L’évolution des sondages, depuis un mois, ne laisse entrevoir aucune modification substantielle des rapports de force : au-delà de la polémique sur les marges d’erreur ou la sincérité des publications, il y a une analyse possible, différente de celles présentées par les médias. Rappelons les chiffres OpinionWay des 3 et 4 avril : Le Pen 25-26, Macron 24-24, Fillon 19-20, Mélenchon 15-15, Hamon 11-10, Dupont-Aignan 4-3, Lassalle 1-1, Poutou 1-1. Les autres candidats étant considérés à 0 du fait de la non-prise en compte des décimales.

La première observation est que Macron fait le plein des voix de la gauche bobo-atlantiste et de celles des centristes libéraux-européistes, ce qui, néanmoins, ne devrait pas le mettre à ce niveau. Ce score de Macron est d’autant plus étonnant que Hamon et Mélenchon totalisent le quart de l’électorat, avec l’apport, il est vrai, des écolos-gauchistes de EELV et des communistes. 50-51 % pour la gauche et le centre anti-Fillon : cela paraît tout de même beaucoup ; à moins que l’on ne considère que le vote Macron est déjà majoritairement celui du centre, et que le dégoût de Hollande a provoqué une cristallisation précoce et bicéphale - Mélenchon, Hamon - de la gauche.

La seconde observation tient à la relative faiblesse du vote souverainiste, Le Pen et Dupont-Aignan (+ UPR) à 29 %, alors qu’au premier tour des régionales en 2015, il s’approchait des 33 %. Dans un contexte de moindre abstention avec une situation économique et politique dégradée, Marine Le Pen ferait moins que le FN ? Cela semble improbable.

De ces observations, ne peut-on pas conclure que les 19-20 % de Fillon correspondent réellement et intégralement au fonds UMP : droite sociétale, droite gaulliste (peu mondiale-libérale économiquement), droite des rentiers, droite provincialiste ?

La sûreté de choix des électeurs pour les différents candidats conforte cette analyse : à gauche, le repli sectaire a eu lieu avec la montée du choix certain, de même pour le bloc des convaincus du FN ou de NDA, lequel mord peu sur la partie de l’électorat de Fillon orpheline du gaullisme. Ce dernier bénéficie aussi d’une forte stabilité des électeurs l’ayant choisi. Seule l’intention « Macron » laisse paraître un doute des centristes et, probablement, un regret de certains socialistes.

En fait personne n’a, pour l’instant, déplacé de voix en sa faveur, à part un centre devenu indépendant et un peu hypertrophié par le ralliement d’urbains peu politisés et persuadés que la mondialisation est indépassable. L’affrontement Le Pen/Macron, c’est celui de De Gaulle contre Lecanuet revu à la sauce Internet.

Quel sera le second tour ? La présence de Mélenchon serait le signe du double effondrement à gauche de la mystique européiste et du paradigme social-démocrate. L’incertitude des putatifs électeurs de Macron pourrait le reléguer à la troisième place et permettre l’élection de Fillon, qui ne peut perdre face à Marine Le Pen.

Mais l’hypothèse Le Pen/Macron reste la plus probable et, au fond, la plus juste sur un plan politique. Marine Le Pen dit juste en parlant d’un choix de civilisation, et c’est sans doute pour cela que les média ne répercutent pas ses propos en ce sens.

Macron, centriste étendu, ne bénéficiera pas d’un report parfait des électeurs de Mélenchon, dont une part majeure se réfugiera dans l’abstention, la lepénisation de sa position sur l’Union européenne et l’euro permettant ce soutien indirect à Marine Le Pen.

Déjà délesté de la part centriste, l’électorat de Fillon, au contraire, franchira le cap d’un vote « à droite » persuadé que les législatives lui redonneront le pouvoir confisqué par les manigances. De même, des abstentionnistes ordinaires pourraient être tentés par un bouleversement politique.

Dans ces conditions, et si cette analyse est juste, Marine Le Pen sera la première femme président de la République française.

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06 avril 2017 à 20:01

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