La tribune présidentielle d’Emmanuel Macron : discours à la nation ou simple tract électoral ?

Il a vocation à être les deux à la fois, bien sûr, même si cette lettre répond plus aux codes du marketing qu’à ceux du traditionnel exercice régalien. D’où ce sentiment d’urgence, de danger propre aux démarcheurs en électro-ménager : « Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale l’Europe n’a été aussi nécessaire ? Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger. » Parce qu’à l’époque de la guerre froide et des armées soviétiques massées à l’est du « monde libre », c’était fête à tous les étages et happy hour quotidien ?

Le « péril rouge » ayant manifestement été évacué, demeure celui du « populisme : « Le repli nationaliste ne propose rien ; c’est un rejet sans projet. » Tiens donc, on dirait Macron Emmanuel en 2017 quand, assurant en substance et face à Marine Le Pen, que ce serait lui ou le chaos. On a eu les deux... Sans négliger le fait que, dans son argumentaire d’entre-second tour, il était plus question, pour lui, de rejet que de projet.

D’ailleurs, quid de cette Europe ? Pour Jupiter, « l’Europe n’est pas un marché, elle est un projet ». Pour Diafoirus, c’était le poumon, pour Macron, c’est le projet. Voilà donc Emmanuel Macron promu chef de « projet » ; un peu comme dans ces start-up, dernier avatar du génie français, à l’en croire.

Assez laborieusement, comme dans une rédaction de troisième, notre Président en marche tente de définir ce que pourrait être cette Europe. Il s’agirait donc de cette "civilisation européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège". Nous "réunit", pour quoi faire ? Nous "libère", de quoi ? Nous "protège", de qui ? Cette tribune, manifestement rédigée sous anxiolytique, ne le dit pas.

Quelques lignes plus bas, il nous est néanmoins annoncé : « Nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. » C’est encore plus flou que vague. Quant à l’éventuelle perpétuation et transmission de cette "civilisation" imprudemment invoquée ? Rien. Pourquoi le "nouveau monde" devrait-il s’encombrer des considérations archaïques propres à son homologue d’avant, on vous le demande ?

Au-delà du volapük humaniste, au moins est-il écrit que "c’est le moment de la renaissance européenne". Chouette, on n’y croyait plus ; même si "le modèle européen repose sur la liberté de l’homme". Mais où va-t-il, ce diable d’homme, chercher tout ça ? À propos d’Europe, toujours, Emmanuel Macron affirme qu’il faudra "interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères".

Ça, c’est une idée qu’elle est bonne. Surtout à l’heure où un Philippe de Villiers rappelle qu’au début de la construction européenne, il y avait l’argent de la CIA – informations disponibles dans nombre de livres disponibles dans toutes les bonnes librairies depuis au moins un quart de siècle – le scoop présidentiel tombe encore un peu plus à plat.

Pour le reste, pas un mot sur l’immigration et à peine plus sur la défense européenne. Ah si, on allait oublier : "Un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens." Pas de chance, il existe déjà. Et on n’a pas attendu le mari de Brigitte Trogneux pour savoir que les militaires européens n’avaient jamais d’autre vocation qu’à être les supplétifs de la puissante Amérique.

Combien de forêts ont-elles été abattues pour imprimer une telle farandole de portes ouvertes enfoncées depuis si longtemps ? Beaucoup trop, sûrement.

PS : on sent bien que Sylvain Fort, ancienne plume élyséenne, a quitté ce boutre à la dérive depuis belle lurette. Et là, encore, n’évoquons-nous que le style de cette bafouille présidentielle.

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05 mars 2019 à 18:22

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