Scandale des maisons de retraite ORPEA : obsession de la rentabilité et inhumanité

ehpad

C’est le nouveau scandale qui agite, depuis mardi, le Landerneau politique : la sortie de Les Fossoyeurs, un livre du journaliste Victor Castanet, fait l’effet d’une bombe dans la campagne. C’est « le scandale ORPEA », le leader mondial du secteur de la dépendance.

Le journaliste y dépeint un monde où l’obsession de la rentabilité serait devenue synonyme de maltraitance : des chambres à plusieurs milliers d’euros, une publicité digne des grands palaces mais, au quotidien, le rationnement des couches et de la nourriture et le délaissement des pensionnaires dans la souffrance et la solitude.

Le cours d’ORPEA a dégringolé en Bourse, chutant de 30 % en deux jours. La classe politique, qui semble découvrir la Lune, se dit effarée. Le ministre Véran s’agite, repasse la patate chaude à sa ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon. « Je vais convoquer la direction d’Orpéa pour des explications et, avec Olivier Véran, on se réserve la possibilité d’une enquête indépendante sur ces faits graves s’ils sont avérés », a dit la dame. Dont acte.

Une fois de plus, on se pose la question : où vivent donc ces gens-là pour ignorer ce que tout le monde sait ? N’ont-ils jamais eu à se soucier d’un proche âgé ? Ne connaissent-ils personne de concerné, dans notre France qui compte 20,7 % de seniors (+ de 65 ans) et déjà 26.000 centenaires (l'INSEE estime qu'ils pourraient être plus de 75.000 en 2040) ?

Curieusement, personne encore, parmi les candidats à la présidentielle, n’a voulu aborder cette question, sans doute parce qu’elle est synonyme de dépenses colossales. Sans doute, aussi, parce qu’on ne l’aborde que sous cet angle financier, se gardant bien de réfléchir au premier des scandales qui est la déshumanisation de nos sociétés.

Pour y réfléchir, justement, Dimitri Pavlenko a fait du grand âge le thème de son débat, ce 26 janvier, sur Europe 1. Parmi les invités, Guillaume Bigot a pointé les ravages causés par la pandémie, mettant en lumière ce paradoxe qui a consisté à transformer les EHPAD en prisons au prétexte de protéger les résidents d’un virus : « Les EHPAD étaient le lieu où les gens risquaient d’être contaminés et celui où ils ont été enfermés au nom de leur vulnérabilité, le lieu où les gens n’ont pas pu dire adieu avant de partir et où les gens n’ont pas pu faire leur deuil » dit-il. « On est toujours dans une approche de solidarité froide. On va parler de milliards d’euros quand la réalité ce sont les couches, la solitude, les gens qui pleurent parce qu’on les empêche de voir leurs enfants. »

Il faut réfléchir ensemble à la manière dont nous voulons vieillir. Or, dit encore Guillaume Bigot, la vieillesse telle qu’on nous l’offre aujourd’hui, « c’est le cadeau empoisonné de la science et de la médecine ». Qu’importe comment l’on vit, il faut juste ne pas mourir. On ranime, on « récupère » des gens qui ne peuvent plus échapper à la dépendance. Les chiffres sont là : « La moitié des dépenses de santé, c’est la dernière année de vie. Quand on rentre dans un EHPAD, on a trois ans et quatre mois d’espérance de vie. »

La pandémie a mis ce problème des EHPAD en lumière, « cela rejoint le problème de l’hôpital et l’aspect incompréhensible de l’absence de vision du gouvernement, et de l’Occident, sur le vieillissement des populations ». On rappellera ici le drame épouvantable qui s’est déroulé au Québec, en avril 2020, où 31 résidents d'une maison de retraite sont morts en l'espace de deux semaines alors que le personnel soignant s’était enfui par peur du coronavirus. Le loyer dans cet EHPAD était de 3.000 à 10.000 dollars par mois.

Non seulement cette pandémie a révélé l’inhumanité et l’absence de réflexion sur ce qui est un problème majeur de nos sociétés, mais elle a, par la gestion calamiteuse qui en est faite, dressé les générations les unes contre les autres : on prive les jeunes de liberté pour protéger des vieux que finalement on maltraite !

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

65 commentaires

  1. J’ ai connu beaucoup de familles qui gardaient  » leurs vieux  » chez eux, même des familles dites nombreuses. C’ était leur choix, leur joie et leur honneur, leur existence était difficile
    les femmes travaillaient 20 h / jour les hommes, travail jardin ou travail au noir, dur très dure la vie mais les gens souriaient, chantaient, dansaient dans tous les cafés les samedi soir et dimanche C’ étai la France, c’ était mon pays envié dans le monde entier
    On ne rit plus ni ne danse ni ne chante

    • Votre commentaire est le plus VRAI car il ne dénonce pas DES responsables ,mais met en lumière ce que sont devenus Nos Peuples en Occident:des producteurs de fric pour le fric .On ne sait plus SE réaliser soi même ,si ce n’est que par la société de consommation. Nous sommes tous responsables car nous préférons notre confort au nom soit-disant de la Liberté…et on oublie de préciser laquelle : notre Liberté INDIVIDUELLE.

  2. J’ai travaillé en remplacement peu de temps dans une maison de retraite faisant partie d’un hôpital dans le 06. Des collègues m’interdisaient d’aider les personnes qui avaient des difficultés pour manger, pour couper leur viande. Couches obligatoires, repas rationnés, cet article montre bien ce qui se passe dans les maisons de retraites. J’en suis profondément écoeurée depuis fort longtemps

  3. Un article criant de vérité ! Tous les EPADH font ainsi. J’ai fait un stage il y a de cela plusieurs années de quelques jours dans une maison de retraite dans le 06 proche de Monaco, des mamies avaient de la m…e (excrément) sous les ongles, ils faisaient la queue pour aller aux toilettes (qui n’étaient pas fermées à clef). Tous les Epadh sont des mouroirs. Au moment voulu je choisirai le suicide car je ne veux pas mettre les pieds dans un EPADH

  4. QUESTION : Qui peut se payer ces maisons ? quant un ouvrier, un retraité touche à peine de quoi se nourir, même un cadre n’en a pas la possibilité. De fait cela fait des années que tous les politiques sont au courant; les études et rapports sont là, et qui les a lus ?

  5. Tout cela est bien gentil, mais… que font, qu’ont fait les familles ???
    Si (avant les restrictions aux visites imposées depuis la pandémie) les pensionnaires des Ehpad avaient été visités un peu plus souvent par leurs enfants, on n’en serait pas là !
    Il serait intéressant d’avoir des statistiques à ce sujet, cela pourrait même expliquer, au sein d’un même établissement, la différence de traitement entre résidents »suivis » et « abandonnés » par leurs proches.

  6. c’est bizarre, ce que tout le monde sait, sauf nos « élites » ! Comment peut-on imaginer que faire de la rentabilité financière sur les plus vulnérables puisse être « éthique » ? On a parlé de couches, pudiquement appelées « protections » par ce réflexe de la novlangue qui cherche avant tout à masquer le réel mais un autre scandale est possible : l’utilisation des sondes urinaires pour « traiter » l’incontinence de gens que l’on met au lit à 19h30 pour les lever le lendemain matin à 7 heures…(vécu) !

  7. Si cette révélation tragique pouvait susciter une prise de conscience quant à la place accordée aux parents et anciens dans notre société. La plus haute des solitudes (voire de maltraitances) est donc dans ces prisons  » dorées « . Quelle honte de délaisser ainsi ses aînés !

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