille du premier attentat -, on peut se le demander.

Voilà vingt ans que Simone et Daniel (prénoms modifiés) ont fait bâtir leur maisonnette dans ce hameau devenu tragiquement célèbre, à 200 km au sud de Barcelone. "Ces derniers mois, ils sont parmi les rares riverains à s'être inquiétés de l'étrange présence de ces nouveaux voisins", écrivait Le Parisien, le 19 août. S'inquiéter, c'est bien, mais dénoncer des gens fort "bizarres" aurait été mieux. Bizarres, avaient-ils remarqué : il y avait de quoi !

Des allées et venues incessantes, des absences d'une semaine durant lesquelles les lumières restaient allumées, des motards toujours casqués se déplaçant en puissantes Kawasaki ou des visiteurs bien visibles et « barbus ». Sans parler de la fois où ces charmants voisins empruntèrent "pelle et brouette sans qu'on sache trop pourquoi". Même le déchargement de quantités astronomiques de bouteilles de gaz ne les ont pas décidés, Simone et Daniel, à se presser d'en avertir les autorités.

Bref, alors qu'elle ne pouvait que constater à quel point ses voisins nouvellement installés étaient louches et bien qu'"à plusieurs reprises", elle se fût dit qu'elle allait "les prendre en photo et aller les montrer à la police", Simone ne l'a pas fait. Par crainte, avoue-t-elle, de s'"attirer des histoires". De fait, Barcelone et Cambrils sont, en effet, entrés dans l'Histoire...

Alors qu'en Europe (et ailleurs) des attentats islamistes sont perpétrés à un rythme de plus en plus cadencé pour ne pas dire effréné, était-il vraiment inenvisageable d'alerter, d'une façon ou d'une autre, la police ? Ce couple avait compris avoir affaire à des gens loin d'être « nets » et il a cependant préféré taire ses lourds soupçons et faire comme si de rien n'était...

Car, enfin, n'aurait-il pu passer un coup de fil ou écrire de façon anonyme – puisqu'il se sentait si effrayé - afin de tenir la police au courant que, selon toute vraisemblance, se tramaient des choses pas catholiques juste à côté de chez lui ? Est-ce de la délation de prévenir très certainement une tragédie ? Mais qu'ont déploré Simone et Daniel, après que leur maison a pâti de l'explosion à la bonbonne de gaz de celle du voisin ? "Déjà que c'était la crise, ici, alors comment imaginer que maintenant on trouve un acquéreur ?"

Ces gens-là étaient "capables de tout, même de nous retrouver", craignaient-ils la veille des attentats, donc. Depuis, ce sont bel et bien des dizaines de familles qui ne retrouveront jamais leurs êtres aimés...

Que pensent-ils, à présent, des conséquences de leur silence ? Que, finalement, cette explosion a été un moindre mal et que, sans elle, ce sont des dizaines d'autres familles qui auraient été tuées par au moins 120 bonbonnes de gaz, selon Europe 1 ? D'ailleurs, c'était l'étrange refrain qu'entonnait la presse, ce lundi matin : "Cela aurait pu être bien pire..."

Étrange consolation...

Caroline Artus
Caroline Artus
Ancien chef d'entreprise

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