Réseaux sociaux : où est le pouvoir ?

Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique, envisage de légiférer pour limiter l’addiction aux réseaux sociaux. Dans un entretien très intéressant publié par Le Figaro, Gaspard Koenig, philosophe libéral, lui répond que légiférer n’est pas la solution et relève de l’addiction du politique à la régulation, pour s’immiscer dans l’intime des gens à tort et à travers en détournant la loi de son objectif. S’ils sont d’accord sur le constat de départ (l’addiction), que penser de cette divergence sur les solutions ?

À l’échelon macroscopique, l’analyse de Gaspard Koenig est pertinente : l’État « hystérique » qui perd de son pouvoir dans la société tente, via la régulation, de limiter cet affaiblissement. Le traitement de l’affaire Benalla le démontre, les personnes actives sur les réseaux sociaux souhaitent remettre des sous dans la machine déjà emballée que l’État voudrait immobiliser. Décidément, les médias ayant pignon sur rue et gavés de subventions sous toutes les formes possibles sont plus dociles et plus contrôlables pour relayer la nécessaire communication de l’État au peuple. Ou sa propagande.

Pour l’instant, les algorithmes des réseaux sociaux témoignent d’une convergence de vue avec ce que l’on pourrait appeler le consensus de bien-pensance des États libéraux. Ils frappent donc ceux que le pouvoir politique apprécie de voir censurés. Mais les États n’ont pas la maîtrise de ces outils qui pourront évoluer en fonction des intérêts des GAFA. Et l’État est-il pire ou meilleur que les GAFA ? Vaste sujet !

Gaspard Koenig a raison quand il affirme que la prohibition ne fonctionne pas : l’alcool de contrebande se buvait dans les speakeasies du temps d’Al Capone et le cannabis se fume en France aujourd’hui malgré son interdiction. Faut-il, dès lors, prôner une liberté sans restriction ? Ce serait faire fi de la dangerosité intrinsèque de chaque menace. La tabagie est objectivement moins nocive à la personne que la consommation d’héroïne, et tolérer la première et interdire la seconde semble relever du bon sens.

Les premiers menacés par cette addiction aux réseaux sociaux sont ceux qui ne peuvent faire usage de l’éducation qu’ils n’ont pas ou peu reçue, que ce soit en la matière numérique ou en général. Les jeunes sont en tête de la liste, bien sûr. C’est si, et seulement si, les familles et, dans une moindre mesure, l’école acheminent les personnes vers une autonomie vraie, vers un libre-arbitre qui ne soit pas de façade qu’ils seront capables de profiter de ces réseaux sociaux sans tomber dans l’addiction.

Quant à l’hypothèse évoquée d’un choix du « citoyen numérique » pour une plate-forme en fonction des règles qui la gouvernent, je pense que Gaspard Koenig nous berce d’illusion : le mimétisme dont sait si bien se servir le capitalisme y présidera bien plus que le libre-arbitre. Mais pour ce qui me concerne, ayant presque totalement délaissé Facebook, j’attends l’émergence d’une alternative à Twitter pour y sévir avec mes amis numériques (que je fréquente aussi dans la vraie vie, heureusement) et mes trolls.

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