[Réaction] Morts en Irak pour rien ? Un ancien des forces spéciales répond

Roland

Alors qu'un troisième soldat, en l'espace de dix jours, vient de tomber en Irak, nous avons interrogé Roland (un nom de code), 34 ans, ancien des forces spéciales. Sur son compte Instagram, qui rencontre un vif succès, il partage au quotidien son avis et son expérience d’ancien opérateur de ces unités d'élite.

Sur BV, il s’inquiète d’une montée, à droite, d’un néo-antimilitarisme et d’un patriotisme sous condition, énième symptôme d’une France archipel.

Gabrielle Cluzel. Sur votre compte Instagram, vous avez rendu hommage à Nicolas Mazier, tombé le 28 août en Irak, et vous vous êtes en même temps indigné de certaines réactions après cette triste annonce. Pour quelles raisons ?

Roland. J’ai constaté, depuis plusieurs années déjà, la montée d’un néo anti-militarisme plus ou moins assumé par une frange de la droite qui, désabusée, tombe dans des raccourcis simplistes et des amalgames profonds sur ce qu’est le métier des armes, considérant les militaires tantôt comme « les idiots utiles du gouvernement », tantôt comme des « chiens à la botte de l’OTAN ».
Alors que la France rend hommage à l’un de ses fils tombé en combattant l’État islamique au Levant, les commentaires méprisants, voire insultants, que l’on peut lire sous les articles des médias de droite sont légion : « Il est mort pour rien », « Qu’y a-t-il de plus stupide que de mourir pour la république ? » D’autres ironisent sur le fait que, finalement, ce serait « bien fait pour eux », qu’ils n’avaient qu’à ne pas combattre à l’étranger.

Si ces gens peuvent s’offrir le luxe d’écrire de telles inepties, c’est parce qu’ils sont les privilégiés d’un système maintenu à flot par le sang de leurs soldats versé à l’étranger. Nos soldats y combattent ces organisations terroristes à domicile et les empêchent d’être en capacité de fomenter des attentats sur notre sol. Ils se plaignent de la gauche qui aurait oublié le travail formidable des forces de l’ordre, pendant le Bataclan notamment, leur crachant aujourd’hui au visage, mais ils viennent eux même traîner dans la boue les militaires qui travaillent dans l’ombre pour éviter ce genre de drame. Ces militaires sont le dernier rempart entre eux et une violence à laquelle ils ne sont pas prêts à faire face.

G. C. Comment en est-on arrivé là et que répondez-vous à ceux qui affirment que Nicolas Mazier est « mort pour rien » et qui se demandent (je cite) « ce qu’on fout encore là-bas » ?

R. J'éprouve alors une tristesse infinie, car j’ai moi-même perdu des amis en OPEX [opérations extérieures, NDLR]), mais il faut comprendre deux choses. La première, c’est que l’armée est le garde-fou de la France, et même si elle remplit des missions qui, parfois, servent des visées économiques ou politiques discutables, son objectif immuable reste la défense des Français et de leurs intérêts. Chaque soldat qui s’engage a à cœur de protéger le collectif. Le contre-terrorisme en est l’exemple parfait, et c’est pour cette raison que Nicolas et tant d’autres ont fait le sacrifice de leur vie.

La deuxième chose à comprendre, c’est que le discours non interventionniste - « ce qui se passe à l’étranger n’est pas notre problème » -, relayé par certains hommes politiques, prouve une méconnaissance profonde des enjeux sécuritaires de notre pays. L’Histoire nous montre que le repli sur les frontières n’a jamais été un gage de paix. D’autant plus dans le monde interconnecté qui, dans les faits, est le nôtre. Les descendants de ceux qui vantaient, en 1939, les bienfaits de la ligne Maginot tentent de nous faire croire que les puissances hostiles ou les groupes terroristes qu’on aura laissé prospérer à l’étranger nous épargneront comme par magie.

Je leur répondrai donc qu’ils sont, eux, les idiots utiles de leur propre système : ils frappent le bouclier qui les protège. Car, au-delà de l’enjeu sécuritaire, la fin de la présence française dans ces régions va avoir des répercussions financières fortes sur leur quotidien mais, en plus, le chaos qui va y renaître progressivement ne va faire qu’accroître le flux migratoire de populations cherchant à fuir des États chaque jour un peu plus en faillite. Le paradoxe est que si de tels commentaires existent, c’est parce que l’armée fait tellement bien son travail que beaucoup de Français ont oublié l’importance de ses actions.

G. C. Mais ne peut-on comprendre l’écœurement d’avoir vu tant de jeunes soldats français tomber, par exemple, au Mali, un pays qui déteste la France, qui l’a, in fine, fichue dehors, et dont tant de jeunes ressortissants en âge de se battre ont trouvé refuge chez nous…

R. Le Mali ne déteste pas la France. Des politiciens payés par le Kremlin et une frange minoritaire de la population ayant subi de plein fouet la guerre d’influence menée par la Russie tentent de discréditer la présence française par tous les moyens.

Ces gens-là se mordront les doigts d’avoir choisi ce partenaire bien moins éthique et moral que ne l’est la France, et nous en subirons nous aussi les conséquences sur le plus ou moins long terme. Les premiers à s’en plaindre seront cette frange de la droite qui s’est pourtant réjouie du départ des troupes françaises du Sahel. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui admirent la politique expansionniste de Poutine et fustigent l’interventionnisme français. Où se trouve la logique, là-dedans ?

G. C. Qu’entendez-vous par « patriotisme sous condition » ? Et pourquoi, selon vous, est-il lié à cette nouvelle forme d’antimilitarisme ?

R. Dans le sillage de ce neo-antimilitarisme de droite se cache, pour moi, quelque chose d’encore plus grave : le patriotisme sous condition. Dans la lignée des discours de certains « influenceurs », beaucoup de personnes, souvent des jeunes, nous expliquent que « la France ne mérite pas que l’on se batte pour elle », que « les Français ne méritent pas d’être défendus » et qu’il vaudrait mieux partir que d’assister à l’effondrement de notre pays. Cette réflexion gangrène bon nombre de nos compatriotes qui, encore une fois, s’offrent le luxe de se demander si la France mérite un petit effort de leur part.

Je pense qu’il est important de rappeler que le patriotisme se doit d’être désintéressé, qu’il n’est pas discutable. Qu’on lui doit tout et que nos ancêtres se sont battus dans des situations bien plus désespérées que celle que l’on vit actuellement. Que des jeunes Français chargeaient les collines de Ðiện Biên Phủ pendant que certains sabotaient leurs munitions en France et que l’opinion publique était en partie défavorable à leurs actions. Les caprices d’une partie de la droite d’aujourd’hui nous rappellent ceux de la gauche de l’époque.

J’invite enfin ceux qui parlent de guerre en France à se rendre dans un pays qui la vit véritablement de plein fouet afin de nuancer leurs propos et mesurer la chance qu’ils ont, malgré les crises que nous pouvons rencontrer.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

85 commentaires

  1. Les militaires servent un gouvernement. Les militaires sont gens courageux et honorables. Il n’en reste pas moins qu’ils obéissent aujourd’hui aux ordres de gens dont la politique est aux antipodes de l’intérêt national. On peu en conclure que s’ils meurent parfois en service , ce n’est pas pour la France mais pour l’Honneur de ses armes.

  2. « mesurer la chance qu’ils ont… », encore un qui veut nous renvoyer à l’âge de pierre et qui relativise la dégradation continue de notre vie…en FRANCE et « ce neo-antimilitarisme de droite qui cache un patriotisme sous condition » …tiens donc le gaucho-progressisme a finit par contaminer l’armée depuis l’éviction du général Pierre de Villiers.

  3. Le guerrier ne fait que porter l’epÉe pour le compte des autres. C’est un seigneur puisqu’il accepte encore de mourir pour des fautes qui ne sont pas les siennes, en portant le poids du péché et de l’honneur des autres. A. Sanguinetti. Tout est dit.

  4. Un soldat mort est une perte irréparable pour la patrie. Le drame, c’est quand un gouvernement l’envoie mourir pour rien. La place de nos soldats n’est pas à des milliers de kilomètres, pas en Irak, pas en Ukraine, pas en Afrique. Elle est sur le sol national, face aux territoires que les quatre derniers présidents de la République ont honteusement abandonnés depuis trente ans.

  5. Enfin, quelques vérités bonnes à dire et à entendre ! Merci à Roland pour cet entretien de bon sens. L’explication « Tout ça, c’est la faute aux Américains » est le résultat de 60 ans de propagande gaulliste mâtinée de tropisme moscovite. Croire à l’indépendance nationale est un leurre : les moyens dont nous disposons comme les ressources prévisibles nous condamnent à n’agir et à ne réagir que dans le cadre d’une alliance. L’OTAN est aujourd’hui la seule à répondre à nos besoins en attendant l’avènement problématique d’une défense européenne. 40 ans passés sous l’uniforme m’en ont convaincu !

    • « Croire à l’indépendance nationale est un leurre ».

      C’est honteux. Voilà une parole de domestique, toujours prêt à laisser à des étrangers son honneur et les laisser parler à sa place comme depuis trente ans les Chirac, les Jospin, les Sarkozy, les Hollande et les Macron.

      • Merci pour le « domestique ». Votre vision simpliste des choses montre le peu de cas que vous faites des cruelles réalités : l’Inde, un milliard et demi d’habitants, capable d’envoyer une fusée sur la lune et une autre vers le soleil. La Chine, un milliard et demi d’habitants, une armée de deux millions d’hommes et de femmes.. L’Algérie, 44 millions d’habitants, une armée de 972 000 hommes (dont réserves) avec 1200 chars modernes (T. 90 SA et T. 90 MS), etc. etc. La France, population de 68 millions d’habitants, une armée de 206 OOO militaires alignant 220 Leclerc et 147 Rafale ! Il est sûr que nous pouvons jouer les matamores sur la scène internationale ! Je passe sous silence le renseignement stratégique, le transport stratégique aérien et maritime, la cartographie numérique et la flotte de haute mer, qui serait nécessaire pour protéger nos 11 millions de km2. de domaine maritime ! . Restez donc dans vos rêves et priez le ciel pour que nous n’ayons pas à tester notre soi-disant « indépendance nationale ». Le nucléaire n’est pas un couteau suisse permettant de faire face à toutes les situations et surtout pas aux plus probables !
        Salutations distinguées d’un domestique bien éduqué.

      • Il faut relire l’appel de Cochin de Chirac. Prémonitoire ! Et tragique. Parce que Chirac le trahira avec application.
        « Il est des heures graves dans l’histoire d’un peuple où sa sauvegarde tient toute dans sa capacité de discerner les menaces qu’on lui cache. »
        « Comme toujours quand il s’agit de l’abaissement de la France, le parti de l’étranger est à l’œuvre avec sa voix paisible et rassurante. »

    • Propagande gaulliste tropisme moscovite Croire à l’indépendance nationale est un leurre (vous voulez dire sans doute une illusion ou un voeu pieu) L’OTAN est aujourd’hui la seule à répondre à nos besoins. Tout ça est tellement énorme et tout ça ne repose sur aucun exemple aucun argument.
      Qui vous dira que vous vous trompez et que vous êtes manifestement ignorant de bien des choses.
      Admettez juste une première évidence ; La France était 1000 fois plus indépendante du temps du Général qu’aujourd’hui. Elle n’en était que plus forte et plus écoutée. Et respectée. Est ce toujours le cas aujourd’hui ?
      Deuxième évidence : Les US d’aujourd’hui sont ils ceux de 1945 ? Quand je vois l’état de ce Pays, ses politiciens, la clique Biden, les résutats mirobolants de TOUTES les aventures militaires US depuis 45, l' »amiral » Rachel Lévine, je ne reconnais plus les vainqueurs de Midway.
      Troisième évidence : Ce n’est pas l’armée américaine qui a vaincu par la guerre le communisme soviétique . Les vainqueurs du communisme, c’est le rock and roll, Coca Cola, Hollywood, Jean Paul II, Lech Walesa, Vaclaw Havel, Soljénitsyne, Yves Montand et Costa Gavras, le Commandant Massoud, Ronald Reagan (en faisant virtuellement la guerre dans les étoiles), Matthias Rust et j’y ajouterai peut être même Gorbatchev !
      Dernier point ; le tropisme moscovite. Le tropisme ukrainien serait il meilleur ? De qui sert il les intérêts ? A quel prix ? Qui paye le prix ?

    • @Claude ASCENSI Les realités du monde sont ce qu’elles sont. Inde Chine etc … SOit.
      1/Mettre l’Algérie a parité avec ces Pays dans ce panorama c’est peut être aller un peu vite. Inutile d’entrer dans les détails.
      2/Mais c’est précisément parce que le monde est de plus en plus multipolaire, que les questions culturelles, religieuses, diplomatiques, sanitaires, écologiques, scientifiques et technologiques ont au moins autant sinon plus d’importance que les questions économiques et militaires que l’indépendance de la France, pour « peu » qu’elle s’appuie sur des politiques d’excellence (ce qui n’est hélas pas le cas par les temps qui courent) est la meilleure voie de sa grandeur et de sa sécurité.
      Dernière observation : La France a fait état de son indépendance avec le discours Villepin à l’ONU. Les US étaient furieux. Sont ils sortis grandis de cette affaire ? Ont ils seulement servi leurs intérêts ? Ils se sont ridiculisés et ont ouvert l’Irak au chiisme iranien et le Moyen Orient à l’Etat Islamique.
      Attendons de voir les résultats de l’affaire ukrainienne. On peut s’attendre à des « surprises » Et la France risque de regretter amèrement d’avoir oublié son indépendance.

    • Il n ‘ y aura jamais de défense européenne….et la France est à la botte des Américains qui sèment la guerre partout depuis le Viet-Nam !!….et suivre les USA en Ukraine est une connerie monumentale , Poutine ayant été poussé à cette guerre par les menées de l ‘ OTAN ….

  6. Si les américains n’étaient pas intervenus en Irak et avaient laissé Saddam Hussein, nous n’en serions pas là. La dictature? Mais il n’était pas le seul que je sache, mais les américains foutent le merdier partout pour leurs intérêts. Maintenant, c’est l’Ukraine avec la Russie qui vont nous entrainer vers la catastrophe. Si le Général De Gaulle nous avait sorti de l’OTAN, c’est pour une bonne raison, ne pas être à la botte des USA. En prenant de l’âge, on comprend beaucoup de choses. Quand on est militaire, on fonce bien souvent sans savoir les enjeux du combat et on obéi aux ordres. Je ne suis pas anti militariste. Mon père est mort pour la France en 1944 pendant la libération. Moi-même 33 ans de carrière dans la Colo ( TDM) avec la campagne d’Indochine ou j’avais 19 ans sergent, chef d’une section de supplétifs, blessé de guerre 3 fois cité, puis l’Algérie. Pour quel résultat? L’Indochine est devenue le Viêtnam communiste et l’Algérie indépendante.
    De Gaulle, reviens! ils sont devenus fous.

    • Je partage votre point de vue. Mon père était peut-être avec vous en Indochine. Il avait 20 ans lui aussi.
      De Gaulle, ne reviendra pas. Il suffit simplement de combattre en France le « socialisme mondialisé », pour vivre en paix dans notre (encore) pays.

    • De Gaulle, reviens! ils sont devenus fous.! Pourtant c est lui par Debré interposé qui a tue a coup de roquettes le general Rodier en manipulant les anciens Commandos de 44 reconverti a l ORAF ! Tout cela pour faire eliminer Salan presnté comme un liquidateur deja apprenti avec succes avec Tchang Puis HoChim , on l appeleait oas le Mandarin pour rien ! Et au final pour prendre le pouvoir frace a lui en 58 simplement avec un criez vive le general par Delbecque acote de lui a la tribune du GG !.
      Remettez Cesar au milieu de l arene et essayez de calmer les lions conduits par des ANES !
      En dehors de ce rappel historique , respect pour votre engagement , mais enlevez les oeilléres parfois !

  7. Notre armée n’a rien à faire dans les autres pays. Elle devrait nous débarrasser de racaille et des migrants en France sans mettre de gants . Veiller à notre sécurité sur le sol français et enfin ne pas dépendre de nos bras cassés de politique.

    • Bravo. Et ce jeune militaire des Forces Spéciales, ferait bien de « s’inquiéter » de la sécurité de sa compagne, et de ses enfants, sans compter celles des membres de sa famille. Jouer « les quèques » en Irak, ne lui ramèneront pas le chagrin de savoir son épouse « visitée » par des OQTF que le gouvernement laisse « libres ».

  8. Le jour ou les généraux arrêterons de cirer les bottes de nos politiques on pourra compter sur des changements et pas avant.

    • Pour cela, il faudrait ne pas réserver l’avancement et les décorations à ceux qui sont excessivement soumis au pouvoir politique. Nous avons besoin de guerriers pour remporter les prochaines batailles. Pas de larbins bien soumis.

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