« Coluche nous manque ! » « Il faut faire de la politique autrement ! » « Les femmes doivent être mises en avant ! » Voilà pour le moulin à prières médiatique. Précédant ces attaques, pas toujours infondées, Robert Ménard, maire de Béziers bien connu des lecteurs de Boulevard Voltaire, a donc pris les devants.

Le prétexte est tout trouvé, s’agissant de ce TGV Occitanie tardant à venir en terres biterroises. D’où une première affiche à l’humour « décalé », comme on dit chez Canal, avec un Donald Trump et un Kim Jong-un, hilares et bras dessus bras dessous, assortie de ce slogan : « C’est le TGV qui unira le monde, tous unis pour le TGV jusqu’à Béziers. » Pierre Desproges aurait adoré.

À l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne, ministre des Transports, semble d’ailleurs goûter la plaisanterie quand, répondant à une question d’Emmanuelle Ménard (député apparenté FN), relative à la question, elle assure que « ce TGV n’est pas censé aller de Pyongyang à Washington ». Poursuivant dans cet humour bon enfant, le maire de Béziers mitonne quatre nouvelles affiches.

La première avec un Macron préférant prendre l’avion, la deuxième avec un squelette las d’attendre le tortillard, la troisième avec une femme à laquelle le médecin demande si elle va finir par accoucher du train en question, puis… la quatrième. Celle qui fait twister les sacristies et turbuler les presbytères des nouveaux curetons, pire que les fesses de Michel Polnareff placardées dans les rues de la France pompidolienne.

De quoi s’agit-il ? Tout bêtement d’une affiche montrant une femme, ligotée en chemise de nuit sur une voie de chemin de fer, qui hurle de peur parce que justement, et ce, pour une fois, le train arrive à l’heure. L’accroche, quant à elle, est digne du professeur Choron : « Avec le TGV elle aurait moins souffert ! »

Une femme mise à l’honneur ? Les féministes auraient dû frétiller de joie. Pas du tout. Les filles, ça n’est jamais content et ça n’aime pas l’humour, tous les hommes le savent. La preuve par Laurence Rossignol, ministre du Droit des femmes sous François Hollande – ou dessus, à chacun ses fantaisies –, qui prend immédiatement position en ces termes : « Robert Ménard est un ignoble, un tout petit qui essaye de faire parler de lui par des provocations constantes. On ne peut pas laisser passer ça, c’est sans fin. »

La raison d’un tel transport pas tout à fait amoureux ? Un triste fait divers, un « féminicide », pour causer inclusif ; soit une femme, Émilie, ligotée par son conjoint, sur les rails du TGV Paris-Nantes en juin 2017. Pas de chance pour elle, la SNCF n’était pas en grève ce jour-là. Et Laurence Rossignol de conclure : « L’ignoble Robert Ménard l’a tuée une deuxième fois. » C’est sûr que présenté de la sorte…

Marlène Schiappa, sa ministresse successeuse et madone des sleepings, raccroche aussitôt les wagons : « Campagne une fois de plus odieuse, de surcroît venant d’un élu de la République. J’ai saisi ce matin le préfet afin que tous les recours possibles soient étudiés et activés. » Occasion inespérée de goûter cet exquis morceau de poésie préfectorale : « Robert Ménard se sert du corps des femmes pour faire passer des messages populistes. […] Il ne mesure toujours pas la souffrance physique et psychologique qu’engendrent ces atteintes à leur intégrité, pas plus que la mobilisation contre ces violences faites aux femmes qui est une priorité du gouvernement. » Ou de l’art de prendre le train en marche.

À ce concours de tricot en forme de fête de l’esprit, une mention particulière au journal Femme actuelle, grâce auquel une bonne épouse apprend à servir le chablis à température au chef de famille, pour ce titre : « Une affiche ignoble imaginée par Robert Ménard pour le TGV à Béziers scandalise la France entière. » Détective n’aurait pas fait mieux.

Quoiqu’on puisse être en droit de préférer ce tweet de Robert Ménard : « Les réactions outrées et paranoïaques à notre affiche en disent long sur l’ordre moral qui plombe le pays. Les mêmes auraient brûlé #Johnny en 1960, #charliehebdo en 1970 ou #Gainsbourg en 1980. Inquiétant… » « Inquiétant », certes ; mais tellement distrayant, aussi, tant l’actuelle niaiserie crasse va bon train.

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12 décembre 2017 à 20:35

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