Syrie : les chrétiens toujours en danger ?

Moment of Devotion

Dimanche 24 juillet, une attaque au drone-suicide a tué au moins une personne et blessé une dizaine d’autres lors d’un rassemblement chrétien à Squelbiyeh, petite ville située au nord-ouest de la Syrie. Alors que les fidèles se rassemblaient pour célébrer la consécration de la nouvelle église Sainte-Sophie - réplique miniature de la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul, transformée en mosquée par le président turc Erdoğan en 2020 -, un drone chargé d’explosifs est venu s’écraser juste à côté de l’église. Non revendiquée jusqu’alors, il y a de grandes chances pour que cette attaque soit le fait de groupes armés islamistes, encore présents dans la région. Cette nouvelle attaque contre des chrétiens d’Orient n’a pas suscité beaucoup d’émotion en Occident ; celle-ci donne à Boulevard Voltaire l’occasion de s’interroger : après onze ans de guerre civile, les chrétiens vivant en Syrie sont-ils, désormais, en sécurité ?

 

Guerre civile syrienne : les chrétiens en première ligne ?

Benjamin Blanchard est le directeur de SOS Chrétiens d’Orient, une ONG engagée pour la défense des chrétiens du Levant. Pour Boulevard Voltaire, il revient sur cette attaque au drone survenue à Squelbiyeh. « Squelbiyeh a cette particularité d’avoir résisté pendant des années aux groupes armés. Ses habitants ont pris les armes aux côtés de l’Armée arabe syrienne et des soldats russes face aux factions djihadistes, affirme-t-il. Aujourd’hui, bien que la ligne de front ait été repoussée au nord, il reste quelques groupes rebelles affiliés soit à la Turquie, soit à Al-Qaïda. » En plus des attaques armées qu’elle a subies, certains habitants de la ville de Squelbiyeh ont aussi été victimes d’attaques médiatiques en France, notamment par Mediapart qui, en s’en prenant à SOS Chrétiens d’Orient, a accusé ses milices de défense d’avoir commis des crimes de guerre. Pour Benjamin Blanchard, ces assauts médiatiques « sont des blancs-seings qui font dire aux groupes armés "nous pouvons les bombarder puisque ce sont des méchants !" »

Tout au long de la guerre civile syrienne, la majorité des chrétiens du pays s'est rangée derrière le gouvernement de Bachar el-Assad ; ceci expliquant pourquoi ces derniers ont été et pourraient continuer d’être des cibles prioritaires des terroristes islamistes. Selon le grand reporter Régis le Sommier, qui a couvert le conflit à de nombreuses reprises, la situation des chrétiens d’Orient est de moins en moins critique depuis la reconquête d’une grande partie du territoire syrien par le régime. « Les djihadistes ont énormément ciblé les chrétiens de Syrie pendant la guerre. Leur slogan disait « Les alaouites au tombeau et les chrétiens à Beyrouth ! » Ils ont aussi été accusés d’être les collabos du pouvoir. Cela remonte à une stratégie ancestrale des chrétiens d’Orient, autrefois majoritaires puis devenus une minorité avec l’expansion de l’islam. Pour survivre, il fallait se placer du côté du pouvoir. Cela s’est vérifié en Syrie, mais aussi en Égypte et en Irak ! » La reprise des zones perdues par l’armée syrienne et l’armée russe a donc permis d’éloigner la menace terroriste des villes chrétiennes. Toutefois, comme cela s’est vu avec l’attaque de Squelbiyeh, ces dernières semblent attiser les désirs revanchards de certaines factions armées, pas encore totalement éradiquées.

Chrétiens de Syrie : sécurité militaire mais insécurité alimentaire ?

En juin 2020, le Congrès américain fait entrer en application la « loi César », un paquet de sanctions économiques particulièrement dures destinées à asphyxier la Syrie. Appliquées sans concession, ces mesures avaient fait dire à l’économiste syrien Samir Aita que « si la loi est appliquée à la lettre, cela équivaudra à l’imposition d’un embargo contre la Syrie. Et comme toujours, c’est l’homme de la rue qui sera le plus affecté. » Évidemment, les chrétiens du pays n’y ont pas échappé. Selon Benjamin Blanchard, « ces sanctions font que la vie actuelle est parfois plus difficile que pendant la guerre ; il y a des pénuries d’essence, de pain, de blé, de tout en fait ». Il ajoute : « La situation militaire s’est améliorée, mais si l’on n'a pas de quoi manger, ça ne sert à rien d’être en sécurité. Ces sanctions sont extrêmement dures et contraignent les gens à quitter le pays… »

Après onze ans de guerre civile aux conséquences désastreuses, la Syrie est parvenue à retrouver un semblant de paix suite à l’intervention russe de 2015. Mis à l’épreuve par des combats incessants, les chrétiens du pays peuvent aujourd’hui respirer un peu, mais subissent, comme le reste de la population, les effets pervers de l’embargo économique imposé par les États-Unis sur la Syrie de Bachar el-Assad. Si le quotidien des chrétiens syriens n’est plus hanté par le bruit des bombes, il n’en reste pas moins que leur situation reste très instable et leur vie peut encore basculer à tout moment, comme en témoigne l’attaque de Squelbiyeh.

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