Que sa grande goule séduise ou rebute, toujours debout quand on le croyait à terre, on ne le présente plus, l'homme aux cent cordes à son arc. Il lutte depuis un an contre une grave maladie, et alors ? Ce n'est pas un cancer qui va l'abattre : il va remonter sur scène, "c'est sûr et certain" (Le Parisien). C'est Bernard Tapie qui le dit.

C'est qu'il n'est pas un enfant de la balle, Tapie. Fils d'un père ouvrier et d'une mère aide-soignante, a priori, les chances d'une spectaculaire (et controversée) réussite financière s'avéraient infimes. Mais c'était sans compter sur la personnalité du garçon. Une confiance en soi quasiment innée avec de l'énergie à revendre, de la vivacité d'esprit, du bagout, une capacité d'adaptation à toute épreuve et, soulignons-le, souvent transgressive, Tapie a mené sa vie tambour battant. « [Son] tempérament a toujours été de [se] révolter contre ce que disait [son] cerveau formaté pour [le] laisser dans [son] tiroir d'origine." Le moins que l'on en juge, après une existence qui ressemble à un roman sulfureux, c'est qu'à 75 ans, Tapie compte bien tordre le coup à son destin.

Vendeur de télés, homme d'affaires, armateur, animateur, chanteur, homme politique, acteur, englué à de multiples reprises dans des scandales judiciaires, Tapie a tout fait, tout connu. Même la taule. Belle gueule, de la verve, pétri d'entregent, un malin reniflant les bons coups en rachetant pour un franc symbolique quantité de cadavres d'entreprises pour les revendre jusqu'à plusieurs centaines de millions de francs quelques petites années plus tard, ou n'éprouvant aucun scrupule, lui, le fils de smicard ajusteur-fraiseur, à délocaliser de « l'affaire de sa vie » - Adidas - une partie de sa production en Asie, rien n'arrête l'habile fonceur Bernard Tapie.

Un Tapie aux multiples facettes, de la sympathique à la moins reluisante. Car, il faut l'admettre, c'est une trempe, le Nanard. Il n'a pas baigné dans une société de Bisounours, lui. Il a vécu à une époque où, pour s'élever au-dessus de sa condition, on se levait tôt et on retroussait ses manches sans rien quémander à personne, sans se victimiser. C'est qu'on avait sa fierté, en ce temps-là, et que travailler d'arrache-pied vous posait son homme ! Tapie le parvenu emploie souvent des mots grossiers pour exprimer sa pensée ? C'est quand même plus revigorant à entendre que le politiquement, infantilisant, fémininement correct qui nous assomme.

Alors, évidemment qu'il est très inquiet, avec son cancer qui lui ronge l'estomac. Il ne gagnera peut-être pas ce combat-là mais, nom de nom, il les fera, ses "cent représentations à Paris et sa tournée en province" !

Opportuniste ou arriviste, qu'on lui reconnaisse des qualités ou qu'on le cloue au pilori pour ses condamnations, le Français Bernard Tapie est un battant. Un authentique.

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18 avril 2018 à 17:36

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