En quittant le Front national, Florian Philippot s’est fourvoyé

Interrogé sur RTL, ce mardi 26 décembre, Florian Philippot a montré ses qualités habituelles de débatteur : capable de répondre avec clarté à toutes les questions, même s’il ne les domine pas. Rien, dans ses réponses, qui puisse vraiment le distinguer de son ancien parti. Ni sur le devoir d’hospitalité (selon le pape François) à l’égard de tous les immigrés, ni sur l’interruption de la projection du film L’Étoile de Noël, à Langon, au nom de la laïcité. Mais pourquoi diable, dans les dernières secondes de l’émission, ce coup de griffe pour classer le Front national parmi "les vieilles formations politiques" ?

Cracher dans la soupe qui vous a longtemps nourri et permis de gagner quelque notoriété dans la sphère politique n’a jamais suscité l’enthousiasme des foules. Surtout quand on garde son poste d’élu européen, acquis sur la liste d’un parti qu’on renie désormais. Son départ ne peut s’expliquer par un simple désaccord sur la sortie de l’Union européenne : il eût sans doute été plus efficace de rester à l’intérieur du parti qu’à l’extérieur pour défendre son point de vue et faire pencher la balance de son côté, fût-ce au prix d’un compromis qui n’a rien de déshonorant.

Il faut donc chercher ailleurs la raison profonde de son départ. Par son habileté sur les plateaux de télévision, on ne peut nier qu’il ait contribué à la dédiabolisation du Front national et à la modernisation de son parti. Mais ce rôle, il n’aurait pu le tenir si Marine Le Pen n’en avait fait son bras droit (ou gauche, si l’on préfère). Quand il s’est aperçu que son leadership était contesté, il n’a trouvé d’autre solution, pour rester le premier, que de quitter le navire.

Le péché mignon de Florian Philippot serait-il l’orgueil ? Quand on se croit indispensable et le nombril d’un parti, il est inéluctable qu’on considère les autres comme de la valetaille avec laquelle on ne peut longtemps frayer. La rupture est inévitable. Pourtant, depuis qu’on voit à la télévision d’autres têtes que la sienne, on se rend compte qu’il n’était pas le seul à pouvoir défendre intelligemment les positions du FN.

Il a pâti aussi de la comparaison avec Marion Maréchal-Le Pen, dont beaucoup de militants et sympathisants souhaitent le retour. Par son intelligence, son courage, son argumentation toujours nuancée, elle attirait la sympathie bien au-delà du Front national. C’est ce qui distingue des convictions sincères de convictions plus ou moins intéressées.

Marion avait aussi une différence essentielle avec Florian Philippot : elle assumait ses positions en matière sociétale. Le leader des Patriotes, qui peut enfin dire ouvertement ce qu’il pense, considère ces questions comme secondaires. Le mariage pour tous, c’est maintenant un acquis ; la PMA pour toutes les femmes, point "d’opinion déterminée pour le moment", comme il l’a déclaré, le 27 novembre sur RMC. Ignore-t-il que l’ultralibéralisme sociétal fait bon ménage avec l’ultralibéralisme économique ? En politique, d’une manière générale, dans le domaine économique et sociétal notamment, tout découle de la conception qu’on se fait de l’homme.

Finalement, s’il en est un qui fait de la vieille politique, c’est bien Florian Philippot. Les médias l’invitent moins pour l’originalité de ses idées que pour sa capacité de nuire à son ancien parti. Il n’est guère probable qu’il incarne, un jour, le renouveau. Dommage, car il n’est pas sans qualités !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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