[Tribune] Justice : de la « protection » des mineurs à l’encouragement au crime

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Ces dernières semaines, la rubrique habituelle des « faits de société » interroge par le profil extrêmement jeune des suspects. Le fait de société en date est d’ailleurs le plus insupportable parce qu’il aurait dû être évité : à Châteauroux, Matisse est mort à 15 ans, tué par un mineur afghan, arrêté puis relâché une semaine avant le meurtre. Quelques jours auparavant, Philippe Coopman était assassiné lui aussi… par erreur. Pris pour un autre, ce sont encore trois mineurs qui sont les principaux suspects du meurtre. Début avril, Fatah, un ingénieur cinquantenaire toulousain, a été égorgé par le petit ami de sa fille au cours d’une altercation banale lors d’un déménagement. Le suspect a 15 ans et il se promenait avec un couteau sur lui, comme tant d’autres mineurs et majeurs en France.

Un effet de loupe journalistique ?

L’impression générale du public sur la jeunesse des criminels trouve un fondement statistique. En effet, d’après les chiffres du ministère de la Justice cités par un rapport sénatorial, le nombre de crimes et délits commis par des mineurs a tout simplement explosé sur le temps long : 98.864 mineurs étaient mis en cause par la police en 1992, contre 190.127 en 2019. Et au-delà de l’inflation statistique, cette délinquance des mineurs s’aggrave. Toujours sur le temps long, il y aurait 11 fois plus de mineurs condamnés pour violences sexuelles en 2010-2011 qu’il n’y en avait en 1984-1985, selon une étude du chercheur Laurent Mucchielli de 2014. Une autre étude de l’Observatoire national de la réponse pénale révélait que le nombre de mineurs mis en cause entre 1996 et 2018 pour coups et blessures volontaires avait augmenté de 124 %. La hausse est vertigineuse et justifie l’intuition que ressent la société française dans son ensemble selon laquelle « les jeunes sont de plus en plus violents ».

La justice des mineurs : éducation contre répression

Face à une telle augmentation de la criminalité, il est plus que légitime de se poser des questions sur le fonctionnement de la justice pénale des mineurs.

Les principes actuels de la justice des mineurs ont été posés par une ordonnance de février 1945. Son idée directrice ? La primauté de l’éducation sur la répression. En effet, selon l’article 2 de cette ordonnance, la justice pénale des mineurs ne prononce en principe que des mesures éducatives. Pour une peine classique, le tribunal doit prévoir une motivation spéciale. Conséquence de ce principe : les mineurs bénéficient donc de tout un tas de protections spécifiques comme l’excuse de minorité (qui divise la peine par deux), la quasi-impossibilité de prononcer une détention provisoire à moins de 16 ans ou l’impossibilité de prononcer une expulsion du territoire pour un mineur étranger.

Mais au vu des chiffres, ne peut-on pas se dire que cette méthode n’est pas la bonne ? Sous prétexte de protéger les mineurs, cette ordonnance, par son angélisme, n’encourage-t-elle pas la commission de crimes et délits ?

Une révolution pénale

Pour stopper la violence entre mineurs, un durcissement de la justice des mineurs est désormais la seule réponse possible. L’excuse de minorité, qui divise les peines par deux, doit être limitée, même si cela ne réglera largement pas le fond du sujet. Les mineurs de moins de 15 ans, lorsqu’ils sont soupçonnés de délits graves, doivent pouvoir être placés en détention provisoire, les mineurs étrangers et leurs parents doivent pouvoir être condamnés à une expulsion pure et simple. En 2021, le gouvernement a eu une occasion en or de modifier en profondeur la justice des mineurs en créant un « Code de la justice pénale des mineurs ». Malheureusement, cette réforme d’ampleur n’aura accouché que d’un copier-coller de l’ordonnance de 1945, à ceci près qu’un nouveau système a été mis en œuvre : la césure du procès. Désormais, le mineur est jugé en 2 temps, d’abord sur sa culpabilité, puis sur la peine qui lui sera attribuée. C’est un soupçon de laxisme supplémentaire dans un océan de laxisme pré-existant.

Si cette réforme avait rendu possible la mise en détention provisoire d’un mineur de 15 ans en cas de délit - ce qui n’est pas possible depuis 1945 - alors l’agresseur de Matisse aurait pu être placé en détention provisoire après son dernier vol avec violence, commis six jours avant le meurtre de Matisse.

Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Je me demande si ce laxisme de la justice n’est pas tout simplement délibérée pour des fins qui me sont je l’avoue mystérieuses !!

  2. Au risque de me répéter, j’en appelle aux toubibs qui savent, pour me confirmer, comme je l’ai constaté sur place par l’observation durant mes années d’enfance au Congo et en Algérie (je ne connais ni l’Orient ni l’Amérique du sud ni les Inuits): La puberté des jeunes filles au sud de la méditerranée est à 9/11ans au lieu de 13/14 chez nous en Europe; la puberté des garçons y est à 12/13 ans au lieu de 16/18 chez nous. Ajoutez 3 ans à cette mue physique pour la digérer et en faire une mue mentale : A 15 ans (14,5) ils sont majeurs! Les 18 ans inscrits dans la loi en Europe (21 jusqu’en 1981) ne correspondent qu’à un environnement d’ obligation scolaire et de recul de l’âge du travail, et de protection des fragilités et des familles ( ce dont les nouveaux arrivants depuis 60 ans n’ont strictement cure)..

  3. Lorsqu’ils font une bêtise et se font sévèrement réprimander même les gamins de 5 ans comprennent leur faute et généralement ne recommencent pas. En conséquence cette absurde « excuse de minorité » n’a aucune justification. A peu près tout le monde s’en rend compte et dit qu’il faudrait la supprimer……Mais dans 10 ans on l’aura toujours car maintenant en France, systématiquement on dit qu’il faudrait faire, mais on ne fait jamais, car il y a toujours des hurluberlus qui trouvent mille raisons toutes plus abracadabrantesques les unes que les autres pour expliquer qu’on ne peut pas faire……La France, est devenue le pays où l’on ne peut jamais rien faire !

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