Recasage de ministres : un système Macron très bien huilé
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On peut en convenir : se saisir de faits anecdotiques pour railler et discréditer le pouvoir ressemble toujours à de la démagogie. Rien n’est plus français, cependant, que la critique. Elle traduit le sens politique qui est le nôtre et conjure, si elle demeure, le totalitarisme et la lobotomisation de nos consciences. Alors, il est bon et salutaire de critiquer. Cela l’est même d’autant plus lorsque l’objet n’est pas anecdotique.
L’objet en question : la reconversion professionnelle de nos ministres. Le réemploi de nos anges déchus de la politique, des héros d’un jour, des vieux dinosaures de la Ve et autres caméléons et autruches miraculés des bouleversements climato-politiques mérite plus qu’une humble mention dans l’almanach des étoiles filantes, car il traduit un fait qui demeure et tend même à caractériser le système politique de notre pays.
Dernier exemple en date de ce phénomène de réemploi : le repêchage miraculeux de Pap Ndiaye. Le pauvre ministre soudainement évincé, « courageux mais pas aidé », aurait presque attiré notre compassion. Le malheureux allait être privé de rentrée des classes en septembre. Il n’aura finalement pas fallu plus de deux semaines pour trouver de quoi le consoler. Le 26 juillet, l’ex-ministre est nommé par décret « ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg, à compter du 1er août 2023 ». Une voie de garage qui ne sera pas dénuée d’agréments, puisque « le spécialiste de l’histoire des minorités va en effet voir son traitement sensiblement augmenter, bien au-delà des 10.490 euros bruts mensuels qu’il percevait rue de Grenelle », lit-on dans le JDD.
Comme évoqué dans nos colonnes par Georges Michel en novembre 2022, le réemploi de nos ministres prend des proportions industrielles, et cela « marche du feu de Dieu » Le 23 de ce mois, Amélie de Montchalin est nommée représentante de la France auprès de l’OCDE. On perçoit communément à ce poste, selon Marianne, entre 16.000 et 17.000 euros de salaire brut par mois. Jean Castex, lui, se voit propulsé à la tête de la RATP. Le nouveau PDG sera dédommagé, pour le don de sa personne et de ses talents, de la bagatelle de 450.000 euros par an. Un poste de prestige, puisqu’il avait été occupé, fut un temps par… Élisabeth Borne.
Quel est donc cet écosystème autour du pouvoir ? Vincent Jauvert l’a nommé « la Mafia d’État », dont il a fait l’objet d’un livre publié en novembre 2021 (La Mafia d’État, aux Éditions du Seuil). Cette « noblesse d’État », pour reprendre le titre du livre de Pierre Bourdieu, constituée de hauts fonctionnaires qui se connaissent, sont souvent issus des mêmes promotions, investit selon lui non seulement le monde politique, mais aussi tous les pouvoirs. Elle occupe ainsi 40 % des sièges des conseils d’administration du CAC 40. Cet écosystème recycle avec une admirable efficacité ses propres déchets et essaime partout. Dans ce petit monde, la Macronie n’a rien chamboulé du tout. Comme le Président Hollande en son temps, lequel avait « renouvelé la quasi-totalité des 47 postes qu’il a le pouvoir de nommer ».
La République en marche, aujourd'hui mieux nommée Renaissance, place, gratifie et ne le fait pas moins bien qu’avant. Quels mérites ont tous ces gens ? Ils n’ont pas construit Versailles, que l'on sache. Mais peut-être ont-ils tout simplement traversé la rue...
35 commentaires
…..ce qui a toujours existé et existera encore…. le problème c’est la nomination comme ministre d’un »wok » qui veut notre disparition.