Un de mes confrères, M. le bâtonnier Jean-Louis Keita, vient d’être mis en examen et placé en détention à Aix-en-Provence. On lui reproche d’avoir divulgué des informations sous couvert du secret de l’instruction au profit d’un client extérieur, pour qui ces informations étaient particulièrement précieuses et utiles. J’ignore ce qu’il en est de sa réelle implication, de sa responsabilité, voire de sa culpabilité. Ces faits peuvent être graves.

Cela ne m’empêche pas d’être doublement scandalisé. Pourquoi ?

Cet homme, présumé innocent, est cloué au pilori et traité comme un malpropre. Incarcéré comme tous les malfrats qu’il a eu l’honneur de défendre avec talent pendant sa longue et belle carrière ! Il y de la démesure dans sa détention, qui vient pourtant d’être confirmée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ce 19 février, comme le rapporte Le Monde.

Mais surtout, je suis dans une colère noire à cause de l’hypocrisie persistante de notre système judiciaire. Je m’explique. Volontairement, les avocats de notre confrère ont demandé à ce que l’audience devant la cour d’appel, au cours de laquelle fut évoquée sa demande de mise en liberté, se déroule à huis clos. Le parquet général s’y est opposé. La cour l’a néanmoins ordonné.

Et voilà que, le lendemain matin, le journal La Provence donne tous les détails de l’affaire et divulgue même une partie du déroulement de l’audience. C’est insupportable ! Cela signifie que soit un magistrat soit un greffier a divulgué ces informations à la presse, violant ainsi à son tour le même secret de l’instruction au titre du respect duquel notre confrère a été placé en détention.

Pourquoi la presse continue-t-elle d’avoir le droit de violer le secret de l’instruction, dont on maintient l’application contre vents et marées, et à juste titre, tant il est nécessaire ? Pourquoi y a-t-il deux poids deux mesures ? Les journalistes seraient-ils au-dessus des lois ?

Cela fait longtemps que l’on parle du pouvoir de la presse. On l’évoque, dorénavant, au même titre que les trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Mais jusqu’à nouvel ordre, il n’est pas encore inscrit dans la Constitution. Les journalistes ne disposent d’aucune espèce de dérogation légale. Pourquoi n’impose-t-on pas le respect de la loi à la presse ?

Il y a une solution pourtant simple. Il suffit de poursuivre tout responsable de rédaction, dont le journal a publié une information couverte par le secret, du chef de recel de secret de l’instruction. Le problème serait réglé.

À l’évidence, le pouvoir exécutif ne le veut pas. Le pouvoir judiciaire lui donne la main… « On » distille les informations que l’« on » décide de divulguer, jouant ainsi avec ce quatrième pouvoir tant craint et devant lequel nos édiles font leurs dévotions tous les matins !

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21 février 2020 à 22:03

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