[Vu de l’Est] Ce que vient chercher A. Weidel (AfD) auprès d’Orbán à Budapest

Mardi 11 février, Alice Weidel se déplace à Budapest pour une première rencontre avec Viktor Orbán. Cette visite n’a rien d’anodin, d’un côté comme de l’autre. Elle vient sceller une maturation politique anti, ou plutôt post-mondialiste à travers le continent. Pour la candidate à la chancellerie d’Allemagne, c’est un premier témoignage de considération internationale en Europe dans un contexte de cordon sanitaire allemand aussi forcené qu’à bout de souffle. Côté hongrois c’est un passage du Rubicon. Viktor Orbán avait commencé son engagement politique dans la lutte anticommuniste, puis le Fidesz assumait une approche « ni droite ni gauche ». C’est en remportant les élections en 1998 qu’il s’inscrit dans une affiliation partisane européenne : à l’invitation du chancelier Helmut Kohl le jeune Premier ministre hongrois rallie le Parti populaire européen (PPE). La manière dont on se situe par rapport à l’Allemagne est donc très significative pour les pays d’Europe centrale – sur le plan politique comme économique.
Le PPE est la première force politique européenne, au sein de laquelle la CDU se taille la part du lion. Une position confortable que le Fidesz se garde de questionner pendant deux décennies. Alors, comment expliquer la reconfiguration actuelle ?
2015 : la rupture Orbán
Lors de la crise migratoire de 2015, Viktor Orbán tire la sonnette d’alarme, précisément pour rappeler son groupe européen au bon sens et à la protection des frontières européennes. Dans la mesure où la majorité, dans l’hémicycle de Strasbourg, traverse le PPE, un consensus ne se dégage qu’en obtenant son adhésion. Mais le schéma européen reproduit ce qui se joue alors en Allemagne : la chancelière Angela Merkel (CDU) tient la barre en faveur d’une immigration incontrôlée et structurelle, justifiée comme une nécessité morale et économique. Dans ce contexte révolutionnaire, une partie significative de la société allemande se sent orpheline de représentation politique. L’Alternative für Deutschland (AfD), une formation eurosceptique fondée en 2013 dans un mouvement de défiance vis-à-vis des dysfonctionnements monétaires de l’UE, prend alors un tournant identitaire et connaît un essor rapide.
Alice Weidel s’engage à l’AfD dès octobre 2013 et son profil correspond à l’orientation initiale du parti. Née en 1979, elle réalise de brillantes études d’économie, travaille plusieurs années pour Goldman Sachs et Allianz avant de fonder sa propre société de conseil. Elle a vécu en Chine et parle le mandarin. Enfin, elle est libérale sur le plan des mœurs et n’entre décidément dans aucune des cases correspondantes à « l’extrême droite » chauvine et passéiste. À ceci près qu’elle s’insurge contre l’immigration de masse et que son opposition à l’idéologie diversitaire la situe au cœur de l’AfD, un parti par ailleurs travaillé de tendances diverses : identitaire, conservatrice, souverainiste.
En Allemagne, un même consensus contre l'immigration de masse
L’Allemagne ne sait pas nettement ce qu’elle veut, mais un consensus se forme contre ce que nombre d’Allemands ne veulent plus : l’immigration de masse et ses conséquences, la guerre en Ukraine et le marasme économique qui l’accompagne, l’idéologie « verte », la rengaine antinationale, etc. Or, sur chacun de ces éléments, une convergence se dessine avec la ligne politique assumée en Hongrie depuis 2010, une ligne qui a valu sa longévité au Fidesz ainsi que son expulsion du PPE en 2021 : la recette du succès politique n’est plus dans le consensus libéral. Le Fidesz a cependant fait un constat amer : faute d’avoir pu lancer un consensus européen alternatif de l’intérieur du PPE, il se trouve orphelin de groupe politique et en butte à l’hostilité conjuguée des démocrates à Washington et de la Commission à Bruxelles.
Paradoxalement, la sanction démocratique est tout aussi claire : en avril 2022, les Hongrois plébiscitent de nouveau le Fidesz, avec une majorité des deux tiers au Parlement et un nombre de voix record. Mieux : les élections européennes de 2024 renforcent quelque peu les formations droitières et le Fidesz est à l’initiative du groupe « Patriotes pour l’Europe », qui rassemble les formations de treize pays, dont le RN français, le FPÖ autrichien, la Lega italienne et Vox pour l’Espagne. Troisième groupe du Parlement européen et principal protagoniste à droite du PPE, cette force politique se situe entre les « Conservateurs et Réformistes européens », dont Georgia Meloni est la principale protagoniste, et « Europe des nations souveraines », où l’AfD occupe la place centrale. Une alternative politique exige la bonne intelligence des formations patriotiques dominées par la France, l’Allemagne et l’Italie : un travail herculéen auquel Viktor Orbán peut apporter son concours.
Le désenclavement de l’AfD s’inscrit dans une décennie de travail politique
Si un autre consensus européen est possible, il se fera à l’extérieur du PPE et dictera à ce dernier ses conditions. Une telle perspective est encore très hypothétique : la CDU fait la course en tête dans la campagne en cours. Mais la victoire de Donald Trump catalyse le déclin du politiquement correct libéral. Le soutien affiché d’Elon Musk à l’AfD (« le meilleur espoir pour l’Allemagne ») bouleverse les usages d’un patriotisme allemand sous quarantaine internationale. Le désenclavement de l’AfD s’inscrit dans une décennie de travail politique et s’articule à la faillite des partis politiques traditionnels outre-Rhin. Cette normalisation vient d’abord de la société allemande à travers ses choix électoraux et, seulement ensuite, de l’écho international que rencontre ce succès interne.
Que vient donc chercher Alice Weidel à Budapest ? Empoigner, avec la main de Viktor Orbán, la fameuse fenêtre d’Overton qui élargit le champ des possibles et rapproche du pouvoir. Qu’attend Viktor Orbán de l’AfD ? La coordination efficace des différents protagonistes de l’intérêt national à travers l’Europe, au service avant tout des libertés hongroises.

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

24 commentaires
Un peu de bon sens apparait. C’est avec Alice Weidel que j’aime l’Allemagne.
Le Destin des Nations d’Europe est « De Nations » et non d’Empire écrasant ses sujets de moins en moins en Démocratie, sur la dépouille des Nations.
5 fois en 2000 ans les Européens ce sont essayés à l’Empire de César à Hitler, en passant par Charlemagne, Charles Quint avec un Empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais, a finit pas se retirer en Monastère en Pyrénées espagnols, Napoléon. Macron et / ou Von der Leyen s’annonce donc très dangereux….Tous les Empires se sont effondrés ou sur armés toujours sur la défensive (U.S., Russie,Chine). Se défendre n’est pas dépouiller les Nations de Régaliens, ni mettre ses citoyens en insécurité. Immigration intelligente, sinon l’Europe passera la main…
Et la Belgique vient de se doter d’un premier ministre de droite et flamand M. Bart De Wever. Les choses bougent…
Enfin, la droite se réveille partout en Europe.
En France, les LR ont viré à gauche en ne votant pas l’abolition du droit du sol!
Une fois de plus, ils sont à contre courant de 70% des français.
Ils n’ont pas viré à gauche, ils SONT de gauche, sous un masque (trahison) de droite.
une immigration incontrôlée et structurelle, justifiée comme une nécessité morale et économique.??? « Morale » elle nous dit la Merkel?.. de quoi je me mêle. Je ne me sens AUCUN obligation « morale » à accueillir qui que ce soit. Il semblerait que je ne sois pas tout seul… Orban a 2/3 de son parlement. tous élus !
Si la crise à venir, suite aux décisions de l’Amérique, se concrétise, ils feront quoi les Allemand de tous ces immigrés qui deviendront chômeurs ? La politique au jour le jour, comme celle de Macron.
Ne criez pas victoire trop vite. Thierry Breton a bien dit « qu’ils » avaient les moyens de défaire une élection qui ne « leur » convenait pas. « Ils » ont le pouvoir et les moyens.
Et ils l’ont déjà montré.
A suivre..
Un vent d’espoir souffle sur l’Europe.
Vivement les prochaines élections nationales, en espérant que les français voteront en masse et libereront le pays de cette gabegie Wokiste qui nous mène dans le gouffre de là honte d’être français.
L’espoir fait vivre. Mais en ce qui concerne la France ( et ses électeurs!) je ne suis pas optimiste. On verra…
Voter, c’est bien, mais il faut aussi se préparer à agir concrètement, car ces perdants minoritaires dans les urnes, n’accepteront pas leur éviction du pouvoir, et la cinquiéme colonne et leurs groupuscules d alliés.
Rêve…
Les Allemands vont ils cette fois oser sauter le pas pour retrouver la liberté, j’ose espérer.
Le péril de la submersion est si présent que les patriotes pour l’Europe en oublient leurs divergences économiques pour faire front. Merkel a cru à la théorie des petits pois, fond de sauce qui fait l’impasse sur les différences civilisationnelles. Les meurtres ont reveille les consciences. L’AfD doit faire un pas de plus en se purgeant de ses membres indesirable. La Droite doit etre droite.
Quels membres indésirables ?
En Allemagne aussi le peuple se réveille enfin . Prions que les français comprennent qu’il est temps pour eux aussi de se secouer , de virer ces nuisibles , mais surtout ne pas se tromper de candidat le moment venu .
Puisse Dieu vous entendre.
Les Français nous sommes des suiveurs, c’est culturel.
Tout ce qui nuit à l’UE de Von der Leyen est bon à prendre! Un récent sondage indique que l’AFD est en hausse de 3% et se situerait à 25%. Le même sondage indique que la sinistre CDU de l’ex communiste Merkel, serait en recul de 3% à 27%! Electeurs allemands, encore un effort et entérinez le recul de la CDU et donnez, à postériori une baffe à l’ex communiste Merkel!!
Tout à fait
NB – « dans aucune des cases correspondantes à « l’extrême droite » ». Dans cette phrase « correspondant à » est un participe présent. Avec la phrase « aucune des cases correspondantes DE « l’extrême droite » », on utiliserait l’adjectif qui s’accorde avec le sujet. Merci.
Je ne sais si vous êtes il ou elle pour donner des leçons de grammaire mais je me rappelle que vous êtes la ou le même qui croit encore dans un autre article que les LR vont arranger les choses. Pas étonnant : que des donneurs de leçons et très mal placés pour faire la morale scolaire.