« Il y a eu un gros travail de concertation, le président a vu 23 de ses homologues sur 28, la France a beaucoup plus parlé à l’Est ces six derniers mois que durant ces dix dernières années. Et des pays comme la Bulgarie et la Roumanie veulent clairement s’engager dans l’Europe qui avance », claironnait-on à l’Élysée, en octobre dernier, après la négociation d’un accord extrêmement limité, sinon vide, sur le travail détaché au sein de l’Union européenne.

En fait d’un « accord ambitieux », un accord réduit au minimum, et la nouvelle directive ne s’appliquera qu’après une période de transition de quatre ans à compter de la conclusion d’un accord définitif, mais les chauffeurs routiers ne sont pas visés par la révision, pour satisfaire les pays disposant de grandes flottes, tels que l’Espagne, le Portugal et surtout la Roumanie. Résumons : rien sur la Sécurité sociale, rien sur le transport routier et une application hypothétique à l’horizon 2022 !

Et les problèmes ne font que commencer. Le syndicat national des transporteurs routiers roumains a, ainsi, adressé une missive aux institutions européennes critiquant les contrôles effectués en France concernant la vérification du temps de repos – il est interdit de prendre le temps de repos hebdomadaire en camion. Le syndicat regrette le fait que ces contrôles soient effectués a posteriori, jugeant que l’amende ne pourrait être valide qu’en cas de constatation des faits lors de leur commission. Avec une part de marché de 8 % dans le transport routier, la Roumanie enregistre une progression de 70 %, prenant la deuxième place du secteur juste derrière la Pologne, et devant la Bulgarie, l’Espagne et le Portugal.

Le cabotage est aujourd’hui un marché dominé par quelques pavillons spécialisés qui l’intègrent dans leur organisation de transport lors de grandes tournées européennes. La France fait partie des pays les plus affectés par cette évolution. « Le cabotage des pavillons étrangers sur le territoire français atteint près de 10.000 millions de tonnes-kilomètres. La France est, ainsi, quarante fois plus cabotée qu’elle ne cabote. À l’opposé, la Pologne cabote 73 fois plus qu’elle n’est cabotée », selon le Comité national routier (CNR). La concentration des pavillons de l’Est sur les marchés internationaux se déroule sur fond de bataille des prix. Soutenus par leurs pouvoirs publics à l’image de la Pologne, « ces pavillons veulent dominer le marché pour imposer leurs règles non seulement dans le secteur du transport routier de marchandises, mais aussi dans le commerce international entre États membres », toujours pour le CNR.

Bruxelles a libéralisé le cabotage en 2009, poussant à la concurrence déloyale entre États membres de l’Union, permettant entre autres à un transporteur européen d’effectuer plusieurs livraisons dans un autre État membre au cours du même trajet, dans un délai de sept jours. Tous les transporteurs peuvent ainsi effectuer jusqu'à trois opérations de « cabotage » sur une période de sept jours dès le jour suivant le déchargement du transport international. Au départ, l’Union voulait limiter le nombre de transporteurs routiers roulant à vide, faire baisser les prix du transport et réduire le trafic ainsi que la pollution. Comme chaque idée irénique pensée par l’Union, l’échec est patent. Tout cela a eu des conséquences sociales et salariales graves pour un secteur employant de nombreux Français, fragilisés par des géants roumains, polonais ou bulgares qui ne respectent aucune règle et qui n’entendent pas le faire, comme le montre la lettre du syndicat national des transporteurs routiers roumains.

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10 juin 2018 à 9:17

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