Talion et Code noir

code noir

La loi du talion, c’est barbare ! Arracher un œil pour un œil éborgné ! Casser une mâchoire pour trois dents brisées ! Barbare, vous dis-je. Dans notre société du XXIe siècle, on n’a pas le droit de faire cela. Point final. Alors, le talion, c’est barbare.

Euh… à la réflexion, peut-être pas si barbare que cela. L’origine remonte aux Babyloniens, il y a 37 siècles. Et si l’esprit de cette loi existe encore aujourd’hui, c’est peut-être parce qu’elle n’est pas si mauvaise. En clair, le principe veut que l’on proportionne la riposte/punition à l’attaque. Talion vient du latin talis, qui veut dire « tel », « semblable », « pareil » : « œil pour œil », et non pas la vie pour un œil. Lorsque cette « loi » a été édictée, elle constituait un progrès formidable.

En écrivant ces lignes, je ne prône nullement la vengeance personnelle, hors loi, hors justice. Je dis simplement que, par rapport à la période où il n’existait rien d’autre que les poignards et les épées pour régler les différends, l’apparition du talion a « humanisé » les règlements de comptes.

De nos jours, on aimerait bien que ce principe soit appliqué par ces racailles qui vous plantent un couteau dans le ventre pour un regard prétendument mauvais ou une cigarette qu’on ne donne pas. Si ces andouilles appliquaient le talion, il y aurait moins de morts innocents. La barbarie, justement, c’est de se comporter comme avant Hammourabi, le roi babylonien qui a « inventé » le talion.

Le Code noir, c’est un peu pareil. Avant 1685, en matière d’esclavage, tout était permis puisque rien n’était interdit. Alors, Jean-Baptiste Colbert rédigea le Code noir que Louis XIV signa. Ce document est la première marche de l’escalier qui mène à l’abolition, 163 ans plus tard, par un homme a priori peu recommandable. Pour la première fois, les esclaves ont des droits et les maîtres des devoirs. Certes, les esclaves, propriété des maîtres, sont considérés comme des « meubles » et sont l’objet de multiples interdits (posséder, avoir des armes, se réunir, occuper un emploi public, commercer, etc.). Mais les droits qui leur sont reconnus – droit d’être nourris, habillés et soignés sous peine de poursuite du maître, d’être affranchis, de se constituer un pécule, etc. – ont probablement amélioré grandement leur situation. Les maîtres, de leur côté, sont tenus à des obligations – repos dominical pour les esclaves, interdiction d’utiliser les esclaves comme objets sexuels ou de les marier contre leur gré, interdiction de séparer les familles, enterrement religieux des esclaves baptisés (car il fallait en faire de bons chrétiens), etc.

En écrivant ces lignes, je ne défends nullement l’esclavage. J’observe simplement que ce Code a donné des droits à des êtres humains qui en étaient dépourvus jusqu’alors. Et ce ne serait pas un progrès ? Dans ces vociférateurs actuels qui tiennent le haut du pavé sur l’esclavage, combien ont lu le Code noir ? Combien parlent sans savoir, sans réfléchir, uniquement parce que c’est à la mode – n’est-ce pas, M. Ayrault ? Ceux qui taguent les statues de Colbert sont incapables, par inculture, par imbécillité, par bêtise, d’expliquer leur geste.

Jeunes gens, ne vous laissez pas manipuler : lisez le Code noir avec les lunettes de l’époque, lisez la vie de Colbert et après, après seulement, nous pourrons discuter de la question.

Yannik Chauvin
Yannik Chauvin
Docteur en droit, écrivain, compositeur

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