Il en est qui s’émeuvent de voir ce pauvre M. Balkany en prison. Lui qui l’a frôlée tant de fois a fini par y entrer. Il est dans le secteur des « personnes vulnérables », celle qu’on protège des manants qui pourraient (qui sait ?) leur faire un croc-en-jambe au cours de la promenade, voire laisser traîner la savonnette dans les douches…

Il s’est mal défendu, Balkany. Il aurait dû mettre en avant sa fibre écologique. Comment ça, il n’en a pas ? Bien sûr que si. Aujourd’hui, tout le monde en a. Si je dis cela, c’est parce qu’en matière de justice, il faut toujours tenir compte du contexte « sociétal ». J’explique : comparaître pour avoir pincé les fesses d’une dame dans le métro en pleine affaire Weinstein/Epstein ne vous vaudra pas la clémence du jury. De même, il apparaît clairement qu’aujourd’hui, sainte Greta plane au-dessus des prétoires : soyez vert et il vous sera beaucoup pardonné !

Ainsi, les décrocheurs de portrait présidentiel qui comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Lyon viennent-ils d’être relaxés par un magistrat zélé considérant leur action comme légitime, puisque dictée par « l’état de nécessité », comme le rapporte Le Parisien.

L’épidémie – car c’en fut une – remonte à l’hiver dernier. De gilets jaunes en samedis noirs, la police est alors mobilisée pour traquer les décrocheurs de la Macronie : des dizaines d'individus s'introduisent dans les mairies, à Paris comme en province, pour y dérober le portrait officiel du président de la République. Derrière ces larcins, les membres d'un mouvement écologiste baptisé ANV COP21 (Action non violente COP21), et deux groupes qui s’y rattachent : Bizimugi et Alternatiba.

Non contents d’avoir décroché le portrait du Président, nos deux activistes lyonnais l’avaient remplacé par une banderole résumant bien le gloubi-boulga du moment : « Climat justice sociale sortons Macron ! » Pour ces faits, le parquet avait requis 500 euros d’amende. Le juge serait plutôt d’avis de les leur donner…

En effet, on est pour le moins étonné des attendus du président du tribunal qui, après avoir développé les ravages dus au « dérèglement climatique [qui] est un fait constant qui affecte gravement l'avenir de l'humanité », déplore le « défaut de respect par l'État d'objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital ». En conséquence de quoi, il juge donc parfaitement légitime l’action des militants d’ANV COP21 : « Dans l'esprit de citoyens profondément investis dans une cause particulière servant l'intérêt général, le décrochage et l'enlèvement sans autorisation de ce portrait dans un but voué exclusivement à la défense de cette cause, qui n'a été précédé ou accompagné d'aucune autre forme d'acte répréhensible, loin de se résumer à une simple atteinte à l'objet matériel, doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple. »

Pour résumer, monsieur le juge s’assied sur le processus démocratique et tient pour un fait acquis que le dialogue est « impraticable entre le président de la République et le peuple », ce qui n’est rien d’autre, au fond, que son point de vue personnel. Il juge donc en faveur de la « désobéissance citoyenne », travestie pour la circonstance en « état de nécessité ». Soit un argument juridique habituellement réservé aux… nécessiteux !

« C'est une première et un très bon signal pour nous », s'est réjouie la porte-parole d’ANV COP21. Pour sûr. Sûr, également, qu’en pleine révolte corporatiste, la Justice veut se racheter une vertu à bon compte en taclant le pouvoir.

Le parquet a fait appel, mais sûr, aussi, que, demain, les gilets jaunes et autres Black Blocs pourront se prévaloir de cette jurisprudence. Pitoyable.

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18 septembre 2019 à 9:46

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