Véronique Jacquier : « François Fillon n’a pas su se défendre pour parer les coups et les attaques »

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Auteur de François Fillon, l’homme qui ne voulait pas être président, la journaliste Véronique Jacquier reconnaît que si la peine qui vient d'être requise contre l'ancien Premier ministre est sévère (un an de prison ferme aménagé en détention à domicile avec un bracelet électronique, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité), François Fillon mérite de rendre des comptes. Néanmoins, elle s'étonne que d'autres personnalités politiques ne soient pas inquiétées : « Sans doute pour leur proximité avec Emmanuel Macron, les juges n'osent pas s'y risquer. »

 

 

 

 

Vous êtes journaliste politique et vous intervenez notamment sur CNews, vous avez publié François Fillon, l’homme qui ne voulait pas être président aux Éditions du Toucan l’Artilleur.

Cinq ans d’emprisonnement, dont un ferme, requis contre l’ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle François Fillon. Que pensez-vous de ce réquisitoire en appel ?

Un an de prison ferme, c’est très sévère, mais c’est moins pire qu’en première instance, car il partait directement en prison. Là, il va pouvoir porter un bracelet électronique pendant un an. On ne va pas dire qu’il s’en sort bien, parce que l’on sait que l’homme est brisé par cette affaire, mais c’est moins pire qu’en première instance. Les juges ont envoyé des signaux en condamnant déjà Nicolas Sarkozy à de la prison ferme. On voit bien qu'on a changé d’époque et que, maintenant, la Justice estime vraiment que les politiques, qu’ils soient président de la République ou Premier ministre, sont des justiciables comme les autres.

Le procès fait à François Fillon n’est-il pas disproportionné lorsqu’on voit d’autres politiciens s'en tirer à bien meilleur compte. Y a-t-il une dimension d’assassinat politique dans cette affaire ?

Il n’y a pas de notion d’assassinat politique. Certes, on laisse tranquille Richard Ferrand et François Bayrou dans les affaires qui les concernent. Richard Ferrand est quand même mis en examen dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne et il reste tranquillement président de l’Assemblée nationale. En soi, c’est un scandale. Mais quand on entend les avocats généraux expliquant la situation des époux Fillon, on est sur des choses tangibles. Quand on dit qu’on va condamner cet homme parce qu’il est condamnable car il y a un enrichissement personnel illicite, malheureusement, tout cela semble tangible. François Fillon n’a pas été en capacité de prouver que son épouse travaillait. Il dit que c’était son employée au niveau local, sauf qu’il y n’y a aucune trace d’un travail dans la circonscription. Ses collègues de l’époque ne savaient pas que cette femme travaillait pour son mari et était rémunérée. Les témoignages sont ténus. La défense a eu du mal à apporter quelques preuves. Et, surtout, les sommes incriminées sont très importantes. Plus Penelope Fillon travaillait pour son mari au fur et à mesure des années, plus elle gagnait de l’argent.

On n'a pas mis un coup de projecteur sur quelque chose qui prouve le côté extrêmement répréhensible de ce qu’a fait François Fillon. Sa ligne de défense est de dire que tous les parlementaires le faisaient. Certains le faisaient, mais pas à une échelle industrielle, sur trente ans. Quand François Fillon n’est plus Premier ministre et devient député de Paris en juin 2012, il emploie de nouveau Penelope Fillon début 2013. Il la fait également employer par Marc Ladreit de La Charrière. Elle a cumulé son emploi à l’Assemblée nationale et cet emploi de complaisance. Le milliardaire a reconnu lui-même, en plaidant coupable, que c’était un emploi de complaisance.
Entre 2013 et 2015, elle cumule près de 9.000 € de revenus bruts et on n’est pas capable de prouver qu’elle a travaillé. De plus, elle est l’épouse d’un ancien Premier ministre. Quand François Fillon redevient un simple député, il continue dans le système qui a alimenté toute sa vie. Ce n’est pas un assassinat politique, car il mérite d’être traduit en Justice et de rendre des comptes, même si la peine est sévère. L’Assemblée nationale réclame un million de dommages et intérêts, elle veut récupérer l’argent que les époux Fillon ont touché indûment. Si cet homme est condamné, c’est qu’il a fait quelque chose de condamnable.
Oui, il existe dans le paysage politique des hommes politiques qui ne sont pas inquiétés, sans doute parce que leur proximité avec Emmanuel Macron fait que les juges n’osent pas s’y risquer.

Dans votre livre, vous avez déclaré : « Il n’est pas trop tard pour comprendre pourquoi la campagne 2017 fut un naufrage, Fillon a donné les allumettes pour mettre le feu à son bûcher. » Ce bûcher brûle depuis quatre ans.

J’ai écrit cela car il s'est très mal défendu. La campagne de 2017 a été un naufrage car sa mise en examen signe sa mort, tous ses soutiens le laissent tomber, mais il faut dire que François Fillon est un être secret et solitaire, il est compliqué à suivre et à défendre.

Pour la première fois dans une campagne présidentielle, on a vu l’immixtion de la Justice à un degré sans précédent : les fuites dans la presse, la violation du secret de l’instruction, les convocations de François Fillon, tout cela a flingué sa campagne. Mais lui ne s’est pas bien défendu. Dès le début, il ne pense pas qu’il puisse être mis en examen, donc il se précipite chez le juge avec des documents pour qu’on le laisse tranquille. Ensuite, à la télé, il dit « Si j’étais mis en examen... » en pensant qu’il ne le serait jamais. J’imagine que quelques juges qui étaient devant leur télé se sont dit : « Il nous cherche, il va nous trouver. » De plus, il n’était pas obligé de se laisser mettre en examen ; à l’époque, on cherchait aussi Marine Le Pen sur l’affaire des assistants européens, elle n’a pas répondu à la convocation du juge. Pourquoi François Fillon ne leur a-t-il pas dit : « Foutez moi la paix, laissez-moi terminer ma campagne. Je vous rendrai des comptes par la suite. » Malheureusement, il n’a pas su se défendre pour parer les coups et les attaques.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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