« Les Syriens nous demandent de cesser ces frappes et d’aider à la reconstruction ! »
"Ces frappes n'ont rien changé sur le terrain, sauf dans l'ordre symbolique : cela leur montre qu'une partie du monde occidental ne veut pas les entendre dans leur rejet des groupes islamistes ou para-islamistes.
SOS Chrétiens d'Orient, présent depuis longtemps en Syrie, n'a pas été convié à la réunion organisée par Emmanuel Macron sur la reconstruction.
Si la France n'a pas déclaré la guerre, alors il faut rouvrir notre ambassade et refaire une place à la France. Il faut soutenir les acteurs locaux.
Les Syriens ne veulent plus de cette guerre. Il est temps que les gouvernements étrangers poussent à la réconciliation, et pas à la guerre.
Il y a un avenir commun en Syrie. Les chrétiens sont une interface, un pont entre les communautés syriennes, une identité dans l'ouverture."
Une semaine après les frappes occidentales, que se passe-t-il concrètement pour les civils syriens que vous encadrez avec SOS Chrétiens d’Orient ?
Les civils syriens que SOS Chrétiens d’Orient essaye d’aider et de soutenir sont confrontés à deux choses. Sur le terrain, ces frappes n’ont rien changé, mais elles constituent un symbole important.
Cela continue à leur montrer qu’une certaine partie du monde occidental ne veut pas entendre leur voix. Ils en ont assez de cette guerre civile et du soutien massif d’une partie de la communauté internationale aux groupes islamistes ou para-islamistes, le quart de salafistes ou les trois quarts de magdalistes.
Aujourd’hui, ils veulent la paix et reconstruire leur pays. Pour cela, il faut qu’ils puissent, maintenant, avoir du soutien pour la reconstruction de leurs villes : Alep, Deir ez-Zor, Homs... C’est très important et c’est ce sur quoi il faudrait se concentrer.
Or, les frappes ont symboliquement montré que nous n’étions pas assez concentrés sur la reconstruction. Certes, Emmanuel Macron a acté qu’il avait donné cinquante millions d’euros pour la reconstruction de la Syrie. SOS Chrétiens d’Orient, qui est une des principales associations présentes depuis longtemps dans la partie gouvernementale de la Syrie, n’était pas convié à la réunion. Nous ne pouvons donc pas apprécier les projets qui seront mis en œuvre.
Les Syriens demandent à être entendus, écoutés et d’être soutenus dans ce qui leur importe, c’est-à-dire reconstruire leur pays.
La question de la présence et de l’aspect criminel ou non de Bachar el-Assad leur importe-t-elle ?
Le sujet n’est pas là. C’est un sujet médiatique occidental. En réalité, Bachar el-Assad et l’Armée arabe syrienne ont gagné la guerre en Syrie. Aujourd’hui, cette guerre doit se transformer en un processus de réconciliation nationale et de réconciliation dans les villes. Cela passe, bien évidemment, par la reconstruction.
Notre Premier ministre et notre président de la République ont affirmé que ces frappes n’étaient pas une déclaration de guerre à la Syrie et à son gouvernement. Cela veut donc dire que nous pouvons rouvrir notre ambassade à Damas, continuer à montrer l’influence de la France et y exercer le jeu diplomatique classique. Cela veut également dire qu’il faut soutenir les acteurs locaux engagés dans la reconstruction des villes que j’ai citées tout à l’heure.
Il est important de comprendre que la population syrienne ne veut plus de cette guerre. Tous ceux qui maintiennent cette guerre sont des influences étrangères. Il est temps que les armes et les financements se taisent.
Un avenir commun à toutes les sensibilités syriennes est-il possible ?
Cela appartient aux Syriens, mais je pense que oui. Je pense, notamment, que la communauté des chrétiens pourrait être le grand opérateur de cette réconciliation. Les chrétiens ont toujours été cette interface entre les communautés, cette identité dans l’ouverture au sein même de leur pays. Cela me paraît évident.
Si le monde associatif et si les gouvernements doivent pousser à quelque chose, ce sera à la réconciliation et non à la guerre. Factuellement, ce sera aux Syriens de le faire dans leur modalité vis-à-vis de leur héritage.
Nous devons cesser les frappes, les bombardements, l’accumulation des condamnations, l’alignement des lieux communs et l’ouverture de pseudo-expertises. Nous devons, au contraire, aider à la reconstruction de la Syrie, aider les pays déjà présents au cœur de cette reconstruction et refaire une place à la France dans le bien, dans la construction, dans l’éducation, dans le soutien aux églises, à la tolérance et à la liberté religieuse au sein même de la Syrie. C’est ce que ce pays et ce peuple nous demandent.
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