Quand François Ruffin remet en question l’abandon par LFI des classes populaires

François Ruffin

Dans le livre qu’il vient de faire paraître, Je vous écris du front de la Somme, le député Insoumis François Ruffin livre cette anecdote à propos des dernières élections qui en dit long sur les errances clientélistes et idéologiques de son mentor : à l'instar de plusieurs autres candidats de province, il a été contraint de mener une « double campagne » avec Jean-Luc Mélenchon « bien en avant dans les cités » et « en retrait dans les zones pavillonnaires ».

Le Ruffin des villes, parcourant les rues d’Amiens-Nord, distribuait des tracts avec « la tête à Mélenchon, en bien gros » car c’était « le succès presque assuré, son nom servait de passe-partout ». À l’inverse, le Ruffin des champs, changeant de clientèle, prenait soin d’effacer toute référence à son encombrant patronage : « dès qu’on s’éloignait, pour le dire avec un euphémisme, cette affection n’était guère partagée, et mieux valait le gommer de nos affiches, de nos documents ».

François Ruffin s’est donc mis en tête, de reconquérir l’« électorat populaire de la France des gilets jaunes, des France périphériques », comme il le déclarait au micro de France inter, le 6 septembre dernier. Une « reconquête » car cet électorat est parti depuis longtemps chez Marine Le Pen : « La gauche a-t-elle lâché l'affaire ? », s’interrogeait le député Insoumis. « Je le crains, et je viens de faire un livre pour dire que je ne veux pas ça », ajoutait-il.

Des déclarations précédées de plusieurs interviews dans la presse nationale, et notamment Le Monde qui, en juin dernier, soulignait la volonté du député de la Somme de faire entendre sa différence au sein de La France insoumise (LFI). Une différence source de tensions car elle appuie là où ça fait mal en révélant l’imposture de Mélenchon et des Insoumis qui, pour accéder au pouvoir, ont fait le choix de sacrifier la France périphérique pour la France des « minorités », la lutte des classes pour les luttes sociétales.

Plusieurs députés LFI se sont empressés de dénoncer les propos de leur collègue. Alexis Corbière, élu du 93, a réagi sur Twitter : « Pourquoi taire nos bons scores dans les départements qui sont aussi populaires ? » Un autre député insoumis, Antoine Léaument, lui a reproché de « participer à la logique de division du peuple de nos adversaires » en « opposant les citoyens des quartiers et des campagnes ». Les mauvaises langues verront là les prémices d’une guerre des chefs provoquée par les annonces de départ du Líder Máximo. Jean-Luc Mélenchon a pourtant menacé : « Le premier qui déclenche une guerre civile [au sein de LFI], il aura affaire à moi. »

Ces petites querelles permettent de mettre au jour le cynisme de Mélenchon et des Insoumis qui ont trahi les « classes populaires » en reprenant la stratégie de Terra Nova, le think tank progressiste qui encourageait, en 2011, la gauche à se mettre plus en conformité avec « la France de demain ». Entendez : remplacer son électorat traditionnel ouvrier par l’électorat des jeunes, des diplômés, des femmes et surtout des minorités. La laïcité sourcilleuse de Mélenchon a ainsi été passée par-dessus bord et ce sont désormais des imams qui appellent à voter pour lui. Ajoutons à cela quelques déclarations bien outrancières contre la police et le Líder Máximo est devenu l’icône des quartiers perdus de la République.

Mélenchon est finalement comme Macron : ses convictions suivent la direction des vents dominants. Dans un entretien paru dans LVSL en 2021, Manuel Cervera-Marzal, sociologue venu de l’extrême gauche et auteur d’une enquête sur la stratégie des Insoumis, expliquait qu’après l’échec de 2017 à la présidentielle, il y avait eu un débat au sein de LFI pour déterminer où se trouvaient les voix manquantes qui auraient permis l’accès au second tour. Deux lignes s’opposaient : d’un côté, ceux qui estimaient qu’elles se situaient « du côté des classes populaires blanches, des zones rurales ou péri-urbaines plutôt en déclin, désindustrialisées, la diagonale du vide » ; de l’autre, ceux qui misaient sur les banlieues des grandes métropoles où se trouvent « les classes populaires racisées, descendantes de l’immigration ». Voilà qui a le mérite de la clarté. Comme le reconnaissait alors le sociologue, on ne tient pas le même discours aux uns et aux autres « sur des thèmes sensibles comme la laïcité, l’immigration, la police ». C’est bien tout le problème de François Ruffin.

Mélenchon, lui, semble avoir tranché en faisant le choix de sacrifier les « classes populaires blanches » sur l’autel de la « créolisation de la société ».

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Comme de nombreux commentateurs, je m’étonne que Ruffin se soit rangé aux côtés de LFI et non du PC. Avec Roussel, le PC redevient un parti de gauche qui défend les travailleurs et les classes populaires sans distinction de race et de religion tout en étant très critique avec l’immigration.

  2. Cet homme a du talent. Il pourrait séduire un large électorat, mais on se demande ce qu’il fait aux Insoumis. Espérons qu’il sautera le pas vers un autre parti.

  3. Si j’ai pu apprécier « merci patron », ce Ruffin est un fumiste comme ses compatriotes insoumis ! Il fait du clientélisme , drague ceux qui pourraient les porter un jour au pouvoir pour imposer leur dictature ! Non merci ! Depuis 1981, ces gauchistes ont gouverné la France et résultat : déconstruction de notre pays la France ! LR, socialistes, écolos, LREM, extrême-gauche ont tous participé à la ruine de la France !
    Les faits , tous les jours, donnent raison à Zemmour !

  4. François Ruffin aura-t-il le courage de tirer les conséquences de son analyse et de quitter la galère islamo-gauchiste de LFI ?

  5. J’ai toujours du mal à saisir la construction intellectuelle qui fait qu’un imam appelle à voter pour un trotskiste.

  6. François Ruffin ne veut pas que la France sorte de l’union européenne, seul moyen pour pouvoir récupérer notre industrie et pour récupérer notre souveraineté.

    Il faut informer ceux qui ne savent pas que si la politique ne change pas, c’est parce que c’est l’union européenne qui a le pouvoir en France.

  7. Traiter les gens différemment en fonction de leur couleur de peau, ça s’appelle comment, déjà…? Ah oui, du racisme!

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