Rodéos : le volontarisme affiché par Gérald Darmanin à l’épreuve des faits

Parmi les feuilletons estivaux, entre l’imam Hassan Iquioussen et les feux de forêts, celui des rodéos aura été l’un des plus marquants. Pas un jour n’est passé sans que les médias n’abordent le sujet et ne posent la fatidique question : comment faire cesser les rodéos sauvages ? Particulièrement prompt à réagir ces deux derniers mois, le ministre de l’Intérieur s’est saisi de l’affaire et a promis la mise en place de nouvelles mesures. Ainsi, le 16 août dernier, Gerald Darmanin actait l’intensification des contrôles en demandant aux policiers d’effectuer « trois opérations anti-rodéos par jour » ainsi que la « saisie systématique des deux-roues et quads pouvant servir aux rodéos ».

En 7jrs, 2914 opérations anti-rodéos menées, 338 interpellés, 157 saisies. J’ai donné instruction d’intensifier encore notre action. Dès demain, chaque commissariat mènera au moins 3 opérations anti-rodéos/jour. Je ferai tout pour protéger les honnêtes gens contre ces délinquants pic.twitter.com/IUwyBMWdSS

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) August 16, 2022

Mais ces mesures suffisent-elles à exercer la pression nécessaire sur les auteurs de rodéos afin de les dissuader de recommencer ? Pour certains acteurs de la sécurité intérieure, rien n’est moins sûr…

Darmanin : paroles et paroles et paroles !

Dans les faits, la saisie des véhicules utilisés lors des rodéos existe depuis plusieurs années déjà, sans avoir montré les preuves d’une réelle efficacité, puisque entre 2018 et 2021, le nombre de condamnations pour rodéos a augmenté de 1.400 % ! Quant à la multiplication « d’opérations anti-rodéos », elle ne semble pour le moment consister qu’en de banals contrôles routiers additionnel sur le territoire français. Interrogé par Boulevard Voltaire, Yann Rouchier, secrétaire général au sein de la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP), ne cache pas sa désillusion : « La saisie des véhicules ne serait intéressante que si leur destruction était automatisée derrière, sinon, ça n’a pas grand intérêt. » En effet, si Gerald Darmanin s’est targué, sur Twitter, de 157 nouvelles saisies de véhicules, le ministre n’a pas dit où ils étaient stockés ni ce qu’ils deviendraient. À ce sujet, Yann Rouchier précise : « Les véhicules saisis sont stockés puis revendus à des particuliers à moindre coût, mais rien ne dit que d’autres personnes, pas forcément mieux intentionnées que les interpellés, ne puissent les acheter. » Le syndicaliste évoque aussi le risque de voir s’accumuler des moto-cross, scooters et quads au sein de certains centres de stockage. Selon lui, des cambriolages ne seraient pas impossibles : « C’est déjà arrivé aux États-Unis ! Après de grosses saisies, ils avaient stocké des centaines de véhicules dans une fourrière. Celle-ci s’est fait braquer plusieurs fois ! »

Quant à ces « opération anti-rodéos », il est pour le moment difficile de voir la différence avec de simples contrôles routiers. Sauf qu’un contrôle routier, pour être effectif, demande à ce que le contrôlé obéisse au contrôleur. Mais comme le rapportait Le Figaro, la semaine dernière, avec 26.320 cas en 2021, les refus d’obtempérer augmentent notoirement en France. Ils concernent des zones du territoire de plus en plus diverses, avec une percée très nette en zone rurale notamment. Pour Yann Rouchier : « Objectivement, les auteurs de rodéos sauvages ne sont pas ceux qui s’arrêtent aux contrôles. C’est une autre population pour qui l’autorité de la police est parfois inexistante… Comment voulez-vous interpeller un rodéo sans qu’il y ait de casse ? »

Rodéos : le symptôme d’une crise de l’autorité

Multiplication des saisies et des interpellations, technique du tamponnage : ces mesures font figure de pansements dérisoires sur la blessure d’une société malade. Après cet été tristement riche en agressions, meurtres, attaques de commissariats et autres phénomènes d’insécurité, comment ne pas voir qu’une partie de la délinquance française s’inscrit, déjà, dans une forme de séparatisme vis-à-vis de l’État ? La société n’est plus la même qu’il y a vingt ans. « Avant, les délinquants avaient encore un certains respect pour les femmes, estime le policier Yann Rouchier, pour les anciens et même pour nous, policiers. Aujourd’hui, ils ne respectent plus rien. Ils n’ont plus peur ni de la police, ni de la justice, ni de l’État, ni-même de leurs parents. »

Ainsi, lutter contre les rodéos en promettant çà et là une intensification des contrôles et des confiscations, comme le fait Gerald Darmanin, reviendrait à lutter contres les attaques à l’arme blanche en multipliant les saisies de couteau et en procédant à des contrôles piétons : une chimère. Pour ramener la paix sociale dans le pays, les politiques devront un jour avoir le courage de réaffirmer le rapport coercitif qui doit exister entre le délinquant et le policier, notamment, peut-être, en réformant la justice afin de la rendre à nouveau dissuasive. En attendant, les rodéos sauvages continueront d’alimenter les programmes des chaînes d’info en continu.

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