Renationalisation d’EDF : pourquoi ce virage à 180° ?

EDF

Après trois heures de rappels au règlement et de suspensions de séance, le Parlement a adopté, ce jeudi 9 février, la proposition de loi portée par le député PS Philippe Brun visant à renationaliser EDF et à rendre son capital incessible. Applaudi par toute la presse de gauche, il marque pour Philippe Brun « une rupture avec vingt ans de dérives libérales ». Une phrase sur laquelle devraient méditer les députés LR et RN qui ont voté le texte main dans la main avec l’extrême gauche. EDF n’est finalement, pour l’opposition, qu’un pion de plus pour affirmer son existence au sein d’une Assemblée nationale devenue en moins de six mois la nouvelle ZAD de la nation.

Pour reprendre le contrôle total de l’électricien (dont 85 % étaient publics avant l’OPA), aujourd’hui endetté à hauteur de 60 milliards d’euros, l’État devra débourser 10 milliards d’euros.

Mais intéressons-nous au fond. Pourquoi cette renationalisation ? Qu’apportera-t-elle au paysage énergétique français ? Fera-t-elle baisser la facture électrique des Français ?

Le projet Hercule

Renationaliser EDF va clairement dans le sens contraire de l’histoire contemporaine. Malgré la création du grand marché européen de l’électricité, le capital d’EDF n’avait certes été privatisé (15 %) que de façon homéopathique. Pour des raisons stratégiques, l’électricien avait conservé l’ensemble du parc nucléaire (70 % de la production d’électricité) sous sa houlette. En compensation, il avait dû se soumettre aux règles de l’ARENH lui imposant de céder à ses concurrents 25 % de sa production nucléaire à prix coûtant.

En 2019 existait dans les cartons publiques un projet du nom d’Hercule visant à scinder EDF en trois sociétés indépendantes : un EDF bleu 100 % national regroupant le nucléaire et la distribution (l’actuel RTE), un EDF vert regroupant les ENR au capital ouvert et, enfin, un EDF azur regroupant les centrales hydroélectriques au statut hybride. Cette stratégie appuyée par l’ancien PDG Jean-Bernard Lévy devait notamment permettre à l’ancien monopole naturel de trouver auprès du privé les fonds nécessaires à ses investissements dans la transition énergétique, notamment la mise en œuvre de l’électricité verte. Ainsi, Hercule aurait par exemple autorisé TotalEnergies ou Engie à investir leurs superprofits dans la branche ENR d’EDF. Soutenu par la Commission de régulation de l’énergie, Hercule avait suscité la colère des syndicats interprétant cette scission des activités comme un véritable démantèlement. À l’opposé de l’échiquier, l’Union européenne exigeait une scission réelle empêchant, notamment, tout financement croisé entre les trois entités alors que le gouvernement plaidait pour une stratégie autorisant des flux intra-financiers.

Un virage à 180°

Par suite de la crise énergétique, la politique gouvernementale a opéré un virage à 180° : de la fermeture de 15 réacteurs, elle est passée à la construction de 6, voire 14 nouveaux EPR. La renationalisation d’EDF se lit en filigrane de ce virage : Hercule n’était plus compatible avec une stratégie réinvestissant massivement dans le nucléaire. Des investissements ne pouvant venir du privé dans la mesure où l’État, au nom de la sécurité énergétique, refuse de privatiser son parc nucléaire.

En termes d’investissements, la décision sera très lourde pour l’État (et, donc, pour le contribuable) qui devra supporter à la fois le poids de la dette mais aussi le poids de tous les investissements futurs, quelles que soient les sources électriques (nucléaire, éolien terrestre et marin, solaire, gaz).

En revanche, cette nationalisation ne jouera pas, à court terme, sur les prix de l’électricité. EDF 2023 100 % nationalisé n’est en rien un retour au monopole naturel et non concurrentiel des années 1980. EDF continuera de fonctionner dans un marché ouvert en concurrence avec des acteurs français et européens. La nationalisation ne changera rien aux règles du marché où le prix de l’électricité continuera de s’aligner sur le prix de la source marginale (le gaz).

Le contribuable doit donc s’attendre à payer trois fois : payer pour la dette d’EDF, payer pour les investissements futurs, payer pour les choix irresponsables du green deal européen ayant implicitement, sous la pression allemande, jeté les ENR dans les bras du gaz !

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Est ce que l’on va supporter encore longtemps les punitions de l’EUROPE?

    On a déjà payé pour la construction de nos centrales nucléaires et les Français n’ont pas le retour sur leurs investissements car une poignée de technocrates de Bruxelles pilotés par l’Allemagne, nous ont confisqué les dividendes .
    ça suffit!
    « We want our money back  » ont dit les Anglais! Qu’est ce qu’on attend pour les imiter?
    Sortons de cette institution qui nous ruine et qui, en plus , nous prive de liberté.
    Exigeons immédiatement de payer notre électricité au prix des centrales que nous avons financées et retirons nous de ce piège qui n’en finit pas de nous pénaliser.
    Le couple Franco Allemand est une illusion. et nous sommes les cocus de la comédie.Demandons le divorce de toute urgence.
    A.Lerte

    • Je partage vos divers avis émis céans à au moins 100%.
      En politique, il n’existe pas d’amis, seulement des alliances occasionnelles. Il n’y a guère que nous – les Français – pour mettre toujours la main sur le cœur dès que l’on parle d’un engagement, à croire que notre État n’a jamais légalisé le divorce ! Mais tout est là : on a souvent parlé du « couple » franco-allemand, jamais du « ménage » franco-allemand. Toute la différence est là : entre une alliance définitive et sans appel et un mariage avec possibilité de divorce. La première exige que l’on considère effectivement ce que désire l’autre partie, pour que dure l’alliance, et la seconde permet qu’on lâche « l’allié d’un moment » s’il ne convient plus.
      Ce serait curieux si la première religion de nos deux pays était toujours le catholicisme, mais comme il s’agit plutôt de l’athéisme, ce n’est plus surprenant. Ce qui l’est, c’est que nos gouvernants ne l’aient pas encore assimilé…

  2. Quelle gabegie ! Que de pertes, et ils cherchent 10 milliards d’euros pour équilibrer le budget des retraites dans 10 ans !! Et ils auraient fait de Hautes Etudes nos brillants cerveaux ! ! ! S’ils voulaient opposer 2 Mondes ils n’auraient pas pu s’y prendre autrement !
    Quand l’Idéal politicien aux ordres de l’au de là des océans se situe au dessus du rationnel, de la logique, de l’intérêt d’un peuple ayant fait ses preuves, c’est le début de la fin. A moins que la Reconquête ne soit pas trop éloignée…
    Ils ont ré inventés la Guerre du Feu, des peuplades Cro Magnon….Qui possédait le feu, se portait le mieux….

  3. si EDF n’était re nationalisée, elle serait en situation de faillite et contrainte à la fermeture. Ce serait la destruction de tous le système en fait car la fin des concurrents aussi puisqu’aucun ne produit d’électricité . On en reviendrait au bon vieux système d’avant et à la création d’une nouvelle EDF sans concurrents. rigolo ! Là, le contribuable taxable à outrance va pouvoir soutenir l’édifice et les concurrents continueront à se goinfrer sur leur dos. Merci l’UE pour encore un cadeau empoisonné !

  4. Si EDF vendait déjà son élect. à prix coutant aux distributeurs d’élect. qui se font des « Q…) » en or !
    Avec l’entretien nécessaire des centrales nucléaires, le coût de l’élect. produite est passée au dessus de 100€/MWh.
    Or EDF vend 120 TWh à 42,7€/MWh en moyenne à ces prédateurs qui engraissent les spéculateurs.
    Que rapporteraient en plus ces 120 TWh à 100€/MWh.
    (100-42,7) X120 X 1 000 000 = 5,73 X 1,2 milliards = 6,876 milliards (Plus de 10% de la dette) !
    Or la dette d’EDF continue d’augmenter. L’élect. sur le marché international voisine en moyenne à plus de 300€/MWh, élect. qu’EDF déficitaire en production doit acheter pour goinfrer les distributeurs d’élect. privés !

  5. Ne serait ce pas pour mieux dépecer ce patrimoine des français ? Avec Macron les virages à 180° sont légions et la vente du patrimoine une manie. EDF, réussite du général De Gaulle (et des communistes), est le plus gros opérateur électricien au monde.

  6. ce gouvernement aura tondu le troupeau de moutons jusqu’à l’os et détruit la France qui n’aura bientôt plus que la peau sur les os !

  7. Les politiques énergétiques dirigées tant par nos gouvernements de gôôôche, que par la Commission européenne, ont prouvées que l’idéologie verte est une impasse…
    La solution? Renationalisation d’EDF, sortie du tarif européen indexé sur le prix du gaz, abandon des énergies renouvelables si coûteuses, pour une pollution épouvantable et un rendement quasi nul.
    Et bien sûr, restauration de notre filière nucléaire, gage de notre indépendance, génératrice d’emplois et d’exportations dans le Monde entier.

  8. Au total cela ferait encore 10 milliard (la nationalisation) +60 milliard de dette. Le gouffre qu ‘on construit nos énarques et autres technocrates n’est pas fait pour être comblé. Sans compter notre fou(le) furieux qui dépense sans compter pour une Ukraine corrompue.

  9. Bof ! je ne vois pas d’ argumentation solide dans cet article ! re nationaliser EDF n’interdit en rien de sortir du marché européen de l’énergie , l’AREHN ? mesure qui serait de nature à faire baisser le prix de ‘électricité ! la privatisation nous retirerait une part de souveraineté pour sortir de ce même marché ! Ensuite les investisseurs privés se payent aussi sur les résultats ( et même grassement ) et en cas d’ échec des programmes verts ils ne payeront pas les pertes sans contreparties ( risque de re perte de souveraineté ) ! Bref cet article me laisse de gros doute ! j’ai le sentiment de revivre l’escroquerie de la privatisation des autoroutes par ailleurs construits avec les impôts des français

  10. Puisque cette nationalisation n’est pas un retour au non concurrentiel et que le prix de l’électricité continuera de croître étant donné son indexation sur le gaz, ce vote va dans le sens de aggravation des difficultés financières des citoyens et des PME. Nous appauvrir davantage fait partie du plan du nouvel ordre mondial.
    Le fait que la proposition de loi ait été portée par le PS laissait présager le pire, comme d’hab !
    L’éternelle question est : à qui profite le crime ?

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