Sous la menace de la Libye, les ONG prennent le large

L’Italie n’en peut plus, qui a vu débarquer sur ses côtes plus de 600.000 migrants en provenance de Libye depuis 2014. Pour les sept premiers mois de cette année, ce sont 96.930 personnes qui ont débarqué sur ses côtes, dont un tiers ont été repêchées par les huit ONG qui patrouillent en Méditerranée face aux côtes libyennes.

"Moralement" soutenue – comme la corde soutient le pendu – par ses partenaires européens, trop heureux que le voisin soit touché avant eux, l’Italie cherche à arrêter le flux et surtout l’afflux. Elle a donc édicté un « code de bonne conduite » qui concerne aussi bien le gouvernement libyen que les ONG et leur flottille.

Un accord a ainsi été signé en février dernier avec le gouvernement de Fayez el-Sarraj (reconnu par les Nations unies) pour l’aider à faire la police dans ses ports et ses eaux territoriales, et pour soutenir financièrement ses gardes-côtes. Mais le code instauré par l’Italie, et approuvé par l’Europe, ne s’accorde guère avec la philosophie des ONG qui, après avoir renâclé et imposé quelques aménagements au gouvernement italien, prennent maintenant le large devant les injonctions de la Libye.

Il faut lire la presse étrangère, belge notamment, pour comprendre que la situation n’est pas tout à fait celle qu’on nous décrit ici.

En effet, suivant le retrait de MSF (Médecins sans frontières), les Britanniques Sea Eye, Save the Children et l’organisation espagnole Proactiva Open Arms ont décidé de se retirer en invoquant des menaces des gardes-côtes libyens. Le commandant de la base navale de Tripoli a, en effet prévenu, en fin de semaine dernière, que la zone de recherche et de sauvetage créée par la Libye (en accord avec l’Italie) ferait désormais plus de 100 kilomètres : "Aucun navire étranger n’a le droit d’y accéder, sauf demande expresse de la part des autorités libyennes", a-t-il déclaré. MSF s’inquiète : "Si les bateaux humanitaires sont poussés hors de la Méditerranée, il y en aura moins pour secourir les personnes avant qu’elles ne se noient. Qui ne se noiera pas sera intercepté et ramené en Libye, où règnent l’absence de légalité, la détention arbitraire et la violence extrême."

Sans doute, mais c’est bien le sens du message envoyé par l’Italie, son « code de bonne conduite » visant à interdire le transfert des personnes sauvées de la noyade, et faisant obligation à leurs sauveteurs de les ramener sur les côtes libyennes. "Ces eaux-là ne sont plus à personne, mais à la Libye", a dit le ministre des Affaires étrangères italien dans une interview à La Stampa, "des eaux désormais interdites aux ONG, mais où opère déjà la mission militaire italienne en soutien à la Libye, approuvée fin juillet".

Car, n’en déplaise aux ONG, les États sont souverains.

J’en finirai donc sur cette histoire, rapportée à un proche voilà quelques jours par un Camerounais qui travaille dans les services de lutte antiterroriste. Le Nord-Cameroun est ensanglanté par les sbires de Boko Haram, et quand on les coince, ils passent un sale quart d’heure. Ce qui ne plait pas aux représentants d’Amnesty International basés à Yaoundé. Alors, les autorités camerounaises les ont virés, priés de dégager. Allez, ouste ! On ne croit pas beaucoup, là-bas, à la rédemption des barbares par le yoga droit-de-l’hommiste…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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