[Satire à vue] Ramadan Story : quand le jeune jeûne et vole un scooter

Au palmarès de la pire excuse entendue dans un tribunal, les deux personnages concourent dans la catégorie « vol de scooter ». Face au juge de Mulhouse, la compétition s'annonce serrée. Identifiés grâce l'exploitation de la caméra de surveillance disposée dans la cour du plaignant, les deux lascars sous OQTF sont arrêtés à Saint-Louis (Moselle) alors qu'ils venaient de voler son scooter. Jusque-là, rien ne les prédispose à monter sur le podium. Ce serait mal connaître nos deux compétiteurs. Leur botte secrète pour finir tout en haut du classement réside dans la raison artistique pour laquelle ils se sont laissés aller à ce larcin, que la cour pardonnera au vu des circonstances tout à fait exceptionnelles. Voilà les faits, monsieur le juge.

Revenant à pied de la commune de Bartenheim sous un soleil écrasant, laminés par la faim et la soif dues au ramadan qu'ils observaient scrupuleusement, les deux héros étaient fatigués. Oui, monsieur le juge. Épuisés, au bout du rouleau, presque inconscients. Constatant que l'argumentaire se limite à cet état de faiblesse physique, les personnes présentes dans la salle d'audience brandissent leurs cartons de notation : 10 sur 10. À l'unanimité. Jamais pire justification ne fut présentée devant un tribunal français. Bouquet de fleurs, bises, médaille, etc. En récompense de cette prouesse narrative, l'un écope de cinq mois ferme et le second de douze mois du même métal. La cour a été sensible à la faiblesse de la brève plaidoirie avancée par les deux mis en cause.

En coulisses, greffier et avocat de la défense tentent de comprendre l'enchaînement de hasards malheureux qui a abouti à cet escamotage de deux-roues. Alors, récapitulons. À bout de force, le premier tombe sur le scooter. Par inadvertance, sa main touche le bouton actionnant le démarrage du véhicule. À ce moment, son comparse arrive et s'écroule sur l'antivol. Il cède. Croyant faire tourner un robinet d'eau qui viendrait étancher sa soif, celui qui est allongé quasiment inanimé sur la selle du scooter actionne la poignée des gaz. L'engin part, emmenant les deux passagers en état de mort cérébrale. Alors que, dans un dernier sursaut de lucidité, ils tentent de diriger le deux-roues vers les urgences, une panne d'essence survient, les obligeant à abandonner leur vaisseau de survie dans une rue de Saint-Louis. Oui. L'erreur judiciaire ne fait plus aucun doute. L'avocat est pris de remords, il pouvait alerter la cour sur les risques d'une condamnation islamophobe. Renvoyer dans les cordes le flagrant délit au profit d'un acte de désespoir. Le propriétaire du scooter poursuivi pour racisme... Le grand jeu, la corde vibrante de la stigmatisation et tout le tralala... Trop tard : les deux lauréats quittent la salle sous les applaudissements du public. « Ramadan Story », saison 1. Un triomphe !