[Point de vue] Euthanasie

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Emmanuel Macron a-t-il encore besoin de montrer qu’il est progressiste ? Son annonce d’une loi sur l’euthanasie porte à le croire. Si cette loi devait être votée - et elle le sera malheureusement -, ses deux quinquennats auront achevé de détruire les murs porteurs de notre société et les plus vulnérables d’entre nous en seront les premières victimes.

L’euthanasie est le symptôme d’une société malade. La crise sanitaire a mis au jour la perte d’un questionnement métaphysique qui intégrait le tragique, la peur et la mort comme des données incontournables de notre condition humaine. Notre monde moderne ouvert sur un progrès indéfini, dont l’élection d’Emmanuel macron est un symptôme, a évacué la mort comme donnée existentielle.

La réflexion sur le tragique et la mort est aujourd’hui très difficile sur fond de déchristianisation et de disparition des « humanités ». Ces deux phénomènes expliquant l’état de l’opinion française. Les sondages semblent montrer qu’elle est largement favorable à l’euthanasie. Ce n’est, toutefois, jamais dans ses priorités et les réponses varient en fonction de la manière dont la question lui est posée. Les sondages sur ce genre de thématique sont systématiquement biaisés pour satisfaire leur commanditaire.

Le collectif anti-euthanasie Soulager mais pas tuer a réalisé son propre sondage en mars 2021 : les priorités des Français pour la fin de vie seraient de « ne pas subir de douleur » (48 %), de « ne pas faire l'objet d'un acharnement thérapeutique » (46 %), d'« obtenir l'euthanasie » (24 %).

Le constat du « mal mourir », expression de Jean Leonetti alors député, avait donné lieu à la loi de 2005, qui avait trouvé des réponses en intégrant le refus de « l’obstination déraisonnable », l’acceptation du double effet et une meilleure articulation entre la volonté du patient et le devoir du médecin « de tout mettre en œuvre pour prodiguer les soins indispensables ».

Et puis dès 2015, le débat sur la fin de vie a été réouvert, arguant que la loi de 2005 était mal appliquée. La loi Claeys-Leonetti est allée plus loin dans l’acceptation de provoquer la mort en prévoyant un droit à la sédation profonde et continue associée à la suspension de la nutrition et de l’hydratation artificielles. Elle a aussi rendu contraignantes les directives anticipées, qui n’avaient qu’un caractère indicatif en 2005, déséquilibrant ainsi la relation patient-médecin et reléguant l’art médical à une prestation de service.

L’euthanasie est une demande sociétale et non médicale. La légaliser, c’est transgresser l’un des interdits fondateurs de la vie en société, c’est abdiquer devant une adversité, certes redoutable et redoutée, mais qui fait la grandeur de l’homme qui s’engage à l’affronter. Ce combat, mené ensemble, fait l’honneur d’une société solidaire dans l’adversité, dans cette ultime étape que traverse l’un des siens.

Légaliser l’euthanasie, c’est renoncer à développer de nouveaux moyens de lutte contre toute forme de souffrance survenant en fin de vie. C’est renoncer à doter les soignants et notre société des moyens de soutenir les plus vulnérables d’entre les siens.

Légaliser l’euthanasie, c’est définitivement enterrer Hippocrate et la déontologie médicale. Dans la médecine hippocratique, le serment médical guide l’exercice de l’art médical entre l’illusion d’une maîtrise totale de la vie - laquelle conduit à l’obstination déraisonnable – et la maîtrise totale de la mort – laquelle passe par le suicide assisté et l’euthanasie. « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas les agonies. Je ne provoquerai jamais délibérément la mort. » Pourquoi vouloir confier à des médecins la mise en œuvre d’une demande sociétale et non médicale ? 500 ans avant Jésus-Christ, Hippocrate soulignait ceci : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion. » Cela montre bien qu’il ne s’agit pas d’un « lobby religieux », comme certains cherchent à le faire croire.

Selon les termes du Code de déontologie médicale (article R.4127-38 du CSP) : « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers instants, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. »

Les médecins le disent, ils ont aujourd’hui en leur possession toutes les ressources pour lutter contre la douleur, la souffrance physique, morale et spirituelle, les troubles respiratoires, l’angoisse, la dépression de l’humeur. Aux politiques de les soutenir, de leur donner les moyens d’accompagner cette fin de vie en développant les services de soins palliatifs à grande échelle et en comblant les disparités régionales.

La dignité ne se perd pas parce que l’on est malade, âgé ou handicapé. L’expression « mourir dans la dignité » est impropre. Pourquoi « mourir naturellement » serait-il indigne ?

« Soigner. Donner des soins, c’est aussi une politique. Cela peut être fait avec une rigueur dont la douceur est l’enveloppe essentielle. Une attention exquise à la vie que l’on veille et surveille. Une précision constante. Une sorte d’élégance dans les actes, une présence et une légèreté, une prévision et une sorte de perception très éveillée qui observe les moindres signes. C’est une sorte d’œuvre, de poème (et qui n’a jamais été écrit), que la sollicitude intelligente compose » (Paul Valéry).

Vos commentaires

51 commentaires

  1. Laissons aux médecins l’exercice libre de leur science et d’agir en conscience suivant le serment qu’ils ont prêté. Décider d’une loi sur la fin de vie est une porte ouverte dangereuse qu’il faut absolument refermer car toutes les dérives seront alors possibles et l’exemple de celle provisoire et limitée sur l’IVG en est la preuve éclatante. A l’heure où l’on ne fête plus les morts mais la mort, avec ce spectacle affligeant importé des Etas-Unis, comprenons bien qu’il n’y a rien de plus sacré que la vie et que la médecine à défaut de pouvoir guérir a d’abord le devoir de protéger le patient.

  2. De la part d’une équipe médicale des soins palliatifs, celle-ci peut être amenée à pratiquer une « sédation définitive » à la demande du malade en fin de vie et se disant au bout des souffrances qu’il peut supporter et refuse « l’acharnement thérapeutique ». ll est très facile de donner des avis lorsque l’on n’a jamais été confronté à ces situations.

  3. « Les médecins le disent, ils ont aujourd’hui en leur possession toutes les ressources pour lutter contre la douleur, la souffrance physique, morale et spirituelle, les troubles respiratoires, l’angoisse, la dépression de l’humeur. »
    Vous plaisantez ??? Allez donc faire un tour en Ehpad ou dans les services gériatrie de la plupart des hôpitaux, et vous verrez que les médecins ont peut-être les ressources, mais pas les moyens !
    « Pourquoi « mourir naturellement » serait-il indigne ? »
    Mais ne pouvoir mourir qu’après des mois, voire des années de soins imposés, alors qu’on réclame juste qu’on vous laisse mourir en paix, comment pouvez-vous dire que c’est mourir « naturellement » ???

  4. Je suis contre l’euthanasie, respectons les gens et soulageons leurs douleurs. Cette loi serait trahie immédiatement.

  5. Mme Mérotte.
    Je respecte totalement votre position, merci de respecter la position de celles et ceux qui sont aux portes de la mort, et/ou qui souhaitent les franchir, quand BON leur semble.
    Ce désir est strictement personnel, absolument intime, et ne concerne EN AUCUN CAS les positions religieuses, scientifiques, philosophiques ou éthiques d’autrui, du milieu médical, ni l’avis des proches, et encore moins le jugement d’autres « futurs patients »…
    Si une personne souhaite survivre le plus longtemps possible, dans un statut proche du légume (ou du désespoir), qu’elle LE FASSE !
    Si une personne souhaite en finir, par choix, pour son honneur d’humain en fin de vie (ou las de cette vie), et pour ne plus être une charge pour qui que ce soit, qu’elle le FASSE !
    Dans les deux cas, que chacun renseigne ses choix, tout simplement.
    Mais l’un de ces deux cas ne doit pas interdire l’autre !
    Une loi pourrait et devrait exister, dans le strict RESPECT de ces deux options.
    Tout simplement, je le répète.

    • Entièrement de votre avis, mon père aurait souhaité partir 3 semaines avant, ma mère est morte sous sédation profonde de faim et de soif par la loi Leonetti. Très dur et triste spectacle!
      Je pense que les hôpitaux remplissent leurs caisses grâce à ces situations et d’autres Covid, par exemple.
      Ce choix j’espère l’avoir même si c’est ce qu’il y a de pire qui l’aura fait!

  6. Le diable se planquant toujours dans les détails, je subodore dans cette hystérie d’achever les individus aux portes de la mort, l’obssession abjecte des économies ainsi réalisées ( et donc de la profitabilité) . D’ailleurs, un certain Jacques Attali n’en pense pas moins. Evidemment, pour ce triste sire,ce principe d’une mise à mort humaniste ne doit s’appliquer qu’aux autres.

  7. Je nuancerais le propos, trouvant qu’il vaut mieux légiférer et, donc, laisser le choix au patient. En 1968, j’ai vu mon papa mourir à petit feu d’un cancer généralisé ; sous morphine, il ne souffrait pas mais il était devenu un mort vivant. A l’époque les unités de soins palliatifs n’existaient pas. Mais j’ai aussi vu ma sœur, en 2014, dans une unité de soins palliatifs, où elle était vraiment chouchoutée. Cancer dermato ayant atteint tous les organes vitaux y compris le cerveau.Le problème, c’est que ces unités sont chargées de stabiliser le patient pour, ensuite, le transférer en clinique de soins de suite. C’est là que ça se dégrade car le traitement n’est plus du tout le même. Et ma sœur, qui arrivait encore à regarder la télé et lire quelques courtes phrases, est devenue végétative en l’espace de seulement 2 ou 3 jours. Si son cerveau avait encore fonctionné, je pense qu’elle aurait demandé l’euthanasie car c’était une grande intello et elle n’aurait pas supporté cette déchéance.

  8. Pas d’accord… Premièrement, que je sache, ce projet de loi n’est pas une loi d’eugénisme qui vise à l’obligation de liquider les mourants, les incurables, les déprimés ou les vieux, et pourquoi pas les chômeurs et les mal-pensants. Ce n’est pas une loi qui impose, mais une loi qui permet…
    Ensuite, par souci de cohérence, j’ose croire que tous ceux qui s’opposent à l’euthanasie s’opposent également à l’avortement, car il me semble plus grave de supprimer la vie d’un Mozart en puissance que d’un mourant, eût-il été Mozart.
    Enfin, cette notion de dignité est une notion éminemment personnelle et en aucun cas généraliste. Que certains veuillent retrouver un hypothétique créateur en estimant que leur fin ne leur appartient pas plus que leur début dans l’existence, c’est leur choix. Pour d’autres qui ne reconnaissent aucun droit à quiconque excepté à eux-mêmes de clôturer leur parcours de vie, cela me parait un progrès, d’autant que j’imagine mal qu’on veuille mourir par plaisir ou par aventure.

  9. L’euthanasie est une préoccupation de bien-portants. Mais dès qu’on est atteint d’une grave maladie, c’est « encore un instant, M. le bourreau »…

  10. « Je ne prolongerai pas les agonies, je ne provoquerai pas délibérément la mort », c’est le bon principe qui date de l antiquité, voir plus. Mais à l époque on avait guère de moyens de prolonger les agonies. Depuis lors, nous disposons de perfusions pour hydrater et donc maintenir en vie des personnes en fin de vie qui ne peuvent déglutitir. Si on arrête cette perfusion on provoque pratiquement délibérément la mort, de même qu on provoque sa mort en ne nourrissant pas un enfant.

    Vous semblez curieusement exclure qu’ Hippocrate puisse avoir des convictions religieuses.

    Par ailleurs,et surtout, il me semble que vous vous trompez quand vous écrivez que les médecins disent qu’ils disposent de tous les ressources pour lutter contre la souffrance physique morale et spirituelle. Au contraire les médecins savent leur manque de prise sur les souffrances’ morales et spirituelles « . Les antidépresseurs ne sont pas si efficaces. Les médecins ne font pas de miracles dans ce domaine. La médecine n’est généralement pas une religion et n’est pas le meilleur moyen de réduire les souffrances’spirituelles .

    • Dans mes cours de Soins Palliatifs (DIU passé à la fac de Paris VI), on nous a appris à aider , accompagner la souffrance psychologique, morale et spirituelle (Douleur totale de C Sander) , ainsi que la souffrance de l’entourage, souffrance qui risque de retomber sur sur malade.
      Sinon, dans une véritable équipe de Soins Palliatifs équipe mobile, il y a toujours 1 assistante sociale formée, ainsi qu’1 psy formés .
      D’autant que les patients préfèrent se confier à un laïc qu’à un aumônier, même si c’est pour parler religion.

      Et ces équipes fonctionnent très bien.
      l y en a partout.
      Il suffit de les contacter pour qu’elles prennent en charge le patient sur tous les plans, même celui de la douleur physique.
      Bien sur le médecin habituel n’est pas considéré comme inutile il s’en faut, et dans 99% des cas, cela lui fait du bien de se sentir soutenu et ainsi peut lui éviter le burn out.

  11. C’est à chacun de choisir sa fin de vie. Pour ma part, j’ai décidé de m’euthanasier moi-même avant qu’il ne soit trop tard. La dépendance forcée m’insupporte au plus haut point et je ne comprends pas cette obstination acharnée à durer quand il n’y a plus d’espoir de retour en arrière.

    • Idem pour moi ! Je refuse les soins palliatifs , je refuse d’être un légume , un « mort vivant » à la merci de cette mafia hospitalière . Et je l’ai toujours dit , si un jour j’ai quelque chose de grave , une maladie incurable , j’essaierai d’en profiter autant que le pourrai dans de bonnes conditions et le moment venu je m’euthanasierai moi même .

  12. La belle dignité que voilà! Aller se faire piquer comme un chien par un médecin trahissant son serment initial et devenu fonctionnaire de mort.

  13. Visiblement on souffre encore beaucoup, même en centre de soins palliatifs ! Il ne faut donc pas s’étonner d une demande d’ euthanasie,

    • Dans ce cas, il faut changer d’établissement!
      Il est vrai que je suis outrée par ce que ce sont devenus nos hopitaux

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