Violences lycéennes : la fermeté d’un pouvoir discrédité est contre-productive

Lyceens police Mante-la-Jolie

Plusieurs dizaines d'élèves à genoux ou assis, mains entravées ou sur la nuque, sous la surveillance de policiers : la vidéo surprend. Le ministre de l'Éducation nationale a lui-même reconnu que ces images étaient choquantes, tout en rappelant le contexte de l'événement. C'était jeudi, à Mantes-la-Jolie, où, à la mi-journée, près de 150 lycéens ont été interpellés collectivement, après des violences commises à la suite de blocages d'établissements. Une scène qui tombe mal, à deux jours des manifestations des gilets jaunes.

À Mantes-la Jolie, des éléments extérieurs, souvent adultes, auraient bloqué un établissement, rameuté des lycéens parfois venus d'autres départements, envahi un pavillon, volé des bonbonnes de gaz, commis des exactions, attaqué les forces de l'ordre qui ont cherché à les neutraliser.

Le préfet des Yvelines a assuré qu'« aucun jeune n’a été blessé, ni maltraité » et qu'aucune plainte n'a été enregistrée. Le ministre de l'Intérieur a justifié les interpellations face à de « véritables violences urbaines ». Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, s'inquiète de ce déferlement de violence dans de nombreux lycées. Rien que dans la journée d'hier, 280 établissements ont été bloqués en France et les forces de l'ordre ont procédé à 700 interpellations.

Les manifestations lycéennes sont régulières, qu'elles soient spontanées ou provoquées. Il est facile de manipuler de jeunes lycéens, mais tous ne sont pas manipulés. Beaucoup croient sincèrement défendre leur avenir. Alors, on proteste pêle-mêle contre la réforme du baccalauréat, la disparition des filières, Parcoursup et la sélection à l'université. Parfois avec raison ; sans raison, souvent. L'important est de protester. Comme chez les gilets jaunes, on constate que des casseurs se glissent parmi les lycéens. La « jeunesse » de banlieue aussi, mais peu de commentateurs le disent.

La colère des gilets jaunes est contagieuse. Le sentiment d'illégitimité du pouvoir s'étend. Il voudrait affirmer son autorité. En vain. De plus, il est atteint du « syndrome Malik Oussekine », cet étudiant tabassé par des motocyclistes voltigeurs, en 1986, un 6 décembre justement, qui avait provoqué la démission d'Alain Devaquet. « L'obsession des policiers, c'est de ne pas blesser un lycéen », assure Valérie Pécresse. Qu'adviendrait-il s'il y avait un mort ? Mais il n'est pas besoin d'un tel événement tragique. La répression contre les lycéens suffit à susciter entre eux la solidarité. En l'occurrence, cette vidéo transforme les lycéens appréhendés en héros.

La fermeté pourrait être payante, si elle était ordonnée par un gouvernement respecté. Mais le pouvoir actuel est si discrédité, à commencer par le président de la République qui semble se terrer dans ses appartements de l'Élysée, que le moindre incident grave peut avoir des conséquences politiques incalculables.

Le gouvernement craint par-dessus tout que des lycéens et des étudiants se joignent, samedi, aux gilets jaunes. On comprend sa fébrilité devant la situation. À voir les représentants de la majorité sur les plateaux de télévision, on a le sentiment d'une atmosphère de fin de règne.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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