La République a toujours (ou presque) été royale !

élysée

C’était en 2000. Cette année-là, pour la fête nationale, des milliers de maires avaient été conviés à assister au défilé du 14 Juillet, à l’occasion du 210e anniversaire de la fête de la Fédération. Une tribune spéciale avait été montée à leur intention. Le Président Chirac, à la fin de la revue des troupes, devait descendre de son command-car pour s’adresser aux édiles avant de rejoindre la tribune officielle. Pour que la descente du véhicule ne soit pas trop casse-gueule et en ait un peu (de la gueule), les services de l’armée fabriquèrent un escalier mobile en bois. Lors de la répétition générale, la veille du défilé, Claude Chirac supervisait cette séquence en présence du gouverneur militaire de Paris, un personnage haut en couleur et en gueule. Voyant l'engin un peu majestueux, Claude Chirac demande alors au général si cet escalier n’était pas « trop royal ». Le général, qui n’avait peut-être pas envie d’en faire confectionner un nouveau dans l'urgence, sans se laisser démonter, répondit : « Madame, la République a toujours été royale. » Affaire conclue pour l’escabeau à usage unique.

La République a-t-elle toujours été royale ? Pas évident. Il n’empêche qu’on n’a de cesse de qualifier la Ve du nom de monarchie élective et qu’on n’est pas loin de penser que le Président a peut-être plus de pouvoirs que n'en avait Louis XIV. Il n’empêche, aussi, que tout un tas de symboles, hérités de la monarchie, survivent aujourd’hui dans le décorum républicain.

D’abord, le Président habite un palais. Le palais, par définition, c’est le lieu de résidence du souverain ou de celui qui le représente dans ses provinces (le palais du gouverneur). « Palais » vient du latin palatium, le mont Palatin où Auguste fit bâtir sa demeure. Le palais est donc par excellence le lieu où s’incarne le pouvoir. Et si le palais de l’Élysée, résidence officielle du président de la République depuis la IIe République, a reçu le sobriquet de « château » de ses habitués, ce n’est pas pour rien. Notons, quand même, que, paradoxalement, l’Histoire a retenu le titre de « palais » pour le Louvre et les Tuileries, résidences des rois et empereurs alors que Versailles, pourtant symbole de la monarchie absolue, restera à jamais le « château de Versailles ».

Ce palais est aussi une caserne. Car le Président est chef des armées, comme l’étaient les rois, héritiers des rois francs dont le palais, lorsqu'ils sortirent de Germanie, ne devait pas être autre chose qu'une tente ! C’est pour cela que la protection du chef de l'État est assurée par des gendarmes de la Garde républicaine, placés sous la responsabilité du commandant militaire du palais. Lorsque les honneurs sont rendus au chef de l’État ou à un hôte, chef de l’État (et pas de gouvernement), les gardes du régiment à cheval porteront la culotte blanche et non bleue. La cravate du fanion tricolore du Président, qui flotte à l’avant de son véhicule officiel, est blanche aussi, couleur du commandement suprême en France. Comme le panache d’Henri IV, signe de ralliement, et l’écharpe blanche du même Henri IV.

Au président de la République est attaché un état-major particulier. Sous la IIIe République, c'était la « maison militaire du président de la République », qui n’était pas sans rappeler la maison militaire du roi. On notera que cet héritage monarchique touche beaucoup au caractère militaire du chef de l’État. On le réalise pleinement lorsqu’on entend la formule d’investiture d’un chef militaire. « Officiers, sous-officiers et soldats du Xe régiment, de par le président de la République, vous reconnaîtrez désormais pour votre chef le colonel… », parfait décalque de la formule monarchique : « De par le roi, officiers supérieurs, officiers, sous-officiers, brigadiers et chasseurs, vous reconnaîtrez SAR M. le duc de Nemours, ici présent, pour votre colonel, et vous lui obéirez… » (28 octobre 1827). Le président de la République nomme et promeut les officiers, comme le faisait le roi.

Si on ajoute à cela que depuis Charles de Gaulle, l’entrée en fonction d’un nouveau Président est marquée de vingt et un coup de canons (à blanc !) tirés depuis l’esplanade des Invalides (101 sous la monarchie), que le Président est grand maître de l’ordre de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, comme les rois étaient souverains grands maîtres des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel, et qu’enfin, il a le droit de faire grâce, en vertu de l’article 17 de la Constitution, effectivement, on peut se dire que la République a toujours été royale. Le tout est qu’elle le reste ! Du moins, encore un peu, et pas que dans les apparences…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Aucun système politique n’est parfait, mais cette 5ème république est le berceau de l’anéantissement de notre patrie, nation, culture, …. UMPS, LR/LREM et consorts tous des parasites malfaisants de notre société.

  2. Merci Mon Colonel pour ce rappel historique et en effet pour suivre les pensées de Pounet : les « sang bleu » avaient une autre idée du rapport avec le peuple même si les « républicains » sans dieu, les ont massacré au non de l’égalitarisme stupide !!! Pour finir je rejoins les propos de « montvives.canalblog »

    Ce n’est pas une république royale qu’il nous faut, mais une République Loyale envers ses sujets !

  3. Ce n’est pas une république royale qu’il nous faut, mais une République Loyale envers ses sujets !

    • Avec abolitions de tous leurs privilèges ! Et qu’ils paient leurs charges courantes comme tout un chacun

      • Comparons avec le premier ministre anglais qui vit dans une maison et pas dans un palais !
        Et la moindre incartade financière est dénoncée dans la presse, ce qui oblige les politiques fautifs à démissionner. En France, malgré leurs casseroles, ils reviennent et s’accrochent comme des poux, échappent à « la justice ».

  4. On a coupé la tête de Louis XVI ( et de Marie Antoinette) et les présidents de la République vivent comme des monarques. Si l’on avait gardé la même sévérité, plusieurs présidents auraient dû être raccourcis, à commencer par notre président actuel !

    • La différence est qu’à peu de chose près on pourrait classer Louis XVI dans les martyrs (et saints). Encore raccourci, que resterait-il du Président actuel ?

    • Et juste après la révolution, Napoléon a été sacré empereur, et s’est aménagé la salle du trône au château de Fontainebleau !

  5. Davantage de pouvoirs que L XIV et aussi Napoléon 1er, certainement, lesquels, pour faire la guerre, devaient demander l’argent nécessaire à leurs Conseils respectifs!
    Il me semble que pour les aventures de Lybie puis du Mali ne fut pas le cas….;

  6. depuis Mitterrand , les présidents de la république sont pires que les rois et n’en ont même pas la culture (Mitterrand était un sale type, mais au moins, avait de la classe et de la culture)
    Lorsqu’on voit le manque de culture (ne serait ce qu’architecturale) de Giscard, il faut se pincer pour croire que ce personnage à particule était issu d’une famille de nobles!

    • Giscard n’a jamais été noble. Sa famille ne figure pas dans le catalogue de la noblesse française. Triste sire !

      • Certes mais ce n’est pas un catalogue mais le « dictionnaire de la noblesse française » pour être précis.

    • Que Nenni, mon Sieur ! La famille Giscard n’était que grande bourgeoise depuis la nuit des temps. Et c’est par un décret en Conseil d’État en date du 17 juin 1922, qu’Edmond Giscard, le père de Valéry, de même que ses oncles et cousins, fut autorisé à ajouter à son nom celui d’Estaing, famille locale éteinte. Comme quoi, la noblesse n’est pas la même pour tous quand on a un peu d’argent !

  7. Royal …veut dire dignité ..noblesse ,politesse ,et belles attitudes ..absence de mépris et d’arrogance ..et de prétention ..je ne vois pas ces qualités chez le soldat de plomb .

  8. A part les privilèges immoraux de notre roitelet et sa cour, je ne vois vraiment pas ce que notre république a encore de royal, au sens noble du terme. Vivre comme un roi entouré d’une horde de serviteurs, de laquais et de larbins, entretenir ses courtisans sur le dos du con-tribuable spolié, etc. : où est donc la noblesse dans tout ça ? Avoir envie d’emmerder le peuple, affirmer que certains ne sont rien, etc. et se comporter comme un enfant roi capricieux et inconstant : quelle noblesse ?

  9. Les Français n’ont en réalité applaudi que leurs monarques. Depuis que la République leur a été imposée, ils cultivent leur nostalgie monarchique.

    • La réalité n’est pas ce que vous décrivez. Renseignez vous sur les dernières années de Louis XV, ou voir ce que les français ont fait de Louis XVI… on est assez loin des applaudissements. Moi, même si je ne vénère aucun des présidents de la 5ème République je les applaudis malgré tout pour avoir fait partie de la première génération dans l’histoire de France qui n’a pas été obliger d’endosser un uniforme et d’aller au combat inutile.

  10. Claude Chirac devrait ne pas oublier que ses parents ont toujours vécus dans  » les ors de la république  » cela aussi a quelque chose de royal.

  11. Oui cher Colonel, mais les Rois s’appliquaient le grand principe de la Noblesse: « Noblesse oblige », ce qui veut dire, être noble oblige à une certaine tenue dans la société, notre « petit monarque actuel », n’a pas du lire le manuel!

    • « Une certaine tenue » : uniquement  » en société » (à la parade). Sinon : « lâchez tout »! D’où la propension de certaines zélites républicaines sans pedigree à s’enorgueillir de se laisser aller à d’homériques colères de la plus basse vulgarité quand leur public n’est pas  » intéressant » ( important pour leur carrière et porte-monnaie…)

  12. Et c’est ce faste qui rend les présidents coupés des Français, autoritaires et parfois stupides. Si royal ça pouvait être à la Louis IX Henri IV ; ou les souverains de Danemark, Suède ; mais pas comme Macron ! Les rois avaient une éducation spéciale et chrétienne. Que simplement notre démocratie devienne exemplaire comme jadis Athènes ; ou la Suisse.

    • Le plus royal de tous fut le méconnu Jean II Le Bon (1350-1364). Prisonnier à Londres après la désastreuse bataille de Poitiers, il fut autorisé à regagner la France pour collecter sa rançon, laissant deux de ses fils en otages. Apprenant que Louis d’Anjou, un de ses fils otages, s’est évadé, il regagne Londres pour prendre sa place. « Si la bonne foi était bannie de la terre, dit-il, elle devrait trouver asile dans le cœur des rois. » Il y meurt trois mois plus tard, le 8 avril 1364.

  13. Nous sommes les héritiers de ce royaume de plus de mille ans et la république s’est faite des cendres qu’elle a engendrée , tout comme l’égalité et la fraternité sont des vertus chrétiennes. Les nouveaux locataires républicains profitent avec succès des ors de la monarchie où on est bien contents de trouver Versailles…quand on recevra à Beaubourg ou à la nouvelle BN les chefs d’´Etat étrangers alors on aura coupé le cordon ombilical.

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