12 h 30, en ce 19 avril. Le téléphone fixe sonne. Ah, encore une jeune femme d’un centre d’appels offshore, qui va dire s'appeler Sylvie et veut me vendre je ne sais quoi. Je décroche. "Merci de prendre une minute pour m'écouter." Je reconnais la voix d'Emmanuel Macron et suis tenté de raccrocher. On l'entend à longueur de journée sur nos radios et téléviseurs, alors que me veut-il encore, à moi personnellement, en plus ! Mais c'est évidemment un enregistrement. On aurait dit autrefois, du temps où Macron n'avait pas encore vu le jour, un magnéto. Intrigué, je le laisse parler. À l'heure du déjeuner, il va ainsi appeler, jusqu'à vendredi, près de 6 millions d'abonnés des fixes de Free et de SFR. Comme s'il s'agissait de nous vendre des fenêtres K par K ou une assurance auto.

Je n'irai pas jusqu'à dire, comme l'a tweeté Philippot, que Drahi ou Niel ont offert sur un plateau le listing téléphonique de leurs abonnés… Encore que… mais écoutez le candidat, si vous-même n'avez pas eu l'honneur de recevoir cet appel : "Je suis candidat à l'élection présidentielle ( comme si on ne le savait pas). Ce que je vous propose ? Que votre bulletin de vote soit utile, qu'il serve à tourner la page une bonne foi pour toutes, qu'il nous permettre de sortir de vingt ans de politique pendant lesquels la gauche et la droite n'ont pas vraiment réglé les problèmes de notre pays parce qu'elles étaient trop occupées à s'affronter entre elles." Le ton devient ensuite professoral : "Notre projet n'est pas de faire gagner un camp ou un autre, ce n'est pas de diviser pour mieux régner, c'est au contraire de rassembler les Français pour changer la France. Si vous me choisissez comme Président, je consacrerai toute mon énergie à débloquer notre pays… en libérant les énergies et en même temps (son expression fétiche) en protégeant celles et ceux (encore une tournure rabâchée) qui sont les plus faibles, qui peuvent parfois échouer. Je veux remettre notre société en mouvement et donner à chacune et à chacun la chance de réussir pour construire cette nouvelle France en quelque sorte, j'aurai besoin de votre soutien dès ce dimanche en mettant un bulletin de vote Macron dimanche."

Si vous voulez réécouter le message, tapez 1… ou allez constater le bazar que cette campagne téléphonique a déclenché sur les réseaux sociaux. À tel point que la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a réagi très vite en rappelant au candidat "les bonnes pratiques".

Les tweets dénonçant cette intrusion dans note vie privée sont innombrables, et pourtant (comme aime le dire le candidat), et pourtant, l'état-major d'En Marche ! n'en continue pas moins de vouloir aller jusqu'au bout, malgré l'avertissement. Sans doute a-t-il voulu trouver un biais pour contrebalancer les innovations, pour ne pas dire les inventions de Mélenchon comme l'hologramme, la promenade en péniche ou les meetings en plein air. Mais les communicants de son équipe ont sûrement provoqué beaucoup d'hostilité parmi ceux qui ont "bénéficié" de ce coup de fil, digne des pires enseignes.

"Maman, y a Macron au téléphone, viens vite, il veut te parler." 

Comme si notre vie n'était déjà pas assez polluée par ces offres commerciales téléphoniques. En vérité, Macron se vend comme une vulgaire lessive.

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21 avril 2017 à 22:43

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