« Parfois, dans certaines prisons, les détenus font la loi »

Suite à l'agression, la semaine dernière, de trois gardiens par un terroriste islamiste incarcéré, le mouvement de blocage des prisons prend de l'ampleur. Pour l'ancien magistrat Philippe Bilger, cette colère du personnel pénitentiaire est compréhensible et était prévisible. C'est une crise pénitentiaire chronique à laquelle le ministre de la Justice et garde des Sceaux Mme Belloubet doit faire face.

‘’Belloubet, aboule le blé’’, c’est comme cela que les gardiens de prison ont nommé l’opération blocage qu’ils sont en train de mettre en œuvre dans plusieurs prisons de France. Cela fait suite à l’agression de trois gardiens de prison par un détenu incarcéré pour terrorisme.
Philippe Bilger, fallait-il s’y attendre à cette colère des gardiens de prison ?

"Non seulement la colère des gardiens de prison est compréhensible, mais je suis étonné qu’elle intervienne si rarement.
Le slogan est certes amusant à l’égard de la garde des Sceaux. Mais, elle n’est de loin pas la seule responsable de cette crise pénitentiaire chronique qui concerne d’abord les surveillants et les gardiens.
Cela rejoint une conception générale de la prison et de l’enfermement qui est au cœur de la pensée politique française et qui me paraît tout à fait mauvaise."


Mauvaise en quel sens ?


"On ne cesse de considérer que la prison est une sorte de mal nécessaire, mais qu’on pourrait un jour l’éradiquer dans le cadre d’une justice idéale. Or, tant qu’on ne concédera pas que la prison est non seulement nécessaire, mais utile pour la sauvegarde de notre société, je crois que le politique ne s’attachera jamais assez sérieusement à son état, à sa décence."

Nicole Belloubet il y a quelques jours annonçait le lancement d’un test visant à installer des téléphones dans les prisons. Trois jours après, trois gardiens de prison se faisaient poignarder.
La ministre n’a-t-elle pas ainsi montré qu’elle était loin des réalités du terrain ?

"Il est clair que l’installation des téléphones dans 50.000 cellules n’était absolument pas prioritaire par rapport aux réformes à accomplir et aux aménagements opérés pour la condition des gardiens et des surveillants. Ils sont menacés dans plusieurs établissements. Mais, je crois que parfois, dans certaines prisons, les détenus font la loi.
Non seulement ils ont du mal à assurer un travail de protection fondamental que personne ne voudrait faire à leur place, mais en plus dans l’exercice de ce travail capital, ils sont menacés.
Il est évident que l’on va connaître à l’avenir de plus en plus de crises de cette nature de révolte et de dénonciation de la part de ces institutions tellement fondamentales à moins que tout à coup un politique de droite ou de gauche s’empare véritablement de ce problème pénitentiaire en lui donnant des remèdes efficaces.
Pour cela, il faudrait que l’on sorte des hommages formels rendus à ces institutions, et qu’on les honore concrètement quantitativement par des réformes fondamentales."

Cette agression a été commise par un converti à l’Islam qui a purgé une très longue peine de prison. Trois mois avant sa sortie de prison commet un acte qui va le renvoyer en prison pour encore de nombreuses années.
N’y a-t-il pas ici un échec de la prison ?

"Il y a clairement un échec de la prison dans la situation que vous évoquez.
Mais, plus globalement, il y a un problème criant de l’exécution des peines dans l’univers pénal. Mais c’est un autre sujet.
Il est évident qu’on ne sait pas quoi faire avec ces détenus radicalisés qui n’ont plus peur de rien. La peine de mort n’existe plus et pour ma part je m’en félicite, mais il n’y a plus aucun risque sur les gens qui, dans leur peine, sont prêts à commettre l’irréparable.
D’ailleurs, pour ce genre de détenus, je me demande s’ils n’aspireraient pas à une forme de mort qui leur serait imposée."

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/05/2019 à 3:32.
Bruno Gollnisch
Bruno Gollnisch
Député européen

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