Quand tuer est banalisé, voire magnifié

BONNIE

C’est la pratique à la « Bonnie and Clyde » qui a peut-être  coûté la vie, mercredi 5 mai, à Avignon, à un policier : tuer n’importe qui, et a fortiori s’il s’agit d’un membre des forces de l’ordre, plutôt que d’être arrêté et perdre quelques années en prison ! Ces « sans foi ni loi » ne tirent pas parce que leur vie est en danger, ils ne tuent pas pour ne pas être entre quatre planches. Non, ils tirent pour tuer n’importe qui ayant le malheur d’être, même par inadvertance, sur leur chemin, simplement pour qu’eux ne se retrouvent entre quatre murs ! Ils prennent le risque de finir entre quatre planches pour ne pas croupir, quelques années, entre quatre murs !

Face à ceux qui se trouvent sur leur chemin, volontairement tels des policiers pour stopper leur fuite, ou involontairement, par pur hasard, tel un quidam ou un commerçant ou une mère de famille allant chercher ses enfants, ce genre d'individu agira à l’image du couple « si célèbre » Bonnie Parker et Clyde Barrow : il tirera. Non parce que sa vie sera en danger mais parce qu’il risquera de perdre un peu de sa liberté !

Pour ces criminels, « tueurs de flics » ou d’un quelconque passant, la vie des autres ne vaut rien, même si la perte de cette vie « sans valeur » pour lui correspondra à une peine à perpétuité pour la famille et les proches de leur victime ! Perpétuité que lui ne fera certainement jamais…

Que voulez-vous ? Il ne faut pas s’étonner que des individus à l’esprit peu mûr perpétuent de tels crimes de sang après que le monde du cinéma a encensé la vie de tueurs tels Al Capone ou le couple que furent Bonnie et Clyde : il en a magnifié les « exploits » jusqu’à les glorifier et les couvrir de louanges à travers de nombreux films dont le Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, en 1967. De merveilleux acteurs, Faye Dunaway et Warren Beatty, s’y prêtent jusqu’à déifier, grâce à un scénario adéquat, « ce jeune homme effronté et courageux » et « Bonnie [qui] décide de s'enfuir avec le beau ténébreux », comme s’en félicitait, récemment, à l'occasion d'une rediffusion, Télé 7 jours qui, enthousiaste, qualifiait ce film de « superbe et violente évocation de deux figures emblématiques du gangstérisme des années 30, portée par les magnifiques performances du couple Beatty-Dunaway. » Quoi de plus merveilleux que d’idéaliser, non pas une fiction, mais la minable existence de tueurs ayant ôté quatorze vies, dont celles de pauvres gens se trouvant « au mauvais endroit, au mauvais moment ». Clyde l’a reconnu lui-même : il a parfois tué simplement pour ne pas perdre la liberté ! Non parce que sa vie était en danger !

En avril, lors de cette re-re-rediffusion sur une télé française, j’ai été surpris lorsqu’à la fin, les deux tueurs se font cribler de balles, d’entendre un de mes voisins dire sérieusement : « C’est un assassinat… La police les a assassinés ! » Je lui ai fait part de ma désapprobation mais cela montre bien que de tels films magnifiant de tels tueurs peuvent orienter la réflexion d’esprits sans grande moralité.

Jacques Martinez
Jacques Martinez
Journaliste - Ancien chef d’édition à RTL (1967-2001)

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