Sans restaurants, ni baraques à frites, ni cantines d’entreprise : où mange-t-on ?

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C’est l’affaire qui défraie la chronique, en ce lundi matin : un restaurant de l’île de la Cité a ouvert sa terrasse à de dangereux criminels. Vendredi dernier, une dizaine de clients y mangeaient debout et sans masque, précise Le Parisien (je ne sais pas comment on peut manger avec un masque, mais bon…).

Circonstance fort aggravante : non seulement le patron du restaurant L’Annexe a enfreint les consignes du ministère de la Guerre, mais « cela s'est passé juste en face de la cour d'appel, à quelques mètres seulement de la préfecture de police ». Si ça n’est pas de la provocation, ça y ressemble fort. D’autant qu’il y avait « des flûtes de champagne sur les tables, quelques assiettes aussi » et, j’en frémis… « une dizaine de magistrats, non masqués, [qui] ont mangé debout dans une terrasse abritée de quinze mètres carrés, à la vue de tous et, surtout, d'une patrouille à vélo ».

N’eût été la patrouille, cela se serait sans doute bien passé, mais voilà que les magistrats du siège se gobergent pendant que les autres se tannent le fondement sur la selle de vélo : ça fait des jaloux, forcément. Dans ces temps d’injustice sociale, c’est même parfaitement insupportable.

Le ministre Castex l’avait dit : les contrôles vont être stricts et la police va sévir. Dont acte. La préfecture de police de Paris vient de communiquer les chiffres : 24 restaurants « clandestins », des affreux du marché noir en somme, vont faire l’objet d’une fermeture administrative de quinze jours. Quant aux convives, ils écopent chacun d’une amende de 135 euros, ce qui fait cher le boudin-purée.

Le symbole n’en est pas moins désastreux : dix magistrats trinquant au champagne, à L’Annexe, dans l’île de la Cité, ne sauraient être comparés à dix gilets jaunes trinquant au pastaga chez Marius, au carrefour Mayol (Toulon, si tu me lis...). C’est la France. Néanmoins, en râclant dans les coins du bon sens, on peut se demander pourquoi l’on autorise les restaurants pour routiers et ouvriers du bâtiment mais pas ceux pour magistrats entre deux audiences. D’autant qu’il ne s’agit pas vraiment d’une population habituée à venir au boulot avec sa gamelle, non plus qu’à faire la queue devant la baraque à frites au coin du Théâtre de la Ville. Monsieur le Premier ministre et Monsieur le Préfet l’ignorent peut-être : Paris n’ayant plus de touristes, les food-trucks ont eux aussi disparu. Alors, où mange-t-on ?

On va au supermarché du coin, dit l’homme de loi. Compliqué, aussi. Là encore, de dangereux contrevenants ont été verbalisés pour non-respect du couvre-feu. Rien qu’à Paris, « chaque jour, en moyenne, entre 300 et 400 établissements recevant du public sont contrôlés », dit la préfecture. Plus de « Momo » pour se dépanner au coin de la rue. Retour aux cadences infernales : les supermarchés ouvrent à 7 heures, et l’attardé qui s’y présente sur les coups de 17 h 30 risque fort de se faire refouler en raison de l’affluence.

Cela dit, nos gouvernants sont très contents : la France fait mieux que ses voisins. Qu’ils disent. Je parlais, ce dimanche, avec quelqu’un qui vit dans la banlieue de Dublin. C’est chaud, là-bas : Brexit + Covid. Pas moyen de fermer la frontière avec l’Irlande du Nord, qui recense autant de malades que l’Irlande du Sud pour une population de 1.882.000 habitants, contre 4.280.000. La faute aux Anglais, as usual.

Certaines écoles, là-bas, n’ont pas repris depuis l’automne. L’autorisation de déplacement est dans un rayon de 5 km autour de chez soi, mais il y a, je crois, une bonne idée à prendre chez nos voisin irlandais : c’est « la bulle de soutien ». En effet, pour ne pas sombrer dans la déprime, chacun est autorisé à référencer un ami, un proche ou une famille à qui il peut rendre visite. On n’est pas obligé de mentir ou de remplir une attestation bidon.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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