Témoignage d’un agriculteur : « Vague de gel : c’est l’année dernière en pire »

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Patrick Lasguigne est agriculteur à Montagudet, dans le Tarn-et-Garonne. Ses cultures ont été ravagées par le gel qui a sévi dans tout le département. Entre découragement et abattement, il tente tout pour sauver son activité.

Marc Eynaud.Vous êtes exploitant agricole dans le Tarn-et-Garonne, vous avez subi la vague de gel. À combien évaluez-vous les dommages sur votre exploitation ?

Patrick Lasguigne. Dire un chiffre précis, c’est compliqué. En ce qui concerne les fruits à noyau, le gel est pire que l’an dernier. Pour les fruits à pépins comme le raisin de table, c’est pour l’instant moins pire que l’an dernier. Et pour les prunes de table, environ 80 % de la récolte est gelée. Pour les parcelles non protégées, c’est du 100 %.

M.E. Avez-vous mis en place une stratégie pour lutter contre le gel ?

P.L. Depuis 1991, dans le Tarn-et-Garonne, il y a des gelées régulières. À l’époque, il n’y avait aucun moyen de lutte, ou bien c'était peu répandu. À présent, quand un exploitant plante, il couvre le risque gel par de l’irrigation qui sert également en été. Il couvre aussi le risque climatique grêle. On met en place certaines choses, qui peuvent marcher ou pas.
Il existe des moyens de lutte comme l’aspersion, très répandue maintenant. S’il fait trop froid et que l’on n’a pas assez de volume d’eau à l’hectare, en dessous de 40 m³ à l’hectare, ce n'est pas possible d'asperger. S’il fait une petite gelée ça va, sinon, ce n'est pas possible.
Il existe d’autres méthodes comme des tours à vent pour brasser de l’air et prendre l’air chaud en altitude pour le plaquer au sol sur les cultures. Mais si l'air en altitude est trop froid, cela ne suffit pas malgré les bottes de paille et les bougies allumées sous les éoliennes. Toutes ces méthodes ne sont pas efficaces à cent pour cent.

M. E. Que pensez-vous de l’annonce de l’aide d’urgence de 20 millions d’euros annoncée par Jean Castex ?

P.L. Il faut voir quand cette enveloppe va arriver et voir comment cela sera distribué. Rien n’est décidé. Pour ma part, concernant l’enveloppe d’aide de l’an dernier, je l’ai reçue il y a 15 jours. Il y a urgence et nous devons, en attendant l’aide, puiser sur nos réserves financières privées, et nous sommes à sec pour payer les charges courantes.

M.E. Votre activité est-elle menacée ?

P.L. On fait tout pour essayer de survivre, on fait des semaines de 70-75 heures de travail et, les nuits de gel, on travaille de 22 heures le soir jusqu’à 21 heures le lendemain non stop, car on doit protéger nos cultures et essayer de les sauver. Puis, dans la journée, on continue à travailler. Au taux horaire, on n’arrive pas au SMIC. Comment faire ? On a les emprunts à payer. Ils sont très importants. Il faut arriver à produire pour faire un chiffre d’affaires. Pour produire, il nous faut du personnel et il faut le payer, payer les charges sociales, MSA, etc. Et si on fait une bonne année, on peut se verser un petit salaire, sinon, on prend dans notre cagnotte privée et on renfloue notre compte professionnel en se disant que l’année prochaine, ça ira mieux.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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