Trottinettes électriques : l’ordre du désordre programmé
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Élisabeth Borne, le ministre chargé de la Transition écologique et des Transports, a annoncé que les villes vont pouvoir « interdire le stationnement anarchique », et ce, malgré l’annonce précédente (en janvier dernier) d’une législation adaptée, une annonce non suivie d'effet. Car les trottoirs et les routes de Paris ont atteint une dangerosité extrême. On ne compte plus les chutes, les collisions et autres accidents liés directement à l’usage des trottinettes électriques.
Pour autant, au nom de l’écolo-sociétalisme pour qui l’individu démonétisé doit pouvoir se déplacer rapidement sans polluer, l’ère de « la mobilité douce » est appelée à voir le jour coûte que coûte. Seulement il y a fort à parier que les dommages collatéraux se multiplieront (un premier mort déclaré officiellement le 10 juin). En effet, on peut à présent rouler à contresens au vu et au su de tous, trottiner jusqu’à 45 km/h sur les trottoirs, puis se garer où l’on veut et à n’importe quel moment de la journée.
À l’évidence, la lutte contre la pollution de l’air valait bien une pollution visuelle. Et, comme dans le cas de l’iPhone d’Apple, l’offre a dicté sa loi à la demande. Pourtant, en dépit de ce tohu-bohu voulu par la mairie de Paris, la ville-monde française ne gagne par vraiment en pureté de l’air : les pics de pollution sont franchis régulièrement et les bouchons s’accumulent constamment (plus de 500 km cumulés en Île-de-France dans la matinée du 20 juin, d’après Le Parisien). Le motif écologique voile, en fait, un authentique projet techno-économique : il s’agissait simplement de créer un nouveau marché (qui a rapporté 278 millions d’euros l’année dernière, selon le quotidien Ouest-France). En outre, il faut que l’uberisation des tâches cause l’infantilisation des mouvements. En d’autres termes, le capitalisme, par essence totalitaire, ne peut qu’adorer les enfants. Quand l’homme ne veut plus marcher, il devient d’autant plus malléable, si ce n’est clairement minimal.
Aristote avait distingué trois types d’âmes, chacune correspondant à un mouvement spécifique : la croissance pour l’âme des végétaux, le transport (le déplacement) pour celle des animaux et la réflexion pour celle des hommes. Par conséquent, le nomadisme ambiant, qui fait valoir les migrations comme les échanges permanents, renvoie subrepticement l’humanité à l’âge de pierre. Mais, puisque l’écologisme va de pair avec le tribalisme, la nouvelle économie ne peut que générer une nouvelle humanité. Ou, quand la technologie crée un nouveau marché, le droit ne peut plus être « l’ensemble des conditions qui permettent à la liberté de chacun de s’accorder avec la liberté de tous » (Kant), mais la simple expression d’une sacro-sainte liberté individuelle réduite à une pure détermination infantile, voire animale.
Dans cette perspective, tout un chacun se sent libre alors qu’il n’aura jamais été aussi aliéné. En attendant, le citoyen parisien non pourvu d’un sixième sens qui perçoit à 360° ne peut que perdre sa guerre de l’espace. Voilà l’humanité moderne, ou une nouvelle enfance !
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