[Une prof en France] L’école et l’argent : un tabou français ?

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J'ai rencontré, récemment, un jeune homme scolarisé à Eton, le fameux collège anglais. Ses parents m'ont demandé de le mettre à niveau par rapport aux exigences d'un lycée français sélectif pour qu'il puisse y poursuivre sa scolarité à l'occasion de leur retour en France. Cela m'a un peu surprise, et mes a priori en faveur de l'école anglaise se sont confirmés lorsque j'ai évalué ce garçon de 15 ans. J'ai été très impressionnée par la qualité de la formation reçue pendant ses années anglaises, par les compétences qu'il avait acquises et l'étendue de sa culture, comparée à celle des multiples élèves français que je fréquente et qui viennent d'horizons scolaires très divers. Mais cela a un coût.

Lorsque j'évoque, dans un article ou une conversation, la question du hors-contrat et même parfois de l'enseignement privé, je suis toujours étonnée de voir l'objection financière surgir très rapidement. Les Français s'émeuvent alors, de façon quasi systématique, devant les prétendues inégalités engendrées par le fait que ces scolarités soient payantes et trouvent cela « anormal ». Et cela me laisse perplexe… car cela révèle un schéma mental qui est assez original par rapport au reste de la planète et au reste de nos vies. On est prêt à payer 150 euros pour une paire de chaussures de sport - moches, de surcroît, la plupart du temps -, un parfum ou un jean de marque, mais on trouve qu'un mois d'école à ce prix-là est cher et ségrégationniste…

À Eton, ce n'est pas 150 euros par mois que les parents déboursent, mais 4.500. Les parents investissent dans l'avenir de leurs enfants, et ce n'est pas un investissement absurde quand on voit les carrières que font ensuite ces jeunes garçons et quand on évalue la qualité de la formation, tant académique que sportive, qu'ils reçoivent.

Il y a une sorte de schizophrénie, en France, autour de l'argent, et un tabou étonnant qui montre à quel point la plupart d'entre nous ont assimilé des préceptes marxisants prônant la gratuité des choses les plus importantes pour les sociétés humaines, au premier rang desquelles l'école et la santé. Pour autant, nombreux sont ceux qui consacrent plusieurs centaines d'euros par mois à une mutuelle ou à des assurances diverses. Mais pour l'école, le blocage persiste et l'on attend de l'État qu'il prenne tout en charge.

Au niveau des frais de scolarité, la palme européenne revient à la Suisse, puis au Royaume-Uni. On ne joue pas dans la même cour qu'en France. Le Lyceum Alpinum Zuoz facture autour de 120.000 dollars l'année, Beausoleil 140.000 dollars, Le Rosey 150.000, L'Aiglon accueille environ 400 élèves de 9 à 18 ans pour 170.000 dollars par an et, pour le Rosenberg, nous sommes aussi autour de 170.000 dollars. Nos people ont parfois fréquenté ces écoles avant de venir sur les plateaux télévisés promouvoir les valeurs « humanistes et solidaires » de l'extrême gauche, comme Charlotte Gainsbourg, qui était à Beausoleil, ou le fils de John Lennon, qui fréquentait Le Rosey… Aucune école française n'est dans cette catégorie, même l'Union School de Paris, une des plus chères, pour laquelle il en coûtera « seulement » un peu plus de 25.000 euros à l'année.

Je ne dis pas que ces frais de scolarité sont toujours justifiés et, pour parodier une pub récente, que tout ce qui est cher est bon, mais il faudrait être naïf et un peu hypocrite pour soutenir qu'il n'y a aucune corrélation. À moins de soutenir, aussi, qu'il n'y a aucune différence de qualité entre un macaron surgelé de supermarché et un macaron de chez Ladurée, ou le menu McSmart et un repas dans un restaurant étoilé.

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Notre Education Nationale est devenue une fabrique de cancres. C’est vrai que 150 euros pour un cancre, c’est plutôt cher !

  2. Je suis désolé même si je suis d’accord avec vous sur la place de l’école privée aujourd’hui mais c’est parce que l’école publique ne fonctionne plus et pourquoi ? Nos élites du début du vingtième siècles ne sortaient pas tous du privé pour parler d’eux mais pas seulement, ma grand mère, née en 1896, avait pour diplôme le Certificat d’Etudes Primaires, elle voulait devenir chef de gare, je peux vous dire qu’elle ne faisait pas de faute et son écriture était magnifique. Donc je crois surtout qu’il faut regarder du côté de l’Education Nationale car les coupables ce sont eux si les enfants de notre époque sont complètement à la ramasse.

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