Sarkozy : ses leçons à Macron. Et à la droite de demain

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Il ne faut jamais insulter l'avenir. À commencer par le sien. Celui du président de la République non plus. Nicolas Sarkozy, qui sait tout cela sur le bout des doigts, commence donc sa grande interview politique au JDD par rappeler qu'il a soutenu Emmanuel Macron pour sa réélection en mai dernier. Les lecteurs hâtifs n'ont reconnu que cela, à commencer par les LR qui découvrent l'infidélité de celui qui fut leur héros.

Pourtant, ce n'est pas le plus important des propos de l'ancien Président. Son analyse de la situation politique vaut le détour, à un moment où Emmanuel Macron, sans majorité absolue et en panne de popularité, commence son second quinquennat dans une position de faiblesse. Et c'est là que les conseils du vieux renard prennent toute leur saveur. Il rappelle, jouissif, que lui n'a jamais utilisé le 49-3 et dessine la seule voie possible pour l'actuel Président : « Il est dans la position d’un chasseur qui n’a pas une ressource infinie de munitions. Emmanuel Macron n’est pas faible parce qu’il utilise le 49-3 : il est affaibli parce qu’il n’a pas eu la majorité absolue. Le 49-3 n’est pas la seule solution. Il pourrait également chercher à faire un accord politique en bonne et due forme avec toutes les bonnes volontés prêtes à constituer une majorité dans l’intérêt supérieur du pays. » Ce fameux accord avec le petit groupe LR qui n'a pu être obtenu au début de la session parlementaire et qui a peu de chance de l'être vu les débats de la semaine dernière. À demi-mot, Nicolas Sarkozy souligne l'impasse politique d'Emmanuel Macron. Et, s'il n'y a pas accord, c'est qu'Emmanuel Macron « reste au milieu du gué », « ne franchit pas le Rubicon » : « Ce sont les inconvénients du "en même temps". »

Et Nicolas Sarkozy dispose d'arguments de fond pour montrer la faiblesse politique de son successeur, ne serait-ce qu'en comparaison de ses réalisations à lui : réforme des retraites de 2008, nucléaire, OQTF, rôle de la France en Europe face à la Russie. La promotion de son propre bilan lui permet de dresser la liste de ceux qui paralysent l'action du Président. Sur les retraites ? « Ceux qui expliquent cela, ce sont ceux qui ne veulent en réalité pas passer du tout ? (...) leur discours n’a pas changé. Il s’agissait déjà de M. Bayrou, des socialistes, de la CFDT… » Mais Nicolas Sarkozy a une autre liste dans sa poche : « Ce qui a été fait à la filière nucléaire française disqualifie à mes yeux toute personne qui a été associée à ces choix. »

Ces leçons valent en fait pour une nouvelle majorité de droite : elle devra être courageuse et sans concession. Car son retrait des affaires et son expérience donnent à Nicolas Sarkozy une certaine lucidité : « La France est aujourd’hui majoritairement du côté du parti de l’autorité, de la fermeté, de la liberté. Appelez cela centre droit, centre, droite républicaine, peu importe : l’axe stratégique du pays se trouve ­clairement là. » Pour le moment, il feint de croire que Macron peut encore incarner cet axe. Mais, prisonnier de son « en même temps », de sa majorité relative et de son impopularité, celui-ci ne le peut plus. Quant à Nicolas Sarkozy, reste-t-il prisonnier d'un anti-lepénisme primaire ? Dans les mots du JDD, oui, encore, se contentant de rappeler que les seules fois où un Le Pen ne fut pas au second tour, ces 25 dernières années, c'est quand il était candidat. Dans la réalité, sa plasticité devrait lui permettre de reconnaître que l'axe majoritaire qu'il a identifié pourrait très bien trouver son incarnation de ce côté-là. N'a-t-il pas déjeuné avec Éric Zemmour, début septembre ? Il ne faut jamais insulter l'avenir.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

59 commentaires

  1. Si Sarko a été efficace dans ses réformes c’est qu’il a eu Fillon pendant 5ans 1er ministre, soutenu mordicus par toute la droite parlementaire (à tel point que lorsqu’il a voulu s’en séparer à mi-mandat, Sénat et AN de droite s’y sont opposés). Le même Fillon qui lui a foutu une déculottée en 2017.

  2. Tiens, je le croyais retiré de la vie politique.  » France majoritairement du parti de l’ autorité », lui qui fit la promotion d’ engin de nettoyage industriel….Il n’ a jamais passé ne serait-ce que le balai. Et il va courtiser Macron? Après l’ avoir soutenu avec Mr Woerth? Puis après déjeuner avec Zemmour? En fait, au sommet d’ un clocher , il serait peut être utile? Comment ne pas comprendre que les LR ( purs et durs et fiers de leurs principes et pays) se soient détournés de lui? L’ effet zig-zag en politique, se paie.

  3. Il est indécent d’accorder le moindre intérêt à ce personnage pitoyable. Il a vendu la France aux Américains en réintégrant l’organisation militaire de l’OTAN, allant jusqu’à les singer en débaptisant son parti. Il a commis un déni de démocratie concernant l’Europe. Il a dynamité son parti en s’accoquinant avec la Gauche. N’en jetons plus !

  4. Bonnet blanc et blanc bonnet avec Macron ! Eternel donneur de leçon, traitre à la nation (piétinement du vote des français en 2005)…Cherchons plutôt comment celui-là aussi a pu arriver au pouvoir ! Et pourquoi les LR sont tellement macroncompatibles !

  5. Soutien inconditionnel de Macron ? effectivement dans l’imbroglio juridique dans lequel il patauge depuis des années comment ne pas être du bon côté du prétoire , tout en égratignant au passage les orientations de la politique de son ami avec parcimonie.

    Il a donné le ton à la politique en son temps en passant outre les volontés et votes des français, puis Hollande s’est engagé dans la brèche, et Macron a ouvert les vannes.

    Merci M. Sarkozy pour vos conseils , mais ils n’ont plus aucun écho dans le bon peuple.

  6. Ou comment un parvenu trahi son camp, après avoir abusé de certains électeurs RN en 2007. Comment il essaye de survivre politiquement en jouant les « vieux sages » mais il n’abusera pas les gens sensés. Quoique chez les LR l’opportunité est la priorité et le RN leur est donc toujours honni , voir les ralliements et ceux à venir à Macron, et leur ralliements à celui-ci. Pauvre France devrais-je dire, mais ça n’est pas le cas, car comme on fait son lit on se couche.

  7. Nicolas Sarkozy, ce personnage exceptionnel connu pour avoir terrassé la Dame du Poitou. Quel exploit!
    On n’oubliera toutefois pas qu’il a ensuite été vaincu par le Capitaine de Pédalo. Quelle humiliation!
    Le portrait ne serait pas complet si l’on oubliait de rappeler la déculottée que lui a mise son ancien « collaborateur » lors des primaires de la droite en 2017.

  8. Le fait est certain : le pire président que nous ayons eu depuis Le Gal De Gaulle c’est Macron ! Beaucoup diront que chaque époque est particulière , avec son lot de problèmes à résoudre, de difficultés d’ordre différent, mais une chose est certaine, ce que De Gaulle avait à reconstruire, Macron l’a déconstruit. Quant à Sarkozy on peut lui accorder d’avoir su gérer, suite à la faillite Lehman Brothers, pour Macron le pire reste à venir, encore qu’il ne soit hélas trop tard !

  9. Après avoir trahi le mouvement LR, il veut maintenant le voir disparaitre. En passant des « accords » avec Macron les rescapés du parti deviendraient invisibles, et les d’adhérents qui restent iraient porter leur voix à MLP. Alors que la majorité de la France est à droite, tous les sondages le prouvent, il n’y aurait plus que la gauche, les macronistes au centre gauche, un énorme trou droite et « l’extrême droite » qui, grace à cela va prendre de plus en plus d’importance.

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