Régime des mollahs : pris à la gorge ?

IRAN

La levée des sanctions contre l'Iran afin qu'il abandonne ses projets d'armes nucléaires devait lui permettre de développer son économie et avantager « les modérés du régime ». Dans les faits, les mollahs n'ont fait que renforcer leur puissance militaire et régionale grâce à cette levée. Quant aux « modérés du régime », ils n'ont jamais existé et ne sont qu'un leurre pour Occidentaux gagas.

À peine élu, Donald Trump retire les États-Unis du traité de Vienne conclu avec les Iraniens et leur impose le niveau le plus élevé de sanctions économiques. La majorité des gouvernements européens l'avaient critiqué, l'accusant même de pousser l'Iran à se radicaliser.

Il aura fallu moins de deux ans pour que la faiblesse des ressources iraniennes, de plus en plus faibles, ait un impact sur leur politique intérieure et extérieure. L'argent manquant, l'illégitimité des dépenses faramineuses de sa politique étrangère, alors que sa population manquait de tout, poussait, à l'automne 2019, des centaines de milliers d'Iraniens à se soulever contre le régime. Paniqué devant l'ampleur de la révolte, ce dernier la matera sévèrement en tirant à balles réelles sur sa population, provoquant 1.500 morts. Le slogan des Iraniens était sans ambiguïté : « Ni Syrie, ni Irak, ni Liban… Iran. »

Mais la révolte n'était pas qu'iranienne ; au Liban et en Irak, les populations chiites manifestaient, pour la première fois, leur mécontentement contre les milices (Hezbollah) armées et financées par les ayatollah de Téhéran.

C'est dans ce contexte que le régime iranien, pris à la gorge par l'embargo, commença les provocations afin de tester les intentions américaines avec une certaine assurance, doublée d'un mépris pour les régimes démocratiques prisonniers de leur opinion publique, de leur morale, des règles de l'État de droit… toutes ces notions qui ne risquent pas d'embarrasser un gouvernement tel que celui de Téhéran.

Donald Trump n'a pas réagi et les ayatollah commençaient à croire qu'il était finalement un homme occidental comme les autres, privilégiant la négociation à l'action.

La dernière provocation devait avoir lieu en Irak afin d'allumer un contre-feu aux révoltes des populations chiites locales contre l'influence iranienne. Ce sont les milices armées et financées par l'Iran qui étaient chargées de manifester puis d'attaquer l'ambassade des États-Unis à Bagdad. C'était la ligne rouge à ne pas franchir, le régime islamiste venait de donner l'occasion à Donald Trump de montrer qu'il était temps de siffler la fin de la partie.

Le général Qassem Souleimani était le chef de la force al-Qods chargée de former, de financer et d'organiser les milices pro-iranienne à l'étranger, autant dire l'armée iranienne opérationnelle. Il était depuis longtemps l'architecte de la politique étrangère et des opérations militaires iraniennes, sans aucun doute le numéro deux officieux du régime.

Il a participé à la guerre contre l'État islamique, nous dit-on. En effet, des islamistes chiites sur le point d'obtenir l'arme nucléaire se sont battus contre des islamistes sunnites dont l'armement se limitait à des roquettes et des couteaux et qui n'ont été capables d'envahir que des territoires sans combattants… Les plus criminellement spectaculaires ne sont pas forcément les plus dangereux à long terme, lesquels seront sanctuarisés ?

Sur ordre de Donald Trump, l'armée américaine l'a éliminé avec une facilité déconcertante. Le message de Donald Trump est reçu cinq sur cinq à Téhéran : « Avec les voyous, nous nous comporterons en voyous. »

Il est vrai que les déclarations du président américain ne sont pas dignes d'un gentleman et empiètent sur les principes d'un État de droit. Mais pour ce genre de régime, ces qualités sont des signes de faiblesses, il faut parler leur langage pour être respecté.

Quelques jours après que des centaines de milliers de militants et de fonctionnaires payés par le régime sont descendus dans la rue manifester sur ordre leur amour pour le défunt général et leur désir de vengeance, les ayatollahs sont passés à l'action : quelques missiles envoyés sur une base américaine en Irak sans faire de victimes, et pour cause : leur lancement a été annoncé par avance. Mieux encore : le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Zarif, déclare quelques heures après que les représailles sont terminées ! Le régime des ayatollahs, extrêmement affaibli, prône la désescalade avant d'avouer toute honte bue qu'il a envoyé un missile sur un avion de ligne ukrainien par erreur probablement due à la panique.

Richard Haddad
Richard Haddad
Historien et politologue - Spécialiste du Moyen-Orient - Directeur des éditions Godefroy de Bouillon

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