Fusion des tribunaux d’instance et de grande instance : les raisons budgétaires priment

Tribunal d'instance 2018-12-06 à 14.39.18

Bien que le mouvement des gilets jaunes la fasse passer inaperçue, la réforme de la Justice actuellement en débat à l’Assemblée nationale fait du bruit dans le monde judiciaire. Chaque gouvernement veut sa réforme, et chaque réforme suscite une levée de boucliers de la part des professionnels. L’une des mesures adoptées en première lecture est la fusion des tribunaux d’instance (TI) et des tribunaux de grande instance (TGI). Que faut-il en penser ?

Le tribunal d’instance est le lointain descendant de la justice de paix, instituée en 1790 dans chaque canton, pour d’évidentes raisons de proximité géographique. En 1958, les justices de paix ont été remplacées par le TI, moins nombreux. On en trouvait au moins un par arrondissement. Il s’agit de juridictions de proximité, que tout citoyen peut saisir sans le concours d’un avocat, qui tranchent les litiges d’un montant inférieur à 10.000 euros, ainsi que les contentieux locatifs et les contentieux des prêts à la consommation, pour n’en citer qu’une petite partie.

Au contraire, les TGI sont des juridictions de droit commun, auxquelles on accède uniquement par l’intermédiaire d’un avocat, qui tranchent des litiges plus importants. Il en existe un par département, parfois plus.

Pourquoi donc supprimer le TI ? Avant toute chose, pour des raisons budgétaires. Un tribunal signifie des locaux accessibles au public, un greffe, des magistrats dédiés. Tout cela a un coût. En outre, certains contentieux sont devenus très techniques : le droit de la consommation n’est plus, et de loin, une matière qui se prête à la conciliation paisible. Les textes sont confus, mal écrits, parfois illisibles. Cela nécessite une véritable professionnalisation des acteurs judiciaires. C’est pour cela que l’institution des juridictions de proximité en 2002 - et supprimées en 2017 - était une erreur : confier des audiences à des juges non professionnels a abouti à des décisions d’une qualité médiocre.

Alors, fusionner les TI et le TGI, une bonne idée ? Oui et non. Dans les villes où se trouve un TGI, comme à Nevers, la coexistence avec un TI n’a aucun sens. Mais au sein des départements ruraux, la présence de juridictions plus proches présente un intérêt, non pour l’institution judiciaire, mais pour la population. Dans la Nièvre, toujours, la petite ville de Clamecy possède un TI. Son ressort territorial couvre le nord-est du département. Le supprimer obligera les personnes citées à comparaître à Nevers, par exemple dans des procès en résiliation de baux d’habitation, qui concernent des locataires à la situation économique dégradée. Alors qu’on ne cesse de dénoncer la suppression des services publics dans la France « périphérique », c’est un très mauvais signal envoyé à la population.

Mais, comme toujours, ces réformes sont décidées par une poignée de technocrates de ministères qui n’ont aucune idée de la réalité locale. Au lieu de procéder à une adaptation cas par cas, notre vieux jacobinisme décide tout de Paris et tend à uniformiser, sans considérer les spécificités particulières. Au lieu de simplifier le droit, les réformes successives le complexifient. Et, pendant ce temps, la malheureuse victime de la mauvaise foi d’un bailleur qui refuse de lui restituer 300 euros de dépôt de garantie devra se rendre à plusieurs dizaines de kilomètres de chez elle, et à plusieurs reprises, pour plaider son affaire après des heures d’attente et plusieurs renvois successifs.

Mais, comme chacun le sait, les raisons budgétaires priment tout. Les tribunaux en sont également victimes, les juges et les greffiers aussi. Ce qui ne les empêche pas, année après année, à l’image des avocats, de donner leurs suffrages à ceux qui, impitoyablement, réduiront leurs moyens d’exercice professionnel. Contradiction, quand tu nous tiens…

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