Son odeur après la pluie : pourquoi la cause animale fait fondre le cœur des Français

Le chien de Cédric Sapin Defour
Le chien de Cédric Sapin Defour

Avec plus de 300.000 exemplaires vendus, Son odeur après la pluie est indiscutablement l’un des plus grands succès littéraires de ces derniers mois. Publié en mars 2023 aux Éditions Stock, l’histoire d’amour - car c’est ce dont il s’agit, un amour pur et véritable, entre l’auteur Cédric Sapin-Defour et son bouvier bernois Ubac - a bouleversé le cœur de milliers de lecteurs français et sans doute, parmi eux, des lecteurs de BV. Et pour une raison simple : cette épopée sentimentale nous humanise en réalité et déculpabilise les Français de leur amour puissant, et non benêt, pour leurs « bêtes ».

Revenir à l’essentiel

« Une autre vie va me rejoindre, elle va cuirasser et exposer mes lendemains. Il s’en fichera de beaucoup, de mon rang, de mes richesses, de mes vertus et de mes manques […] Nous réduirons ensemble cette existence au luxe de l’essentiel. » C’est dans ces mots, avec la finesse d’une plume que nous ne connaissions pas encore à l’auteur, que Cédric Sapin-Defour conte sa rencontre avec Ubac, un bouvier bernois, race courante dans les montagnes savoyardes devenues terrain de jeu pour cet alpiniste. Accueilli après la période nécessaire de sevrage maternel, l’auteur revient avec nostalgie sur ce jour de 2004 où « à cette minute précise, ce chien m’a choisi ». Quiconque possède un animal de compagnie s’y retrouvera : il y a ce jour où nous avons laissé de petits yeux bruns sous un manteau de poils entrer dans notre foyer.

Une vie faite de l’essentiel, et d’un luxe simple que l’auteur souhaite opposer à une époque décivilisée où le progrès, le matérialisme, l’artificialisation des liens ont fini de séparer l’homme de la terre : celle qu’Ubac foule quotidiennement en s’y extasiant, lui, de tout. Voilà à quoi le bouvier héros de ce livre a ramené son maître : à des sentiments simples, à la pureté des liens entre vivants et à la force des relations profondes faites de loyauté, de fidélité et d’amour. « Il voyagera dans […] mon existence sans jamais céder à notre histoire un pouce de sa loyauté, sans me juger, prêt à donner la sienne si nécessaire. »

Sa vie pour la sienne

« Qui un jour […] a décrété que l’animal était à ce point distant de l’homme, et que tout rapprochement était sot ? L’homme, pardi. Ériger la toise, se dire le plus grand, voilà un jeu aux règles bien pipées. » Sans jamais tomber dans un anthropomorphisme exagéré, Sapin-Defour ne cache pas, à travers les lignes, son mépris assumé pour une vision trop verticale du rapport aux animaux. Ubac a ramené son maître à « l’horizontale », physiquement avec le temps passé au sol, à sa hauteur, mais aussi philosophiquement : si l’auteur affirme la différence entre l’homme et l’animal, il ne croit pas en la supériorité de l’un sur l’autre (on n'est pas forcé d'être d'accord). Et voit dans l’action héroïque de son chien, le jour où ce dernier l’a protégé de deux agresseurs, le signe d’une valeur qui transcende toute espèce vivante : le sens du sacrifice, « Ubac est prêt à mourir pour moi ». Et de rappeler que si l’animal est un passage dans la vie de l’homme, pour le chien, l’homme est toute sa vie.

Puis il y a la mort, la séparation, la fin. Une fin qui secoue tant le lecteur que les larmes lui échappent. « Le jeudi 13 juillet 2017, autour des 13 heures, je pense, Ubac est mort », dans un style camusien s’ouvre la partie finale du roman. « Je ne vais faire que ça, désormais : chercher partout ces yeux qui me cherchaient partout. »

Un récit d’un deuil extrêmement éprouvant qui rejoint la question posée par l’auteur : « Aimer sans certitude de l’être en retour… je me demande si l’on ne tient pas ici la définition de l’amour véritable. » Un amour véritable pour les animaux qui signe au fond un regain d’humanité, et de civilisation : car rien n’est plus humain que d’aimer.

Jordan Florentin
Jordan Florentin
Journaliste à BV

Vos commentaires

18 commentaires

  1. C’est un plaisir de découvrir sur BV un article favorable aux animaux ! Ceux-ci me consolent du genre humain et je souffre de savoir qu’ils ne sont pas respectés, pour maintes raisons et dans trop de domaines… La compassion et l’amour dont on les gratifie sont d’ailleurs des marqueurs de civilisation. Il suffit de s’informer pour savoir dans quels pays les chiens, principalement, sont haïs. Merci aux écrivains de contribuer à faire connaître et aimer les animaux – se souvenir de Colette… Et aujourd’hui C. Sapin-Dufour. Livre à conseiller de 7 à 77 ans…

  2. Mon chien aussi m’a sorti d’une agression et d’autres chiens m’ont empêché d’être cambriolé en mettant les voleurs dehors, de 45 ans de vie avec une meute je ne saurais quoi écrire tout me paraissant tellement naturelle les chiens se sentant humains et les humains se sentant aussi un peu chien nous étions quoi qu’on en dise une famille et comme dans toutes les familles il y avait quelquefois des désaccords et des disputes, mais contrairement aux humains vite oubliés et on continuait à s’aimer. Ma dernière chienne aussi vieille que son maitre et assez mal en point un peu comme le maitre si bien chacun se demande angoissé pour l’autre qui laissera l’autre le premier. (pour tout dire je préfèrerai que ce soit ma chienne même si nous nous adorons)

  3. C’est très beau ce que dit cet auteur . J’ai eu trois chiens dans ma vie dont le dernier m’accompagne encore . J’ai choisi de les sortir le plus possible ce qui m’a été permis dans un premier temps par la proximité d’un bois . C’est un animal qui vous remet les pieds sur terre si on s’y consacre un peu. Ce n’est pas pour moi une peluche pour la famille pour faire paisir à ses enfants . J’ai pris le parti de les sortir dès que je peux souvent trois fois par jour .c’est un rite que je me suis imposé qu’il vente pleuve, gèle ou neige . Cela m’a permis de me réconcilier avec la nature . Du coup cela m’a mis une certain pression qui s’est avérée bénéfique . Pression parce qu’un animal que l’on a habitué à sortir attend cette sortie , et bénéfique parce que je m’impose cette sortie quelque soit mon état et surune période de 30 ans ,remplacé qelques fois par ma femme, cela fait quelques pas en compagnie de chiens toujourss heureux de sortir et cela jusqu’au bout de leur vie . Et le chien, de plus, nous permet de rencontrer des inconnus et de lier des relations que nous n’aurions pas eu sans lui .

  4. L’amour d’un animal envers ses maitres est une chose immense ,et une pensé aussi à tous les animaux que l’ont tue dans des souffrances abominable dans les abattoirs .

  5. J’ai perdu mon caniche, qui est parti pour le paradis des chiens, il y a 7 mois, à l’âge de 15 ans et demi. Je « cherche toujours partout ces yeux qui me cherchaient partout ». Il nous a quitté au moment où j’étais au téléphone. je me sens coupable de ne pas avoir été là, pour lui tenir la patte en ce moment là. Son copain, le chien de mon conjoint, lui aussi le cherche toujours. Faire le deuil d’un chien est aussi dur que de faire le deuil d’humain. Il n’y a rien de honteux à cela. Les animaux de compagnie font partie de la famille, je dirais de la meute familiale. En effet, « si l’auteur affirme la différence entre l’homme et l’animal, il ne croit pas en la supériorité de l’un sur l’autre », pour moi, l’auteur a parfaitement raison. Parfois même, ceci dit, je me demande si l’animal ne ait pas mieux aimer qu’un humain.

  6. Bizarre cette horizontalité. Je sais bien qu’il y a des nourritures autres qu’alimentaires, mais qui donne à manger au chien et, par là, mets en place sa supériorité car sans alimentation on meurt. Tout ça n’est pas vraiment horizontal.

  7. Comme disait Montaigne : « parce que c’était lui, parce que c’était moi » pour comprendre ça il faut avoir eu des chiens, ils vous donnent leur amour et ne demande rien en échange

  8. Pour ceux qui ont un chien un conseil lisez ce livre ! Vous vous y reconnaîtrez, le lirez d’une traite et verserez des larmes d’amour.

  9. Je suis agréablement surpris de trouver ici un texte mettent en valeur le respect et l’affection envers les animaux.
    Peut-être oubliera-t-on, à BV, les partisans des ignominies que sont la corrida et de la chasse…

    • Partager sa vie avec son chien est une chance, un cadeau que ne peuvent soupçonner celles et ceux qui en sont privés ou ne le désirent pas.
      Mon ami à quatre pattes, cette boule de poils qui me cherche en permanence, c’est mon réconfort quotidien. Mon cauchemar, alors qu’il assume ses 16 années et demies de vie à mes côtés, ce sera de poursuivre sans lui dans quelques années, mais le plus tard possible.
      Amour inconditionnel, brut de décoffrage.

  10. Ceux qui ici prétendent défendre la cause animale ne sont que des hypocrites bien silencieux sur l’abattage rituel . En effet on ne les entend jamais sur la souffrance que ces bêtes subissent . Tous les animaux méritent qu’on les respecte .

    • Je crois avoir ici dit fréquemment ce que je pensais de l’abattage rituel. Il me semble que c ‘est un acte odieux. De même que la chasse. Il est vrai, que, oh horreur pour nombre d’humains, en plus, je suis végétarienne (non végane, je mange des oeufs!)

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