Va comprendre les Français, Charles !

CHARLES III

Décidément, le roi Charles III n’a pas de chance. Sa première visite d’État en France risque en effet de tourner vinaigre « en raison du contexte social ». Point d’orgue de cette visite : le banquet d’État dans la galerie des Glaces du château de Versailles, prévu lundi 27 mars. Une « prestation », comme on dit, qui consiste pour la République à en mettre plein la vue et les assiettes à nos hôtes étrangers. C’est bien connu, la République a toujours été royale ! Ou presque...

En avril 1957, le Président Coty avait reçu à Versailles Élisabeth II à l’occasion de la première visite d’État en France de la jeune souveraine. On imagine que les fiches d’Emmanuel Macron doivent être toutes prêtes pour rappeler cette visite historique. « Comment ne pas évoquer, Votre Majesté, le souvenir de Sa Majesté la reine Élisabeth II, votre défunte et illustre mère, que mon prédécesseur, René Coty, reçut ici même en 1957, etc. » Vous voyez, un truc comme ça. Si l'hôte avait été de Gaulle, ça aurait été encore mieux, mais bon, faut faire avec l’Histoire qu’on a sous la main. Mais patatras ! le bruit court qu’il est envisagé de rapatrier ce dîner à l’Élysée, le nouveau Fort Alamo de la République. Cela dit, la salle des fêtes de l’Élysée, c’est moins bien que Versailles, mais c’est pas mal non plus. Avouez qu’il y a des plans B plus foireux.

Ironie du sort qui s’acharne sur Macron : le 16 septembre 2022, alors qu’il était en déplacement dans la Creuse, Emmanuel Macron s’était précipité pour annoncer qu’il avait invité le nouveau roi à faire sa première visite d’État en France. « Les choses se feront en leur temps […] J’ai eu l’occasion d’inviter le roi Charles à venir en France quand cela sera approprié pour lui », avait-il déclaré. Aujourd’hui, la question est de savoir si cette visite est appropriée, non pas pour le roi Charles, mais pour Emmanuel Macron. Après la séquence qu’il vient d’offrir aux Français en incarnant à merveille ce qu’on peut qualifier de « souverain mépris », rallumer les fastes de l’antique monarchie alors que le pays est incandescent n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux pour apaiser la situation. Le cégétiste de base n’a sans doute rien contre le roi Charles, mais ça ne le dérangera pas plus que ça que le nouveau souverain soit la victime collatérale de ce conflit social dont on ne voit pas, pour l’instant, la sortie. Et l’on n’imagine pas Macron téléphoner à Philippe Martinez et Laurent Berger pour leur dire : « Soyez sympas, les gars, faites une pause, ne me cassez pas la baraque, je reçois le roi, etc. » A priori, ça risque de ne pas le faire.

Il est donc probable que le roi Charles, pour aller déposer une gerbe à l’Arc de Triomphe, parcourra des Champs-Élysées qui auront été préalablement nettoyés de leurs immondices et, tant qu’à faire, de toute foule qui fait désordre. Qu’il empruntera probablement un autre moyen de transport que le train pour descendre à Bordeaux, le 28 mars. Que sa déambulation dans les rues de la capitale d’Aquitaine se tiendra « sous haute surveillance », selon la formule consacrée, à moins qu’elle ne soit tout simplement annulée.

On est triste pour le roi Charles qui ne mérite sans doute pas cela. Mais comment ne pas souligner cette ironie du sort qui s’acharne sur Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui, en 2015, laissait entendre qu’il manquait un roi à la France en déclarant : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi… » Qui, une fois élu, assuma une totale verticalité du pouvoir. Un Emmanuel Macron qui, par une sorte de retour de bâton des événements, voit son accueil du représentant de la monarchie la plus prestigieuse du monde gâché, pour ne pas dire saboté. À qui la faute ?

Les Français sont capables de suivre pendant des heures le cortège funèbre de la reine d’Angleterre qui, avec le temps, était devenue un peu leur reine. Ils ne détestent pas non plus ces moments lorsque la République déroule les fastes de l’antique monarchie. En revanche, ils n'aiment pas spécialement être pris pour des gueux par ceux qui les gouvernent, surtout s'ils estiment qu'ils ne sont pas à la hauteur. Le roi Charles le comprendra-t-il ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Cette affaire est finalement bien triste. Charles III est sans doute le dernier roi d’Angleterre qui parlera le français, qui comme sa mère et son grand-père aime une France qu’ils ont toujours discrètement soutenue et qui prenait des vacances chez nous dans une de ses propriétés.

  2. Quoi qu’on en pense la monarchie Britannique est bien plus capable de s’adapter aux évènements que notre système républicain , c’est bien pour cette raison qu’il y a encore un souverain sur l’autre rive de la Manche !

  3. Avec la royauté héréditaire les aléas de la génétique faisaient que les Français avaient environ une chance sur deux d’avoir un bon roi. Compte tenu des conditions à réunir pour parvenir à être élu président de la république au suffrage universel ils sont à présent à peu près certains d’avoir un mauvais président.

  4. Outre le camouflet, Charles III peut rester chez lui surtout s’il vient concrétiser l’accord pris pour nous refiler tous ses migrants.

  5. Nous avons laissé les rennes du Royaume France a un jeune Président sans expérience politique…….. un  »bleu » en somme et nous le payons aujourd’hui !
    Catherine NAY disait de lui qu’il  » n’était pas fini » DUR, DUR !

  6. Dans sa faculté à dire tout et n’importe quoi, il arrive ainsi des idées qu’il serait bon de garder. Il manque en effet un Roi en France, car depuis 1848, à l’exception notable de quelques uns, la République nous a offert de bien piètres chefs d’état. Le dernier dépassant même le trop célèbre Paul Deschanel.

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