Dans nos statistiques officielles, il est plus facile de trouver des informations relatives au suicide des détenus dans nos prisons que celles concernant les agents de l'administration pénitentiaire. Cet état de fait, choquant en soi mais néanmoins révélateur, n'est pas sans expliquer en grande partie la crise qui touche, maintenant depuis plusieurs jours, nos prisons.

L'affaire a débuté avec l'agression, par un détenu radicalisé proche de Daech, de trois surveillants au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Les jours qui ont suivi ont vu d'autres violences contre des surveillants se perpétrer dans plusieurs prisons, provoquant ainsi la colère d'une corporation déjà fragilisée par une situation interne qui ne cesse de se dégrader, moralement et matériellement, depuis de nombreuses années. Ainsi, ce sont à ce jour pas moins de 118 établissements pénitentiaires, sur les 188 que compte notre pays, qui sont touchés par des manifestations avec des blocages totaux ou partiels. Face à cette situation, inédite depuis de nombreuses années, les forces de l'ordre ont été envoyées afin de débloquer les accès de certaines prisons et permettre les transferts de détenus dangereux.

Ce mouvement de colère qui touche aujourd'hui nos prisons n'est pas le fruit du hasard, ou même simplement le fait d'une agression de trop. Il couvait depuis longtemps. À l'instar de l'ensemble des forces de l'ordre, les agents pénitentiaires, et en particulier les surveillants, vivent depuis plusieurs années sous tension. Les problématiques liées au terrorisme islamiste n'ont fait qu'accentuer un malaise qui, peu à peu, a fini par désespérer des hommes et des femmes qui, pour beaucoup, vivent chaque jour un véritable enfer.

À ce mal de vivre, qui fait de la corporation des surveillants pénitentiaires l'une des plus touchées par le suicide (en 2015, les rares chiffres disponibles révélaient que leur taux de suicide était de 20 % supérieur à celui de la population générale), est venu s'ajouter le sentiment d'être oubliés puis sacrifiés par les pouvoirs publics. Les violences dont ils sont l'objet de façon de plus en plus fréquente n'ont fait que les conforter dans cette conviction.

Aujourd'hui, le gouvernement est donc confronté à une crise majeure. Elle révèle, une fois encore, le manque d'anticipation et de réaction de politiques qui attendent systématiquement d'être au pied du mur pour envisager des solutions et répondre aux grands défis sociétaux qui se posent. Mais le problème est profond. Manque cruel d'établissements pénitentiaires dans notre pays. Manque de places dans les prisons, qui provoque une surpopulation qui favorise la récidive et empêche toute action de réinsertion efficace. Manque de personnel face à un métier qui n'est pas attractif et qui n'offre que peu de perspectives d'avenir. Et puis une absence de politique carcérale, qui hésite encore, pour de sombres raisons idéologiques, à faire la part entre ces détenus qu'il faut écarter durablement de la société au nom de la paix sociale et ceux qu'il est encore possible de réinsérer.

Face à ces enjeux d'importance, le nouveau ministre de la Justice semble bien avoir révélé ses limites. Il prouve, par son manque de lucidité, de réactivité et d'efficacité, qu'il ne suffit pas d'être une grande juriste pour conduire un département ministériel aussi sensible que celui de la Justice. Et qu'avoir siégé au Conseil constitutionnel ne prédispose pas forcément à tout connaître de l'âme humaine et de ses turpitudes. C'est donc une réponse ferme et déterminée à leurs problèmes de sécurité et à leurs difficultés matérielles qu'attendent les surveillants pénitentiaires. Si le ministre n'en est pas capable, qu'on le change !

5821 vues

25 janvier 2018 à 1:29

Partager

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.