Bien sûr, le journalisme objectif est un leurre. Il est néanmoins possible de tenter d’être honnête et de commenter le match de ce mercredi dernier sans être trop partial. Sur le ring, un bouledogue contre un chihuahua, un poisson rouge face à un barracuda, Hulk contre Sim, Nabilla contre Ava Gardner. Mais, trêve d’objectivité et faisons preuve d’un minimum d’honnêteté : Marine Le Pen a écrasé Emmanuel Macron.

Il est vrai que le combat était inégal. L’adversité, Marine Le Pen connaît ; Emmanuel Macron, un peu moins, lui dont le chemin a toujours été parsemé de roses, alors que celui de son adversaire ne fut globalement jonché que d’épines. Elle a du coffre, il n’est que bréchet. Quand elle sourit, lui grimace. Quand elle parle du peuple, on y croit. Quand il évoque le « paysan du Cantal » qui s’en va faire brouter ses chèvres en Italie, on a envie de zapper sur Gulli.

C’est un ruminant face à une prédatrice. Ça se voit à sa manière de l’observer, sourire à la fois teigneux et rigolard. Au début, elle le laisse s’égarer entre les cordes. Le taquine tout en mesurant ses coups, telle la guêpe sur le veau. Il se rebiffe ? Elle le provoque à nouveau. Le fatigue, le travaille au corps tout en lui prenant tout son espace. Le fait transpirer, prend des coups tout en esquivant les siens.

Bref, c’est Rumble in the Jungle, soit cet historique combat de boxe tenu en 1974, au Zaïre, lorsque l’outsider Mohamed Ali parvint à terrasser le champion en titre, George Foreman.

On dit que la télé nous ment… Pas toujours, car tout peut aussi s’y voir. Emmanuel Macron fatigue vite, s’épuise. Un filet de bave lui coule tôt à la commissure gauche des lèvres. Puis à celle de droite. Et enfin au milieu, puis partout. Il ne parvient pas à emplir l’espace. Il a brièvement quelques ouvertures devant lui mais n’en profite pas, alors qu’elle bastonne ses arguments, n’hésitant pas à lui couper la parole et à l’obliger à revenir sur le terrain qu’elle lui a désigné. « Quatre boules de cuir tournent dans la lumière, boxe, boxe ! », comme chantait Claude Nougaro.

C’est le tournis pour Emmanuel Macron. Qui perd pied et n’en finit plus de répondre à Marine Le Pen, alors qu’il en oublie de développer son jeu personnel. Il tape alors dans le vide. Il aimerait sourire - mieux : se sentir à l’aise, reprendre l’initiative. Mais que faire devant une bouille aussi goguenarde, une telle morgue joviale ? Rien, pour ce poids demi-coq venu disputer le titre à un super poids lourd.

Et plus ça va, moins ça va. Comme si elle le faisait tourner autour de son petit doigt, comme disent les Américains. Les arguments macroniens qui fonctionnent en terrain médiatique conquis ne marchent plus dans cette jungle du rumble plus haut évoqué : on ne fait pas de la boxe avec une raquette de badminton.

Et toujours l’éternel sourire lepénien qui le poursuit. Cette façon qu’elle a de faire semblant de l’écouter tout en se foutant ouvertement de sa gueule… Il devrait réagir, reprendre le dessus, mais le mental et les muscles ne sont plus au rendez-vous. Emmanuel Macron voulait une victoire aux points. Marine Le Pen visait le KO debout. Il pensait lui jouer La Petite Maison dans la prairie, elle l’a invité à Massacre à la tronçonneuse. Un grand moment de télévision.

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04 mai 2017 à 0:59

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